Il y a 70 ans, des délégués d’une vingtaine de pays fondaient la 4ème internationale et adoptaient le “Programme de transition” initialement rédigé par Trotski. Cela constituait une nouvelle étape, d’une très grande importance, dans le combat pour le véritable socialisme, contre la dégénérescence de la révolution russe et la bureaucratisation de l’URSS sous la direction de Staline. Le programme est encore aujourd’hui fondamental, car il défend une méthode et une approche qui correspondent encore aux tâches qui sont les nôtres si on veut réellement se débarrasser du capitalisme.
Les conditions pour la révolution socialiste sont mûres
Les conditions pour réaliser la révolution socialiste sont réunies, et elles rendent absolument nécessaire celle-ci. “Les prémisses objectives de la révolution prolétarienne ne sont pas seulement mûres ; elles ont même commencé à pourrir” peut-on lire dans le Programme de transition.
A cette époque, cela voulait dire une nouvelle guerre mondiale, un approfondissement de la crise économique. Déjà, le programme montrait que les politiques keynésiennes (régulation d’une partie de l’activité économique par l’Etat) n’empêcheraient en rien la catastrophe. Cette situation est la même pour nous aujourd’hui. Le capitalisme, après avoir connu une période de croissance due à la reconstruction de l’économie suite à la 2nde guerre mondiale, n’apporte aujourd’hui aucun progrès réel à l’humanité : il est même un obstacle complet au règlement des principaux problèmes. La famine, la destruction de l’environnement, les épidémies, le chômage de masse, la pauvreté grandissante, la menace sur les ressources naturelles : tout cela n’est dû qu’au capitalisme et à la loi du profit. Et tout cela ne pourra être réglé que par la construction d’un système où l’économie sera organisée en fonction des besoins de la majorité et non des profits de quelques milliardaires.
Tout parti qui ne tenterait pas de formuler les tâches de la révolution socialiste, de permettre aux travailleurs et à la jeunesse de s’en saisir, risque de réduire la révolution à un simple slogan. Dans l’appel issu de la rencontre nationale des comités pour un nouveau parti anticapitaliste des 28 et 29 juin, il y est dit par exemple : “Pour changer le monde, il nous faut un parti qui se batte jusqu’au bout contre le système, pour la transformation révolutionnaire de la société” et plus loin “nous allons élaborer ensemble, en prenant le temps du débat, une nouvelle perspective socialiste démocratique pour le 21ème siècle”. Ces bases permettent d’ouvrir le débat mais on ne saurait s’en contenter : la “transformation révolutionnaire” ne sera possible qu’au moyen d’une révolution socialiste, c’est à dire d’une prise du pouvoir par les travailleurs. Cela ne veut pas dire que la révolution socialiste est immédiatement possible mais qu’elle est indispensable et qu’elle est la seule voie pour sortir de cette situation. Toute recherche d’une voie intermédiaire, ou retour à un prétendu âge d’or d’un capitalisme plus “maîtrisé” est non seulement une illusion mais un danger : celui de ne pas se battre pour régler le fond du problème mais juste quelques aspects de celui-ci.
Cela veut dire également qu’on ne doit pas se contenter d’avancer la question de la révolution contre le capitalisme mais aussi de définir plus positivement ce que nous voulons : une révolution qui permette de construire le socialisme.
La méthode de transition
Une analyse approfondie du capitalisme, largement initiée par Marx et Engels, montre que pour en finir avec l’exploitation et il faut construire une société, le socialisme, où pourraient progressivement être satisfaits les besoins de tous et toutes. Mais en même temps qu’il y avait cette nécessité, il existait de nombreuses luttes qui permettaient d’augmenter le niveau de conscience des travailleurs et aussi d’améliorer leurs conditions d’existence. A l’époque du capitalisme “décadent” une telle distinction n’a plus de réalité dans le sens qu’aucune des revendications immédiates ne peut être durable dans le système capitaliste. Toute concession des capitalistes faite aux travailleurs est même reprise de plus en plus rapidement quand la situation économique générale se détériore.
