Le capitalisme, un système de crises

Si les marxistes condamnent le capitalisme, ce n’est pas seulement en réaction face aux injustices. Certes, nous pensons que les bas salaires que les entreprises donnent à l’heure actuelle à certains travailleurs sont inadmissibles, tout comme le fait que de plus en plus de gens vivent dans la pauvreté. Mais nous pensons aussi que, derrière la régression sociale, il y a un mécanisme profond qui est la cause réelle de tous les problèmes.

Au milieu du 19e siècle, Karl Marx, le fondateur du socialisme scientifique, a mis à nu les lois fondamentales du capitalisme. Evidemment, le capitalisme de ce temps-là était très différent du capitalisme d’aujourd’hui. Mis à part une activité agricole encore importante, la production était concentrée dans les mines, la métallurgie et le textile. Le développement du capitalisme s’est traduit par d’énormes progrès technologiques et une organisation plus efficace du travail par une augmentation énorme de la productivité du travail. En moins de temps, on peut fabriquer davantage de produits. Du point de vue de la production de richesses, le capitalisme a représenté un grand pas en avant en comparaison avec le système féodal des grands propriétaires terriens, des rois, de l’église et des paysans pauvres et exploités.

Mais, depuis une trentaine d’années, le niveau de vie de la classe des travailleurs est mis à mal par le capitalisme néolibéral. Les marxistes disent que – à l’intérieur d’un système de propriété privée des entreprises, des machines et des terrains – cette crise est « inévitable ».

Spontanément, beaucoup de gens rejettent l’idée que la société est soumise à des « lois objectives d’évolution ». Nous pouvons quand même décider de ce que nous faisons ou ne faisons pas. C’est juste, mais là où nous n’avons pas le choix, c’est que nous avons besoin de nourriture, de logement et de vêtements pour survivre. De plus, la plupart des gens n’ont pas d’autre choix que de proposer leur force de travail sur le marché capitaliste.

Le travail crée la valeur

Le patron a également investi dans d’autres « coûts de production » : un bâtiment, des machines, du matériel de bureau, des matières premières,… Les capitalistes amortissent la valeur de toutes ces dépenses sur une période déterminée. Mais celles-ci ne créent pas en elles-mêmes une nouvelle valeur. Seule la force de travail crée, selon Marx, une plus grande valeur que la valeur (le salaire) qui est nécessaire pour permettre aux travailleurs de reproduire leur force de travail et celle de leur famille.

Le salaire que les travailleurs reçoivent ne correspond pas à la valeur qu’ils ont produite en travaillant pendant 38 heures par semaine. Sinon, pas de bénéfices. Le temps qui est nécessaire pour produire la valeur du salaire est moindre que le temps pendant lequel les salariés travaillent effectivement. C’est cela que nous appelons l’exploitation : le temps de travail gratuit que les travailleurs effectuent pour le capital et qui forme la base de la plus-value.

Le réinvestissement d’une partie de cette plus-value dans une nouvelle production a été la base historique de l’accumulation du capital: des unités de production plus grandes et plus nombreuses, le monde entier désormais soumis au « marché libre »,… A cause de la concurrence, les entreprises sont obligées de produire plus vite et à moindre coût, afin d’agrandir leur marges bénéficiaires et de pouvoir faire face à la guerre des prix avec les autres capitalistes.

Vu qu’il y a des limites physiques mais aussi sociales (la résistance collective des travailleurs, c’est-à-dire la lutte des classes) à ce que les patrons peuvent tirer de leurs salariés, les capitalistes ont tendance à investir davantage dans de nouvelles machines et de nouvelles technologies afin d’augmenter la productivité plutôt que dans les forces de travail. Mais conquérir de plus grandes parts de marché avec des prix plus bas ne fonctionne qu’un temps : la concurrence suit en général assez rapidement le renouvellement technologique. Et surtout, ce n’est que l’exploitation des travailleurs qui apporte une plus-value. Un plus grand investissement dans les machines et la technologie réduit la quantité de profits par quantité de travail investie.

