Après des mois de protestation, les étudiants de Ouagadougou (Burkina-Faso) se sont mis en grève le 17 juin afin de faire monter la pression pour obtenir satisfaction de leurs revendications. Ils se battent pour plus de salles de cours, plus de bourses et pour faire baisser les frais d’inscription. En effet, les conditions d’études sont catastrophiques. Il n’y a, par exemple, pour tout le département d’allemand que deux dictionnaires et deux ordinateurs. Lors des derniers jours de grève, les étudiants ont formulé une revendication supplémentaire, exigeant le retrait immédiat et inconditionnel de la police du campus universitaire.
La police tire sur les étudiants
Le 17 juin, le plus grand syndicat étudiant, l’ANEB, appelle à une manifestation et un sit-in devant le bureau du recteur de l’université. Ils veulent forcer l’administration de l’université, qui jusque là a tenté d’ignorer leurs protestations, à réagir. Mais au lieu de négocier avec les étudiants, celle-ci fait appel aux forces de police, qui tirent à balles réelles sur les manifestants jusque là pacifistes. Soixante-deux étudiants sont arrêtés, nombre d’entre eux sont blessés. «Un étudiant a reçu une balle dans la jambe. On se serait cru au Darfour», rapporte un étudiant. Depuis, le campus est encerclé par la police, alors même que l’accès au campus lui est interdit par la loi.
Pendant ce temps, certains étudiants arrêtés sont relâchés par manque de preuves. Quatre d’entre eux sont condamnés à 6 mois de prison. Ils sont mis toutefois en liberté conditionnelle. Accusés de dégradations lors de la manifestation, ils ont dû s’acquitter de 5.000 francs CFA de caution. Mais, contrairement à ce qui a été rapporté par les médias, les étudiants n’ont commencé à se défendre que lorsque la police s’est mise à leur tirer dessus.
Le procès a duré quarante-huit heures, pendant lesquelles des centaines d’étudiants ont attendu dans une salle d’audience bondée ou se sont rassemblés devant le tribunal, pour manifester leur solidarité avec leurs camarades. C’est pourquoi, les peines ont finalement été bien moins lourdes que ce que le procureur avait initialement requis.
L’université fermée par son président
Afin de souligner qu’ils ne se laisseront pas intimider et continueront la lutte jusqu’à ce que leurs revendications soient satisfaites, une nouvelle manifestation est appelée pour le 26 juin.
La réponse de l’administration est immédiate : fermeture de l’université toute entière. «Pour le moment, nous ne fermons que les services de la vie étudiante, notamment les résidences, les restaurants et les centres de santé», explique Bibia Robert Sangaré, président du Centre National des Institutions Universitaires.
Ceci pose d’énormes problèmes aux étudiants en grève. En effet, la plupart d’entre eux vient de loin, partage une petite chambre dans une résidence étudiante et ne dispose que d’un budget extrêmement limité. L’administration cherche ainsi à casser le mouvement en choisissant littéralement de l’affamer. Dans le même temps, «Le président de l’université nous menace d’annuler le semestre. Ils veulent boycotter nos résultats et faire redoubler l’année», nous confie un étudiant.
Malgré tout cela, les étudiants organisent d’autres actions pour les jours à venir. «Le campus est encerclé par la police. Nous n’avons aucun moyen d’entrer en contact avec la base de notre organisation. Nous organiserons toutefois une grande manifestation lundi avec tous les étudiants du campus», nous explique Adama Baguiyan, président de l’Union Générale des Etudiants du Burkina-Faso (UGEB), organisation à laquelle appartient l’ANEB.
La colère monte contre les politiques néolibérales
Au Burkina-Faso, comme dans toute la région, les luttes contre les effets des politiques néo-libérales se sont multipliés durant les derniers mois. De grandes grèves et manifestations contre l’augmentation des prix alimentaires et contre les accords de partenariat économique avec l’Union européenne ont agité le pays. La répression brutale des étudiants par la police révèle à quel point le gouvernement craint cette contestation.
Parallèlement à la grève étudiante, les travailleurs de la santé ont répondu à l’appel du syndicat Synsha et se sont mis en grève pendant trois jours. Pour transformer cette colère considérable en une résistance effective, les syndicats devraient organiser une prochaine étape, une journée nationale de grève générale de tous les travailleurs, les étudiants et les pauvres des villes comme des campagnes. Il faut construire une représentation politique, qui ne soit pas une alliance avec les banques et les multinationales occidentales, mais permette d’unifier à l’échelle internationale la résistance contre le capitalisme et la mondialisation libérale. Le capitalisme le démontre chaque jour : les profits de ses multinationales lui importent davantage que la nourriture, l’éducation de millions de personnes.
«On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées.»
Ce sont les mots qu’eut le président radical et anti-impérialiste Thomas Sankara, une semaine avant son assassinat lors du coup d’état militaire de 1987. L’enthousiasme grandissant pour Sankara, en particulier chez les jeunes, est l’expression de la recherche d’alternatives. Malgré la répression, des milliers de personnes ont participé l’année dernière à une manifestation pour commémorer le vingtième anniversaire de son assassinat. Pour autant, ce que montre l’expérience du gouvernement Sankara, c’est la nécessité d’une rupture complète d’avec le capitalisme, pour pouvoir ouvrir la voie d’une réelle libération vis-à-vis de l’impérialisme et mettre en place les premiers jalons d’une économie socialiste planifiée. Pour accomplir cela, on ne peut s’y prendre par le haut ou s’en remettre au chef du gouvernement. Seul le mouvement révolutionnaire des travailleurs, de la jeunesse et des paysans (au Burkina Faso, 80% de la population travaille dans l’agriculture) pourra remplacer la dictature des profits par une société où la majorité de la population décide démocratiquement de ce que l’on produit et de la manière dont on le produit. Le mouvement de masse est la clé du problème. L’exemple du Venezuela nous rappelle à quel point ce débat est contemporain.