Du fait de la période de confusion politique, d’un certain découragement, de l’absence d’une perspective socialiste claire, il faut, en partant des conditions actuelles, du niveau de conscience actuel des travailleurs et de la jeunesse, effectuer un lien entre leurs aspirations quotidiennes à une vie meilleure, à stopper les attaques de Sarkozy (et même à comprendre les raisons et le sens de ces attaques) en amenant la perspective du socialisme. Il ne s’agit pas d’une étape mécanique : d’abord convaincre d’être anticapitaliste, ou rassembler les anticapitalistes et ensuite une fois que cela est clair, passer à l’étape suivante pour aboutir un jour au socialisme.
Partir des luttes actuelles…
Développer le niveau de conscience en rendant des revendications saisissables et utilisables par ceux qui luttent, et notamment les plus avancés politiquement, et faire que celles-ci se développent dans une perspective socialiste. C’est pour cela par exemple que lorsqu’il y a une attaque du gouvernement (les suppressions de postes et celle du BEP dans l’éducation), nous avançons comme perspective de lutter, mais aussi des revendications plus offensives comme la gratuité de l’éducation, et le socialisme comme seul réel système capable de garantir cela.
C’est aussi le cas par exemple sur la question des salaires : même si nous sommes en faveur d’une revendication d’augmentation de 300 euros des salaires et pour qu’aucun salaire ne soit inférieur à 1500 euros, il serait inefficace de se limiter à plaquer cette revendication. Dans la situation présente, le seul fait que des travailleurs entrent en lutte pour des augmentations de salaire est positif, que ce soit pour une augmentation limitée ou pour un pourcentage. D’autre part, nous défendons que les salaires soient entièrement indexés sur la hausse des prix de l’ensemble des produits, (ce qui s’appelle l’échelle mobile des salaires dans le programme de transition). C’est la même méthode qui doit nous guider pour l’ensemble des revendications sociales et économiques.
Il y a encore bien d’autres aspects à la méthode transitoire, mais le résumé en est qu’en partant du niveau actuel de revendications et de conscience des travailleurs et de la jeunesse, on avance une méthode de lutte et des revendications établissant un pont entre la situation actuelle et la nécessité du socialisme pour satisfaire les aspirations des masses. Un nouveau parti comme le NPA doit être capable de définir avec une même méthode sa base revendicative de manière à être à la fois un parti qui permette aux travailleurs de lutter et de s’organiser dès maintenant pour leurs luttes quotidiennes, et en même temps de tracer le chemin vers leur émancipation, c’est à dire vers le renversement du capitalisme et l’établissement du socialisme. <!–[if !supportEmptyParas]–>
Construire un parti qui soit une véritable alternative au PS et aux réformistes
Les courants réformistes se sont longtemps prétendus en faveur du socialisme mais ont raté de nombreuses occasions d’y parvenir, ou ont fait tout leur possible pour ne pas se couper de la bourgeoisie et ainsi la protéger en dernier recours en évitant la révolution. Néanmoins, comme organisations de masse, basées historiquement sur un programme socialiste, elles ont conservé longtemps une autorité sur les travailleurs, surtout dans les périodes où les luttes sont plus faibles. Aujourd’hui encore, en l’absence d’alternative, on voit toute la difficulté qu’il y a à construire une lutte d’ensemble, permettant réellement aux travailleurs de stopper les plans du gouvernement et des patrons, et de gagner sur leurs propres revendications.
C’est ce que le programme de transition qualifie de “caractère opportuniste de la direction du prolétariat” qui fait que ni les directions syndicales, ni les directions comme celle du PCF ne veulent rompre les liens qu’ils ont avec le PS ou avec d’autres forces de la bourgeoisie. Certains pourraient penser que le problème réside dans l’existence d’une direction. Mais c’est contourner le problème. Sous le capitalisme, les dures conditions de vie, et l’isolement dans lequel se trouvent de nombreux travailleurs fait que ceux-ci ne peuvent pas voir les choses d’un point de vue global, en fonction d’un tout partant d’une compréhension de la situation mondiale et pouvant appliquer une perspective à la situation nationale ou locale. La question de combattre les directions qui trahissent les intérêts des travailleurs et de constituer une alternative, une direction révolutionnaire, est au cœur du programme de transition et de la tâche des marxistes. Pour le NPA, on ne saurait donc se contenter des formules comme “indépendance par rapport au PS” ou “refus de siéger dans les exécutifs des institutions”, même si elles sont tout à fait justes. Il faudra aller plus loin, et par la pratique, être capable de se construire comme un parti qui permette aux travailleurs de construire effectivement une organisation indépendante des directions réformistes (qu’elles soient à la tête de partis, de syndicats ou d’associations) et capable de gagner à elle et de faire agir une masse toujours plus grande de travailleurs et de jeunes.
