France. Nouveau parti : analyses croisées de la LCR et de la GR

La nécessité de construire un nouveau parti pour les travailleurs et les jeunes n’est pas qu’une question française. C’est une question débattue dans le CIO depuis les années 90 et qui se traduit par une approche commune que ce soit au Brésil dans le PSOL, en Allemagne dans Die Linke ou en France dans le NPA.

    En Allemagne un nouveau parti a été créé, Die Linke, dans lequel les militants de SAV (organisation soeur de la Gauche révolutionnaire) sont impliqués. Ils ont donc proposé à la LCR et à la Gauche révolutionnaire d’écrire un article exposant leur analyse respective à propos du lancement d’un nouveau parti en France. L’objectif de cette démarche est de contribuer à une clarification politique, nécessaire dans le processus de création d’un nouveau parti, qui est une des tâches des révolutionnaires dans des partis larges.

Article de François Duval (Direction nationale de la LCR)

Rassembler les anticapitalistes

    A Paris, fin Juin, la première réunion nationale des collectifs pour un nouveau parti anticapitaliste a rassemblé environ un millier de délégués représentant plus de trois cents collectifs. Cette rencontre atteste de l’écho rencontré par l’appel lancé par Olivier Besancenot et la LCR, il y a maintenant près d’un an. Cette initiative politique résultait d’un triple constat.

    D’abord, malgré les coups sociaux et politiques encaissés depuis 25 ans par la classe ouvrière et les couches populaires, les politiques néolibérales sont toujours contestées et l’esprit de résistance continue à souffler. Mais ces mouvements sociaux, parfois massifs, n’ont pas de correspondant politique. Et c’est là le deuxième constat : le déclin inexorable du PCF et la dérive social-libérale de plus en plus accentuée du PS libèrent un espace politique, celui d’une gauche authentique et anticapitaliste, d’une nouvelle représentation pour le monde du travail. Enfin, troisième constat, les résultats obtenus par Olivier Besancenot et la LCR lors de l’élection présidentielle de 2007, dans des circonstances particulièrement difficiles, alors que les partis à gauche du PS ont subi une régression dramatique, confèrent à la LCR une responsabilité particulière : celle de prendre une initiative à la hauteur des enjeux politiques. Essayer de rassembler la gauche radicale et anticapitaliste n’est pas totalement nouveau ; mais les tentatives précédentes, initiées “ par en haut ”, en débattant avec différents courants de la gauche critique (dont le PCF) ont échoué. Cette fois, c’est d’une démarche à la base, “ par en bas ” dont il s’agit.

    C’est dire qu’il est difficile d’énoncer d’ores et déjà ce que sera le programme politique et les références du nouveau parti : ce sera à tous ceux et toutes celles qui se sont partie prenante de ce processus parce qu’ils ne se sentent plus représentés par les partis de la gauche traditionnelle et qu’ils sont à la recherche d’un nouvel outil pour prolonger leurs luttes d’en décider. Car il s’agit bien, au-delà des sympathisants déclarés de la gauche révolutionnaire, de rassembler largement : socialistes, communistes, écologistes, anti-libéraux, animateurs du mouvement social (syndical, féministe, écologiste, altermondialiste, associatif), des traditions politiques différentes et, surtout, des nouveaux venus sans tradition politique.

    Pour autant, on ne part pas de rien : lors des campagnes politiques de la gauche révolutionnaire comme, surtout, lors des mobilisations sociales, des revendications et des aspirations ont émergé. Il s’agit de leur donner cohérence et perspective : la redistribution des richesses, l’interdiction des licenciements, la défense et l’extension des services publics, la réappropriation collective des secteurs clés de l’économie, l’égalité sociale et la lutte contre toutes les oppressions et discriminations, etc. Avec la volonté de s’attaquer sans restriction au système qui produit exploitation et oppression. Cela ne recouvre pas complètement ce que la gauche révolutionnaire entend traditionnellement par programme politique, à savoir une vision globale du monde et une interprétation d l’Histoire, l’adhésion à une stratégie révolutionnaire spécifique.

    Pour autant, si nous ne voulons pas décevoir à nouveau, deux problèmes doivent être clarifiés dès le départ : le refus des coalitions ou des alliances parlementaires et gouvernementales avec le PS ; ainsi que la priorité absolue donnée au mouvement social sur l’intervention dans les institutions. Cela dessine donc quand même un projet assez précis : un parti pour la lutte, un parti anticapitaliste pour révolutionner la société, un parti pour le socialisme autogestionnaire et, surtout, une nouvelle représentation politique construite par ceux-là même qui en ont besoin. Le rapport de ce nouveau partis aux expériences révolutionnaires du passé sera vraisemblablement un débat ouvert.

