La décision de Bush d’envoyer 21.500 soldats supplémentaires en Irak est une fuite désespérée en avant. La seule puissance militaire n’est pas suffisante pour ‘stabiliser’ un pays. Quel contraste avec la situation qui a suivi immédiatement les attentats du 11 septembre ! Bush était alors au summum de son soutien populaire et s’en est servi pour envahir l’Afghanistan et chasser le régime intégriste des talibans qui accueillait et protégeait Ben Laden.
Enlisement au Moyen-Orient
Les Talibans éjectés, Karzaï, ami des Etats-Unis, est arrivé au pouvoir. A ce moment-là déjà, les Etats-Unis auraient dû savoir que le « changement de régime » ne disposait pas d’une base économique et politique suffisante pour assurer un régime stable. Mais il va de soi que les capitalistes américains et afghans n’ont pas utilisé les millions de dollars pour élever le niveau de vie de la population.
Aujourd’hui la culture d’opium est redevenue la ressource principale du pays tandis que les Talibans ont entamé une nouvelle offensive. Au cas où cela intéresserait encore Bush, le « terroriste n°1 » Ben Laden n’a toujours pas été retrouvé. Aucune amélioration sociale n’est possible dans des pays qui, comme l’Afghanistan, restent sous la coupe de l’impérialisme malgré un vernis d’indépendance.
Le nouveau front ouvert par Bush contre le terrorisme s’est révélé être un terreau fertile pour de futurs terroristes. L’invasion militaire de l’Irak était destinée à redessiner la carte du Moyen-Orient, à obtenir le contrôle des richesses pétrolières et à enrégimenter la classe ouvrière américaine en lançant un cri de guerre.
En guise de contrôle sur le Moyen-Orient, la région est maintenant devenue une véritable poudrière. En Irak, ce sont des groupes chiites liés à l’Iran qui portent le régime. Le pays sombre dans une guerre civile plus ou moins ouverte entre chiites et sunnites. Les deux camps recourrent aux attentats et à la purification ethnique des quartiers. 15% de la population a fui le pays ou s’est réfugiée dans une autre région.
L’armée américaine, dont plus de 3.000 soldats ont trouvé la mort en Irak, est transformée en cible ambulante. Les soldats sont chargés de traquer et « d’éliminer » activement les groupes rebelles, selon les propres paroles de Bush. Une telle politique déplacera les problèmes plutôt que de les résoudre. S’il est vrai que les partisans du dirigeant chiite radical Al Sadr se sont partiellement retirés de Badgad, cela ne sera qu’un phénomène temporaire.
Bush est de plus en plus isolé avec les débris de sa politique. Lors des récentes élections de mi-mandat, son parti a été châtié par les électeurs. Tony Blair, son plus fidèle allié, vient d’annoncer un premier retrait de 1.600 soldats d’Irak. C’est un aveu significatif, le gouvernement britannique reconnaît avoir fait fausse route.
Ailleurs dans la région, l’impérialisme a perdu du terrain. La Palestine est au bord d’une guerre civile entre le Fatah et les fondamentalistes du Hamas au pouvoir. Les deux factions palestiniennes se sont ‘réunies’ dans un gouvernement d’unité nationale instable. Au Liban, les islamistes du Hezbollah ont renforcé leur position après avoir mené une résistance réussie contre l’armée israélienne. La population craint qu’une nouvelle guerre civile n’accentue les tensions ethniques et religieuses dans le pays.
Du changement de régime au retour du «containment»?
Le plan des néoconservateurs selon lequel un changement de régime en Irak conduirait à un scénario où les régimes de la région non alignés sur les USA (Syrie, Iran,…) tomberaient les uns après les autres comme une chaîne de dominos sous la pression militaire américaine s’est embourbé dans le sable irakien.
Entretemps, en Amérique Latine, le « jardin des Etats-Unis », un processus révolutionnaire pointe à l’horizon. Au Vénézuela, par exemple, des couches larges de la population discutent du socialisme. La seule superpuissance sortie de la guerre froide n’a pas les moyens d’intervenir, l’effet serait trop radicalisant.
Récemment, Bush a même dû conclure un accord avec la Corée du Nord stalinienne, qui recevra du pétrole en échange de l’arrêt et du démantèlement de son programme nucléaire. L’Iran, soupçonnée également d’ambitions nucléaires militaires, attend sans doute un accord économique similaire.
