Nous avons assisté ces derniers temps à une montée des violences racistes en Europe. Quels enseignements peut-on retenir de la lutte contre le fascisme classique dans les années ‘20 et ’30 ?
Le fascisme englobe bien plus que la violence ou des opinions racistes. Le racisme n’est d’ailleurs pas le monopole de forces néofascistes comme le Vlaams Blok/Belang, le Front National ou Nation. Un important dirigeant local du PS français, Georges Frêche, vient d’être exclu de son parti pour avoir déclaré que les Harkis algériens étaient des « sous-hommes » et que l’équipe de France comptait trop de Noirs…
Le fascisme dans les années 1920 – 1940
Les organisations fascistes sont arrivées au pouvoir dans des périodes de crise politique et économique extrême.
En Italie, le Parti Socialiste Italien n’a pas saisi les occasions créées par une situation révolutionnaire unique en 1919 et 1920 lorsque des milliers d’occupations d’usine ont eu lieu et Mussolini a pu arriver au pouvoir en 1922 après l ‘échec de ce mouvement et la retombée de l’espoir parmi les travailleurs.
L’Allemagne a connu elle aussi une période révolutionnaire (de 1918 à 1923) durant laquelle les travailleurs ont tenté d’édifier une démocratie ouvrière selon le modèle des travailleurs russes. Mais le jeune Parti Communiste a commis quelques erreurs aventuristes et, surtout, la direction de la social-démocratie allemande a préféré sauver le capitalisme en participant au gouvernement et en couvrant même l’exécution de dirigeants ouvriers.
Par la suite, l’économie s’est complètement effondrée : au début des années ’30, 97% de la population ne disposait plus d’épargne et 25% de la population active se retrouvait sans emploi et sans allocations.
La crise économique et l’absence d’une réponse du mouvement ouvrier ont créé un vide politique, plus particulièrement parmi les couches sans lien avec le mouvement ouvrier organisé – classes moyennes (artisans, professions libérales, petits paysans,…) , vétérans de guerre, chômeurs,… – qui étaient les principales victimes de l’inflation galopante. Elles ont commencé à chercher une force qui serait capable de rétablir l’ordre et la stabilité. C’est parmi ces couches-là que les partis fascistes ont trouvé leur base sociale.
Comme l’a dit Trotsky, dirigeant de la Révolution Russe avec Lénine, « la menace fasciste est l’expression du désespoir contre-révolutionnaire après l’échec de l’espoir révolutionnaire ». Ce qu’a bien compris aussi la communiste allemande Clara Zetkin qui a déclaré en 1923 que le fascisme serait à l’ordre du jour si la Révolution Russe ne connaissait pas de prolongement dans le reste de l’Europe.
Avec l’appui d’une partie de la grande bourgeoisie (principalement celle issue de l’industrie lourde) et une structure militaire, les milices fascistes sont parties à l’attaque contre le mouvement ouvrier. Elles ont souvent utilisé une rhétorique anticapitaliste mais en la déviant vers le racisme et le nationalisme. Ce n’est que de cette cette façon-là qu’ils ont pu faire une distinction entre le banquier Rotschild, d’orgine juive, et le patron de l’acier Krupp, invité régulier des congrès nazis.
Les nazis ont puisé dans les diverses couches ruinées par la crise leurs briseurs de grève. Lorsque les nazis sont arrivés au pouvoir en 1933, ils ont dissous le parlement et interdit toutes les organisations ouvrières (partis, syndicats, mutuelles,…). L’atomisation du mouvement ouvrier a ouvert une période dorée de bas salaires et de travail d’esclave pour le grand capital allemand. De grands travaux d’infrastructure et la préparation à la guerre devaient sauver l’économie. Les conséquences en sont connues…
Le VB et le FN : entre rêve et passage à l’acte
Le Vlaams Blok/Belang, le Front National ou Nation possèdent un programme similaire aux fascistes des années ‘20 et ‘30. Les musulmans ont juste pris la place des Juifs comme boucs émissaires principaux.
Le VB dispose aussi de troupes qu’il peut engager si nécessaire dans des confrontations physiques. Quelqu’un est même payé pour diriger ces troupes de choc : Luc Vermeulen, à la tête du groupe d’action Voorpost. Ce sont ces troupes-là qui ont été envoyées contre les organisateurs du pèlerinage de l’Yser en ’96 et contre la manifestation anti-NSV en décembre 2004.
Le danger émanant des groupes néo-fascistes ne peut donc pas être négligé. Dans les années ’20 et ‘30, nous avons vu à quoi une telle attitude peut mener. Le Parti Socialiste Italien a longtemps jugé que le danger de Mussolini était insignifiant tandis que, quelques années plus tard, le Parti Communiste Allemand (passé entièrement sous le contrôle de Staline) déclarait que le parti social-démocrate était un parti « social-fasciste » et qu’aucune alliance n’était donc possible avec lui contre les nazis !
La situation aujourd’hui n’est évidemment pas la même que dans ces années-là. Des forces comme le Vlaams Belang ou le Front National en France (et encore plus en Belgique !) ne disposent pas d’une base active importante prête à utiliser la violence et le mouvement ouvrier est en outre aujourd’hui beaucoup plus fort que dans les années ‘30. Des petits groupes ouvertement nazis sont certainement prêts à tout mais ils ne jouissent pas du soutien des couches plus larges de la population (ni même de l’ensemble des électeurs d’extrême-droite). Cela ne signifie pas pour autant que nous pouvons rester tranquilles.
La leçon principale que nous devons tirer des luttes antifascistes des années ‘20 ou ‘30 est la nécessité d’une réaction immédiate face au danger fasciste et le rôle primordial du mouvement ouvrier.
En s’opposant systématiquement à chaque montée de groupes néofascistes, nous pouvons éviter qu’augmente la confiance qu’ils ont en eux pour passer à l’action et à la violence. C’est pourquoi nous mobilisons contre la marche du NSV (les étudiants du VB) à Anvers le 8 mars.
Nous pensons également qu’une montée des luttes des travailleurs peut aboutir à une situation où l’extrême-droite se retrouve en position défensive. Cela a encore pu se vérifier récemment en France lors du mouvement contre le CPE et, chez nous, lors du mouvement contre le Pacte de Solidarité. Le VB avait alors déclaré que les mesures gouvernementales n’allaient pas assez loin et sa fraction au conseil communal à Gand avait réclamé une répression policière plus féroce contre les piquets de grève, tandis que la majorité des électeurs du VB soutenaient les actions syndicales.
L’absence d’alternative politique pour le mouvement ouvrier permet à des partis comme le VB ou le FN de mettre en avant pendant un temps des opinions contradictoires afin de séduire différents publics.
La meilleure manière d’infliger une défaite permanente aux partis néofascistes est de lutter pour un programme anticapitaliste et de construire une formation politique qui défende réellement les intérêts des travailleurs. No Pasaran!
Dossier par EMIEL N