Environnement. A la recherche d’un bricolage rapide

La conférence de l’ONU à Bali sur le changement climatique, destinée à donner une suite au très discrédité Traité de Kyoto, s’est tenue peu après la parution du dernier rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat (GIEC). Ce rapport a, pour la première fois, démontré que certains des effets du réchauffement climatique étaient déjà irréversibles.

Ce sombre avertissement est particulièrement inquiétant parce que le GIEC est sous le feu des critiques de certains scientifiques qui lui reprochent d’avoir aboutis à des conclusions trop optimistes, à cause de données dépassées. Par exemple, selon le GIEC, la fonte des glaces du Groenland prendrait 1.000 ans, tandis que beaucoup de scientifiques spécialistes des questions climatiques sont persuadés que cela se produira beaucoup plus tôt. Greg Marland de l’Institut international pour les systèmes d’analyse appliquée (International Institute for Applied Systems Analysis), en Autriche, a soutenu dans le New Scientist que les projections du rapport du GIEC ont utilisé des données publiées en 2000, dont certaines ont été très probablement collectées en 1998. Depuis lors cependant, la production de carbone a augmenté avec plus d’intensité, notamment à cause de la récente croissance rapide des émissions de la Chine, ce qui mine sérieusement la validité des prévisions précédentes.

Le nouveau rôle de la Chine dans la pollution a été également récemment souligné par l’agence internationale de l’énergie, qui a calculé que la Chine est sur le point de rattraper les Etats-Unis en tant que plus grand producteur de gaz à effet de serre. La croissance insoutenable du pays, illustrée par l’ouverture de deux centrales électriques à charbon par semaine, coïncide avec les données selon lesquelles les puits de carbone, telles que les forêts tropicales, qui ont jusqu’ici absorbé la moitié des émissions humaines de gaz à effet de serre, ne peuvent plus soutenir le rythme des émissions.

Ces données sont liées à la peur croissante que de nouveaux points de non-retour soient atteints, des points où la dégradation de l’environnement est irréversible. L’une de ces craintes est celle de l’effondrement du système océanique global, ce qui n’arrêterait pas seulement le Gulf Stream, mais affecterait également la mousson asiatique et mènerait au réchauffement de l’Océan Austral et selon toutes vraisemblances aussi à la déstabilisation des glaces de l’Antarctique. Dans le pacifique, El Nino pourrait alors devenir un phénomène permanant qui accélérerait la disparition de la forêt tropicale d’Amazonie, un des principaux puits de carbone au monde. La rupture des courants océaniques est un autre point sans retour lié à la fonte des glaces polaires. Leur absence ne permettrait plus de refléter les rayons solaires au delà de l’atmosphère, ce qui renforcerait le réchauffement climatique. Ces différents points ainsi que d’autres tendent à s’alimenter les uns les autres, ce qui pourrait rapidement conduire à une détérioration rapide de la situation.

Une recherche désespérée d’une alternative bon marché

Bien que cela ne puisse pas être statistiquement établi, il est néanmoins très possible que l’ouragan Katrina ait été provoqué par l’élévation des températures dans les Caraïbes et le Golfe du Mexique. Cependant, comme Socialism Today l’avait prédit à l’époque, cette catastrophe n’a entraîné aucune conséquence en termes d’actions efficaces de la part du gouvernement US face au changement climatique parce que les grandes entreprises ne sont pas prêtes à voir leurs bénéfices pâtir, même très modestement, d’un mouvement favorable aux sources d’énergies renouvelables. Au lieu de cela, on assiste aux USA, comme dans la plupart des autres pays capitalistes industrialisés, à une orientation plus marquée vers des politiques visant à développer l’énergie nucléaire parce que, par coïncidence, le nucléaire ne produit pas beaucoup de gaz à effet de serre et parce qu’une telle adaptation implique relativement peu d’investissements.

Les dangers de l’énergie nucléaire ont été décrits à de nombreuses reprises dans le Socialism Today. Elle ne représente pas une solution sûre et soutenable face aux problèmes du changement climatique. Mais c’est une considération secondaire pour un système basé sur le profit, un système où le résultat à court terme est toujours prioritaire, d’où la décision de ré-adopter l’énergie nucléaire. Mais il s’avère maintenant que le gouvernement américain a lancé des recherches pour trouver une alternative « magique » pour « réparer » le réchauffement climatique, peut-être parce que les coûts de construction de nouvelles centrales nucléaires sont inacceptables, en particulier avec l’arrivée d’une récession économique. D’autre part, cela pourrait également être lié à la panique éprouvée face à l’accélération rapide du changement climatique, après 20 années d’inaction. Si une « solution » rapide et à bon marché était proposée, en particulier durant une crise économique, la tentation de l’essayer indépendamment de n’importe quels dangers ne pourrait-elle pas se développer ?

