Il est impossible de faire un projet exact de la société socialiste, qui dépendra en dernière instance des générations qui la construiront. Mais la prise du pouvoir par la classe ouvrière, majorité absolue de la population dans les pays capitalistes développés d’aujourd’hui, entraînera la suppression des limites actuelles à l’émancipation réelle des femmes initiée dans les années ‘60, fort partielle et continuellement sous la pression d’attaques diverses.
Si les femmes dans les pays développés ont pu faire d’importants pas en avant, c’est qu’elles ont fortement lutté pour les effectuer. L’insertion sur le marché du travail fut de la plus grande importance dans ce processus, car sans indépendance financière, les femmes ne peuvent être libres, quelque soit le nombre de lois votées.
Cela implique également que les femmes se sont activement intégrées dans la lutte des classes, seule lutte qui selon nous puisse mener à la libération.
Mais ce sont toujours les femmes qui restent gratuitement responsables des tâches familiales, forte restriction à leurs possibilités de travail, à temps plein et plus certainement encore pour un emploi de cadre. A celles qui veulent une carrière se pose souvent le choix déchirant entre une carrière ou des enfants – ou encore se trouver un homme au foyer (mais les enquêtes révèlent que les hommes ne trouvent pas ce rôle vraiment attractif).
Une véritable libération de la femme et la fin de leur position de second plan au niveau économique (taux de chômage plus élevé, salaires moindres, contrats précaires,…) passe par l’abolition de la famille.
Evidemment, l’on ne parle pas ici de la famille comme relation entre personnes, ce qui dans les couches non-possédantes est généralement fait de libre volonté et par amour, mais bien de l’institution en elle-même. Cela signifie que la société doit organiser les tâches ménagères et voir en chaque personne un individu qui a des droits et des devoirs en son sein. Aujourd’hui, une chômeuse de longue durée n’a plus droit à une allocation si elle ne vit pas seule et le minimex est “une allocation familiale” pour le chef de famille, homme le plus souvent. Les enfants non plus ne sont pas considérés comme des individus ayant des droits, mais comme étant sous la responsabilité de leurs parents.
Nous réclamons de véritables allocations familiales afin que tous, malgré leur situation financière, puissent avoir des enfants et les élever dans les meilleures conditions. En entrant en confrontation avec les intérêts du système à différents niveaux, ce programme est irréalisable intégralement sous le capitalisme.
Changer la situation passe par la socialisation des tâches ménagères; buanderies et lieux de repassage, restaurants d’entreprise et de quartier, crèches et institutions de soins pour les malades, les plus âgés et les invalides, organisation du temps libre pour enfants et jeunes, services de nettoyage,…
L’Etat actuel n’organise cela que dans une mesure très limitée avec les chèques services mais ce système contribue à la généralisation des bas salaires et des statuts précaires dans la société. Donc non, nous ne voulons pas dire que les femmes non-qualifiées doivent, pour des cacahuètes, laver le linge des familles plus aisées.
Sous le socialisme, ces travaux seraient des emplois avec un statut et un salaire à part entière, et de nouveaux services publics à la population au coût porté par la société dans son ensemble et non par l’utilisateur.
Tant que les femmes seront dépendantes d’un homme pour son gagnepain, même partiellement, les relations entre partenaires ne sauraient être harmonieuses et les jeux de pouvoir vont les déterminer.
La Révolution Russe a tenté de résoudre cette situation (et les lecteurs sont encouragés à lire La Position de la Femme dans le Développement de la Société de A. Kollontai, où elle développe les différentes mesures), mais les moyens manquaient dans ce pays pauvre et sous-développé, confronté à une isolation mortelle après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe.
A juste titre, Trotsky disait que la position de second rang des femmes sous le stalinisme était un signe que la société ne se développait plus dans la direction du socialisme. Sans liberté des femmes et tant que les relations au sein même de la classe ouvrière sont gâchées par des préjugés et des traditions sexistes, la société ne saurait être libre.
Pour Trotsky, la libération des femmes et le socialisme ont la même signification: la libération des femmes signifie la construction d’une société socialiste dans laquelle tout le monde travaille en fonction de ses possibilités et reçoit en fonction de ses besoins – en contradiction totale, donc, avec l’uniformisation reprochée aux socialistes (cette critique ne peut viser que la sanglante déformation stalinienne du socialisme).
Chaque véritable coopération humaine est basée sur l’égalité dans la diversité.
Article par ANJA DESCHOEMACKER