Taux de profit à la baisse

Ce phénomène – la tendance à la baisse du taux de profit -, on l’a vu à l’œuvre à la fin des Golden Sixties et au début des années ’70. A cette époque-là, il a été renforcé par d’autres facteurs. D’une part, la montée des luttes des travailleurs et des salaires plus élevés ont aussi réduit les taux de profit du capital. D’autre part, depuis le milieu des années ’70, on a assisté à un ralentissement généralisé de la croissance capitaliste. Etant donné que la classe des travailleurs, qui représente la grande majorité de la population, ne peut pas, avec la valeur des salaires, acheter tous les produits et les services qu’elle produit elle-même, il y a ou il peut y avoir une surproduction.

En effet, les grands actionnaires et les capitalistes peuvent se permettre d’acheter plus de produits que les travailleurs, mais ils ne peuvent pas acheter toutes les voitures, frigos, téléviseurs,… que les travailleurs fabriquent lors de leur «travail gratuit». Dans les années ’60, la croissance réelle de l’économie tournait, en moyenne, autour des 5 à 6%. On manquait même de main d’œuvre. Dans les années ’70, cette croissance a diminué jusqu’à 3%. En fait, c’est très maigre, car il va de soi que les capitalistes doivent de temps à autre remplacer leurs machines usées, ce qui ne fournit pas d’emploi supplémentaire, de même que l’augmentation de la productivité, grâce à des meilleurs machines ou une plus grande exploitation, ne produit pas plus d’emplois.

Attaques contre le pouvoir d’achat

Toutes les mesures (bloquer la hausse des salaires, augmenter le rythme de travail, développer le système de travail par pauses pour rentabiliser au maximum des machines coûteuses,…) que les capitalistes et leurs gouvernements ont dû prendre depuis le début des années ’80 pour relancer le taux de profit sur des marchés qui se développent moins vite, voire qui rétrécissent, n’ont fait qu’accroître le fossé entre la production et le pouvoir d’achat de la population.

La seule mesure qui pouvait effectivement faire gagner du temps au capitalisme – même si c’était un gain provisoire – était d’accumuler des dettes de façon massive. Cela s’est fait à grande échelle à partir des années ’80. Les gouvernements ont injecté de l’argent dans des industries en difficulté afin de les « assainir » comme en Belgique ou ont offert des contrats colossaux à l’industrie militaire comme aux Etats-Unis. Pendant un temps, cela a donné une nouvelle impulsion à certains marchés.

Afin de diminuer le fossé entre le pouvoir d’achat des salariés et les capacités de production, les banques ont commencé à octroyer de plus en plus de prêts, aux Etats-Unis et ailleurs. Aujourd’hui, des emprunts ne peuvent plus être remboursés avec pour conséquence la plus grosse crise de crédit et financière depuis les années ’30. La surexploitation des travailleurs a réussi à restaurer les profits, mais vu le manque de pouvoir d’achat de la population, c’est surtout en bourse que les patrons et les actionnaires ont placé cet argent. Il s’en est suivi une série de « bulles » de spéculation dans les technologies de l’information d’abord, puis dans les hypothèques du secteur immobilier, et aujourd’hui dans le pétrole et les produits alimentaires.

En plus de la spéculation, un autre phénomène intervient dans l’augmentation des prix : le caractère d’improvisation permanente du capitalisme. En effet, le développement de la production est continuellement entravé par une course aux profits à court terme, par une instabilité politique, par des réponses boiteuses aux « catastrophes naturelles » ainsi que par une utilisation non démocratique des moyens disponibles (voir entre autres la discussion sur les agrocarburants). Résultat aujourd’hui : des prix élevés et une stagnation économique.

La spirale vers le bas du capitalisme a signifié une baisse du niveau de vie pour la grande masse de la population, une pauvreté grandissante, un fossé qui se creuse entre riches et pauvres, un chômage structurel (même si celui-ci a été camouflé par la création d’emplois précaires et à temps partiel et la suppression d’allocations de chômage). Ce système n’a pas d’avenir à offrir aux travailleurs et à leurs familles.

 

 

Article par PETER DELSING

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