Ainsi, si tous peuvent être convaincus de la nécessité d’une grève générale reconductible pour stopper les plans de Sarkozy-Fillon et du grand patronat, une telle perspective ne peut devenir réalité que s’il est possible de combattre effectivement dans les syndicats pour avancer dans ce sens, et si en même temps un nouveau parti fait la preuve de sa capacité et de sa volonté à construire une telle grève générale comme un moyen d’avancer pour la satisfaction des revendications, en direction de l’immense majorité des travailleurs inorganisés.
Une telle première réussite ne constituerait pas une fin en soi, mais un premier pas dans la construction d’un parti dont l’objectif est de construire réellement le socialisme et de ne pas reproduire les erreurs et échecs du passé. C’est dans que ce sens qu’un nouveau parti doit se construire s’il veut gagner la confiance des travailleurs.
La révolution permanente
Tout le 20ème siècle, et ce début de 21ème siècle est dominé par la tentative de nombreux peuples des pays néocoloniaux (ou ex-coloniaux) de se libérer de la domination de l’impérialisme.
Contre l’impérialisme français, de nombreux pays africains, et aussi particulièrement l’Algérie, mais aussi l’ancienne Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge), ont vu des luttes de masse, souvent de manière armée, pour chasser la domination de l’Etat français. Et il en est de même pour les pays qui faisaient partie des empires coloniaux des autres pays d’Europe. De même, le Moyen-Orient et l’Amérique latine sont sous la pression constante de l’impérialisme des USA et les impérialistes d’Europe (voire les attitudes impérialistes de certains pays qui ont une forte puissance régionale comme le Brésil ou la Russie) soit les appuient soit exercent eux même une pression à leurs seules fins : les deux principaux opposants à la nationalisation du gaz en Bolivie ont été l’Espagne (défendant les intérêts de Repsol) et le Brésil (pour ceux de Petrobras). Malgré une indépendance “officielle”, aucun pays anciennement colonisé n’a accédé à une véritable indépendance : économique, sociale et politique.
Dans les pays d’Europe, aux Etats Unis, et au Japon, les travailleurs ne voient pas leurs aspirations satisfaites mais bien écrasées, du fait de l’accélération de l’internationalisation des échanges économiques (ce qu’ont appelle la mondialisation). Les pays néocoloniaux sont bien souvent des dictatures, et lorsqu’il y a des élections, c’est une parodie de démocratie parlementaire.
Poids de l’impérialisme, et faiblesse de la bourgeoisie
La théorie de Trotski de la révolution permanente a été élaborée à partir de l’analyse de la Russie du début du 20ème siècle, largement soumise à l’impérialisme et où l’Etat des Tsars devait absorber une part énorme de la richesse nationale pour tout contrôler et réprimer. La bourgeoisie était une classe trop faible pour pouvoir prendre le pouvoir et l’économie était entièrement soumise à l’impérialisme. Arrivée au pouvoir, face aux revendications croissantes des travailleurs et des paysans, elle ne pouvait se maintenir qu’en s’alliant avec les anciennes classes réactionnaires, au moyen d’une dictature militaire ou policière. De ce fait, le renversement du régime dictatorial et semiféodal des tsars ne pouvait pas s’arrêter à une étape “démocratique bourgeoise”, instaurant un régime similaire à ceux existants en Europe de l’Ouest. La redistribution des terres (réforme agraire), les libertés politiques etc. ne pouvaient avoir lieu que si la révolution devenait permanente c’est à dire passant sans étape de sa phase “démocratique” à la phase socialiste, la bourgeoisie ne pouvant et ne voulant, du fait de sa faiblesse et de ses liens avec l’impérialisme, remplir les tâches démocratiques. Elle ne pouvait se maintenir au pouvoir qu’au moyen d’un régime autoritaire aidé par les anciennes classes dirigeantes et soutenue par l’impérialisme.