L’illusion d’un impérialisme américain capable d’envahir plusieurs pays et de les « occuper » s’est effondrée durablement. La Corée du Nord a donc reçu l’ancien traitement de « containment » (contenir un régime en maniant à la fois le bâton et la carotte)
Cependant l’envoi d’un porte-avions US en direction de l’Iran montre que l’influence des néoconservateurs n’a toujours pas disparu. Une attaque aérienne sur les installations nucléaires, au lieu d’une attaque terrestre, n’est pas exclue.
Une telle attaque aurait pourtant des conséquences extrêmement dangereuses au Moyen-Orient et dans le monde entier. Mais la guerre connaît ses dynamiques propres et la clique autour de Bush n’est pas spécialement réputée pour son attention au contrôle des dégâts.
La réalité oblige Bush à appliquer une politique un peu plus pragmatique. Mais tout reste possible.
Non à la guerre ! Mais comment la stopper?
Dimanche 18 mars aura lieu une nouvelle manifestation à Bruxelles contre la guerre et l’occupation de l’Irak. Tant aux USA que sur le plan international, la résistance contre la brutalité de l’impérialisme américain augmente, tout comme les difficultés de Bush.
Sa politique dangereuse a contribué à la croissance du terrorisme international et a transformé des couches entières de la population, en particulier les musulmans, en boucs émissaires.
Le 27 janvier, un demi-million d’Américains ont manifesté contre la guerre en Irak, sous des pancartes ou des calicots s’opposant à la hausse du budget de la guerre et réclamant le retrait des troupes. Une majorité écrasante des Américains est contre l’envoi de troupes supplémentaires en Irak.
Comme jadis lors des mouvements contre la guerre du Vietnam, des vétérans ont participé aux manifestations. En ce moment, un millier de soldats ont signé la petition ‘Appeal for Redress’ adressée au Congrès pour arrêter la guerre. Un des initiateurs déclare: ‘Nous nous prononçons contre cette guerre, une guerre impérialiste. Une guerre qui sert les profits, pas l’humanité (…) une guerre contre la classe ouvrière, pas pour la justice.” Signe révélateur, les Vétérans contre la Guerre ont quadruplé le nombre de leurs membres en un an.
Notre organisation-soeur aux USA, Socialist Alternative, mobilise pour des grèves lycéennes et étudiantes dans différentes villes, à l’occasion du quatrième anniversaire de la guerre, dans la semaine du 17 au 24 mars. Elle soutient la création de comités de mobilisation dans les écoles, les quartiers et les entreprises. La montée d’une résistance radicale dans la jeunesse peut en effet inciter les travailleurs à entrer eux aussi en action sur leurs lieux de travail.
Les manifestations font sentir aux travailleurs et aux jeunes leur force collective. Elles peuvent donc aider à élever la conscience politique. Mais une plus grande organisation du mouvement s’impose. Les manifestations massives dans le monde entier avant le lancement de la guerre n’ont pas suffi à empêcher celle-ci.
Les capitalistes et leurs politiciens doivent être confrontés à des luttes mieux organisées et politiquement plus conscientes avant de céder à une opposition quelconque. Des comités anti-guerre dans les écoles, les quartiers et les entreprises, en particulier aux USA, peuvent élever le mouvement sur un plan supérieur en lui donnant une structure plus efficace.
Un mouvement croissant de grèves et de manifestations de la jeunesse pourraient, jusqu’à un certain stade, devenir le catalysateur de grèves dans les entreprises contre la guerre en Irak. Mais ce développement requiert également la mise sur pied d’un parti large des travailleurs et des jeunes qui puisse réunir toutes les expériences, les généraliser et les orienter contre les fondements de la société capitaliste : la soif de profit au détriment des conditions de vie de la majorité.
Un parti des travailleurs aux Etats-Unis – et ailleurs – pourrait donner une orientation aux syndicats afin qu’ils lancent un appel à une grève générale contre cette guerre impérialiste que les travailleurs paient avec leur argent et leur vie.
Mais la menace de la guerre et de la barbarie ne pourra être définitivement écartée que si nous organisons cette lutte dans le cadre de la lutte pour une autre société, une société qui mette la richesse à la disposition de la population elle-même, une société socialiste.
Article par PETER DELSING