    Pour ce qui la concerne, la LCR entend continuer à examiner ces expériences révolutionnaires : Octobre 1917 bien sûr ; mais aussi la Commune, la révolution allemande, la révolution espagnole, la révolution cubaine, le Nicaragua, le Chiappas, le processus en cours au Venezuela, et bien d’autres. Avec la volonté d’étudier ce qui a marché, mais aussi ce qui a échoué. Car il s’agit bien d’expériences à étudier et non de modèles à copier. Après la faillite du stalinisme et de la social-démocratie, le socialisme du XXI° siècle est à inventer. Il s’invente déjà dans les luttes actuelles !

Article de  Virginie Prégny (Comité Exécutif de la Gauche révolutionnaire)

Pour un nouveau parti des travailleurs pour le socialisme

En France, comme dans la plupart des pays, les travailleurs n’ont plus de véritable outil pour s’organiser face à l’offensive néolibérale des gouvernements. Depuis l’annonce par la LCR de sa volonté de créer un nouveau parti anticapitaliste, la Gauche révolutionnaire (section française du CIO) s’est déclarée prête à relever ce défi et s’est engagée dans la discussion autour de sa construction.

La radicalité des travailleurs et de la jeunesse en France s’est manifestée à de nombreuses reprises dans les luttes mais aussi dans les élections ; les 2 principales formations politiques se réclamant du trotskisme, la LCR et LO, ont obtenu de très bons scores (presque 10% en 2002 et 5% en 2007). Les conditions pour créer un nouveau parti de lutte sont réunies depuis un certain temps, et de nombreuses occasions ont été perdues. L’élection de Sarkozy, a été un échec important pour la gauche traditionnelle, car en voulant apparaître comme la meilleure gestionnaire du capitalisme et des intérêts des patrons elle s’est coupée des couches populaires et a montré son vrai visage. Ce manque d’opposition à la politique de Sarkozy rend crucial la création d’un parti qui rassemble les travailleurs autour d’un programme de lutte et dont le fonctionnement démocratique permette de discuter de l’alternative socialiste.

La chute du stalinisme et la transformation des anciens partis sociaux démocrates en partis bourgeois ont laissé les travailleurs sans organisation face à une offensive néolibérale de grande ampleur. La confusion politique générée par cette situation depuis les années 90 a rendu difficile la riposte des travailleurs, même s’il y a eu des luttes importantes de résistance. Celles-ci se sont heurtées au frein mis par les directions syndicales et leur recherche incessante de compromis avec le patronat plutôt que d’organiser les luttes nécessaires, et à l’absence de perspective politique face au capitalisme. C’est pour répondre à cette situation qu’un nouveau parti de lutte devra se doter d’une base revendicative (puis d’un programme) qui permette aux travailleurs d’organiser leurs luttes pour se défendre aujourd’hui, et qui remette en cause les fondements même du capitalisme. Pour organiser largement les travailleurs en lutte et ceux qui rejettent ce système, ce parti devra se doter d’un fonctionnement démocratique pour discuter et élaborer à tous les niveaux le programme et la méthode nécessaires pour faire gagner les luttes.

Pour le moment, les bases programmatiques proposées ainsi que le fonctionnement des comités pour un nouveau parti anticapitalistes ne permettent pas de répondre à cette situation. D’une part la perspective socialiste n’est pas envisagée comme centrale pour le nouveau parti. D’autre part, les réunions qui ont eu lieu ne permettent que rarement une prise de décision collective, car la plupart du temps il n’y a même pas de vote. C’est certainement logique dans la période initiale, qui reste une période de discussions mais il en résulte un flou important sur le processus général, les rythmes et le contenu programmatique.

Pour en finir avec l’exploitation capitaliste il faudra une économie planifiée démocratiquement par les travailleurs eux mêmes par la propriété collective des moyens de production, ce qui commence par la nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs, des principaux secteurs de l’économie. Parler de « la redistribution des richesses » ou de « l’interdiction des licenciements » sans dire qui doit contrôler cela, crée une confusion sur les moyens à mettre en oeuvre pour en finir avec l’exploitation capitaliste. Les clarifications politiques nécessaires doivent avoir lieu en lien avec une intervention dynamique dans les luttes, par un fonctionnement permettant l’expression de tous et une prise de décisions réellement démocratique et collective. Il est vital pour tout nouveau parti, qu’il permette l’expression démocratique et publique de tous les courants, locaux ou nationaux, le composant.

Enfin, Il ne suffira pas que ce parti déclare vouloir « révolutionner la société » ou n’accepte pas de participer aux institutions, pour qu’il soit un vrai outil de lutte qui permette d’en finir avec le capitalisme. De ce point de vue, la référence à la révolution d’Octobre 1917 en Russie, avec l’organisation des travailleurs en conseils, nous semble aujourd’hui encore la plus importante référence que des marxistes doivent s’approprier, sans négliger évidemment les autres révolutions ou situation révolutionnaire, mais en gardant comme axe fondamental, que l’objectif d’un parti anticapitaliste est de construire le socialisme au moyen de la prise du pouvoir par les travailleurs.

La Gauche révolutionnaire continuera de participer de façon constructive à la construction de ce nouveau parti en défendant les idées marxistes pour une alternative socialiste au capitalisme.

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