En 1883, une explosion volcanique a eu lieu à Krakatoa, sur les côtes de l’actuelle Indonésie, la plus grande jamais relatée dans l’histoire : le bruit de l’explosion a été entendu jusqu’en Australie. Des millions de tonnes de cendre volcanique ont été expulsées dans l’atmosphère et ont donc plus tard été emportées partout autour du globe. Ce qui est important pour la discussion qui nous intéresse ici, c’est que l’on a pu noter ensuite que ces cendres n’ont pas été sans effets sur le climat parce les particules de sulfate comprises dans la cendre ont directement reflété la chaleur du soleil dans l’espace. Plus récemment encore, après l’éruption du Mont Pinatubo aux Philippines en 1991, des quantités énormes de particules de sulfate ont été éjectées dans la stratosphère et l’on a pu observer un refroidissement de la température terrestre de quelques dizaines de degré durant plusieurs années. Cela pourrait sembler infime, mais c’est en fait une diminution significative de température en termes de réchauffement climatique.

Quelques scientifiques proposent aujourd’hui d’imiter les effets d’une explosion volcanique en émettant des particules de sulfate dans l’atmosphère afin de reproduire ses effets de refroidissement. Une nouvelle recherche publiée par le journal scientifique « Geophysical Research Letters » a cependant prouvé qu’il pourrait y avoir de graves conséquences si une pareille méthode était utilisée. Une étude menée par des chercheurs du National Centre for Atmospheric Research, dans le Colorado, sur les répercussions de l’explosion de Pinatubo a constaté une diminution marquée des précipitations. Ils en ont conclu que l’injection de particules de sulfate dans la stratosphère pourrait avoir un effet désastreux sur les cycles de l’eau, conduisant à des sécheresses et à des famines catastrophiques.

Et si, à l’avenir…

Est-il toutefois possible à l’avenir qu’un président des USA essaye d’imiter l’activité volcanique comme porte de sortie pour le dilemme du réchauffement climatique ? Cette pratique serait relativement facile à appliquer et bon marché, et Bush a déjà soulevé la possibilité d’installer d’énormes miroirs dans l’espace pour refléter les rayons solaires, une méthode qui aurait un effet climatique similaire à une explosion volcanique. Cependant, avant de sauter à la conclusion de la possibilité d’un tel scénario, cette probabilité doit d’abord être mise en perspective. Bush a en grande partie proposé son idée pour répondre à la critique selon laquelle il ne prenait pas au sérieux le réchauffement climatique, et n’a jamais véritablement eu l’intention d’agir (le vaste coût qu’une telle opération impliquerait n’est pas la dernière raison de cela). Mais les futurs dirigeants des Etats-Unis auront à penser plus soigneusement que Bush aux effets du réchauffement climatique et à ses répercussions politiques.

Néanmoins, dans un contexte de crise de plus en plus profonde et désespérée du système, soulever cette possibilité n’est pas un grotesque essai de provoquer la frayeur, mais bien un sobre avertissement des dangers auxquels nous devons faire face. Il n’est pas entièrement ridicule d’imaginer un scénario dans lequel une méthode sale, mais bon marché pourrait être mise à l’essai, par exemple après qu’un second Katrina ait frappé les Etats-Unis, mais à une échelle plus grande et pendant une récession économique grave. Un futur président pourrait alors être tenté d’essayer un bricolage rapide, bon marché, mais catastrophique.

Lors d’une récente réunion tenue à Londres dans le cadre de la préparation de la manifestation de décembre sur le climat, le journaliste et militant environnemental George Monbiot a lui-même déclaré que bien que le système capitaliste soit la cause de la crise climatique, puisqu’il ne peut être détruit immédiatement, nous devons décider maintenant d’une autre action. Bien qu’il n’ait assurément pas eu à l’esprit les idées exposées dans cet article, toute manière de détourner l’attention de la lutte pour remplacer le capitalisme en créant des illusions sur n’importe quelle alternative à court terme tout en restant dans le système du marché augmenterait malheureusement seulement les risques d’un futur désastre.

Article par PETE DICKENSON

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