C’est ce qui se produisit entre la révolution de février 1917 et celle d’octobre 1917 qui vit les travailleurs prendre le pouvoir avec les conseils ouvriers, soldats et paysans (les soviets) sous la direction du parti bolchevik, alors que la bourgeoisie multipliait les signes d’une volonté d’écrasement dans le sang de la révolution. Si on analyse l’ensemble des révolutions et des mouvements de libération nationale de part le monde, cette théorie de la révolution permanente est entièrement confirmée : les pays d’Afrique malgré leur “indépendance” sont entièrement soumis à l’impérialisme, les classes dirigeantes, archi corrompues, répriment tous les mouvements de protestation des travailleurs et passent leur temps à s’enrichir sans jamais chercher à développer l’économie nationale. Et il en est de même, à des degrés plus ou moins avancés, en Asie, en Amérique latine etc.
Une théorie pour rendre les luttes anti-impérialistes victorieuses
La théorie de la révolution permanente n’est pas un schéma plaqué mais la compréhension que les tâches de la libération nationale, de la démocratie sont désormais liées avec celle de la révolution socialiste. Sans cette théorie, on ne peut comprendre pourquoi aucun pays du monde néocolonial est dans cette situation économique, sociale et politique même après des décennies d’indépendance. Les tâches de la révolution démocratique et celles de la révolution socialistes sont liées, demandent donc un approfondissement de la révolution à l’intérieur du pays et son extension à l’extérieur, pour servir de point d’appuis à la révolution mondiale. Contre la théorie de Trotsky pourtant confirmée par la révolution de 1917, les staliniens reprirent le vieux programme menchevik de révolution par étape, répétant dogmatiquement les analyses de Marx qui n’étaient plus valables après le 19ème siècle. Ceci a conduit aux pires catastrophes, plaçant les travailleurs sous la direction de soit disant éléments “progressistes” ou “anti impérialistes” dans la bourgeoisie. Ceux-ci massacrérent les travailleurs dès qu’ils représentaient un début de menace pour eux. La tactique des staliniens a non seulement fait échouer des dizaines de révolution (depuis la Chine en 1925-27, l’Espagne en 1931-37, l’Algérie en 1954-62, jusqu’au Chili en 1973 ou l’Iran en 1979) mais est aussi responsable de la mort de millions de révolutionnaires.
Et on ne peut aborder les récents développements dans la situation au Venezuela, en Bolivie sans avoir en tête cette théorie de la révolution permanente, en tentant de formuler un programme dont les masses ouvrières et paysannes, les habitants pauvres des villes, peuvent se saisir pour commencer à mettre en place une politique réellement socialiste : nationalisation des principaux secteurs de l’économie sous le contrôle des travailleurs, plan de développement industriel en planifiant la production de manière démocratique, contrôle des travailleurs sur la marche de l’économie et mise en place d’un régime réellement démocratique, basé sur des conseils dans les quartiers, les usines, les villages…
Il est bien évident que cela ne nous empêche pas de soutenir toutes les revendications démocratiques dans les pays dominés. En ce sens, la prise de position du NPA comme internationaliste et en soutien aux revendications des peuples opprimés est un point positif. Une victoire des réactionnaires dans des pays comme la Bolivie ou le Venezuela serait un coup porté à l’espoir de millions de travailleurs d’Amérique Latine pour en finir avec l’impérialisme. Le pays appelle tout notre soutien mais sans que celui-ci soit aveugle.
Il est du rôle d’un parti qui lutte pour le socialisme de développer un programme tant national qu’international qui permette de tracer véritablement une perspective socialiste. Il ne s’agit pas de plaquer un programme sans avoir connaissance des conditions concrètes de chaque pays, mais il serait tout autant faut de se contenter de formules vagues de solidarité (même si la solidarité est à chaque fois nécessaire), pour la “démocratie” ou des revendications sociales. L’actualité de la “révolution permanente” est fondamentale pour aborder les questions internationales.
Article par Gauche Révolutionnaire (France)