Cette fois, ça y est, Leterme 1er est devenu réalité. Mais, bon, cela n’empêche pas la presse d’estimer à la quasi-unanimité que ce nouveau gouvernement est tout aussi intérimaire ou transitoire que le précédent. Au finish, les neuf mois de crise politique et les trois mois de gouvernement intérimaire n’ont débouché que sur une « déclaration d’intentions » en lieu et place d’un réel accord. Les promesses sociales sont toutes très vagues et restent à concrétiser : il n’y a aucun chiffre ni aucune indication qui permette de deviner où sera trouvé l’argent nécessaire.
Alors que les directions syndicales ont réagi de manière étonnamment modérée à l’accord gouvernemental, pas mal de propositions concrètes doivent pourtant faire frémir les syndicalistes.
BENEDICTION DU PS, DU CDH ET DU CD&V A LA CASSE SOCIALE
Il va ainsi devenir possible d’attirer des immigrés économiques pour boucher les pénuries sur le marché de l’emploi. Leterme 1er veut aussi approfondir « le suivi systématique des chômeurs » de plus de 50 ans (lire : pouvoir les forcer à accepter des emplois à bas salaires et à mauvaises conditions de travail). Le travail intérimaire doit devenir possible dans les services publics, même s’il est dit que ce sera à des « conditions exceptionnelles et temporaires ».
A chaque fois, il est précisé que l’élaboration de ces mesures doit s’effectuer en concertation avec les partenaires sociaux. Le PS et le CD&V espèrent obtenir des accords qui auront reçu la bénédiction des directions syndicales, raison pour laquelle certaines mesures d’adoucissement figurent dans le texte, même s’il est déjà certain qu’il n’y aura pas suffisamment d’argent pour les financer toutes.
Citons encore les nouvelles diminutions de charges pour le travail en équipe et de nuit et surtout l’annualisation de la semaine de 38 heures. Ce dernier point est présenté comme une manière de faire passer la récupération des heures supplémentaires de façon « plus flexible », « pour le patron aussi bien que pour le travailleur. Les travailleurs peuvent par exemple compenser une période dans laquelle ils veulent être plus à la maison en travaillant plus durement dans une autre période de l’année ». Pourtant, la revendication de moins de stress et de moins de pression au boulot résonne toujours plus clairement. Mais désormais, vous devrez travailler plus durement quand ça arrange le patron, et travailler moins… quand ça arrange le patron. Et hop ! Tout le « problème » des heures supplémentaires « trop chères » disparaît dans un paquet de secteurs.
POUR LE RESTE: ATTENDRE !
Sans disposer de chiffres, aucune comparaison ne peut être faite entre les moyens dégagés pour le pouvoir d’achat et ceux consacrés aux cadeaux pour les patrons. Mais les mesures en faveur du pouvoir d’achat seront extrêmement limitées. En affirmant sa volonté de développer des coûts salariaux « plus favorables » (pour le patronat) en comparaison avec nos plus importants partenaires (et concurrents) commerciaux, le gouvernement a donc déjà prévenu que le moyen le plus efficace pour améliorer le pouvoir d’achat de la population – une réelle augmentation des salaires et des allocations – n’était pas pour lui une option. « La société » va devoir payer pour l’augmentation des coûts et pour compenser l’argent que le patronat ne verse plus grâce aux nombreuses diminutions des charges, à la déduction des intérêts notionnels et à la fraude. Mais la société… c’est nous.
Il n’est toutefois pas certain que ce gouvernement va rester debout longtemps. Le premier obstacle est pour l’été, puisque le deuxième paquet de la réforme de l’Etat doit être prêt à la mi-juillet. Le deuxième sera pour septembre avec le nouveau budget, qui devra cette fois aboutir à des données chiffrées.
Et en cas de survie, il y aura toujours BHV, combiné à la fièvre électorale en prévision des élections régionales. Leterme veut mettre en place un gouvernement stable reposant sur le principe que les intérêts de la bourgeoisie doivent être satisfaits à tout moment et que les autres intérêts sont secondaires. Mais ce gouvernement sera tout de même fort probablement un «gouvernement de transition» dans lequel les bagarres vont continuer jour après jour.
Le mouvement ouvrier doit garder les yeux grands ouverts : travailleurs et allocataires vont devoir payer avant même qu’une crise économique ne donne l’occasion aux héritiers du vieux PSC-CVP de faire appel à leurs talents les pus reconnus : lancer, la larme à l’œil, des appels déchirants à ce que «tous» se serrent la ceinture.
Article par ANJA DESCHOEMACKER