Cela s’est produit à l’occasion des soupçons qui indiquent que le gouvernement aurait mis pression sur les juges afin d’influencer les procédures judiciaires sur Fortis, une atteinte à la soi-disant ’séparation des pouvoirs’. ‘Du jamais vu’, ‘Une tragédie grecque’, ‘Le gouvernement est déjà dépassé’,… Les superlatifs n’ont pas manqué ces dernières heures pour décrire cette crise. Celui qui avait récolté 800.000 voix en juin 2008 en promettant d’appliquer la bonne gouvernance et d’avoir 5 minutes de courage politique pour résoudre les problèmes communautaires vient de mettre fin à son calvaire.
A contre courant de tous les commentaires de la presse, l’Alternative Socialiste avait déjà prévenu le jour suivant le scrutin du 10 juin 2007 que l’euphorie n’était pas de mise. Leterme avait à payer un prix élevé pour sa stratégie de pourrissement utilisée quand le CD&V était encore en opposition avec les extrémistes de la NVA : ’Dans ce sens, il ne semble pas que la formation du prochain gouvernement se fera facilement ; elle pourrait bien se tirer en longueur. Peut-être même au point où Leterme sera forcé de faire le choix déchirant d’en arriver à une cassure avec la NVA si une coalition Orange bleue, avec éventuellement un troisième partenaire, se casse le nez sur une réforme d’Etat. Dans ce cas, une tripartite classique, éventuellement avec le SP.a encore sur les bancs de l’opposition, n’est pas à exclure. Un tel gouvernement sera inévitablement un cabinet de crise qui jettera l’éponge aux alentours des élections régionales de 2009’. (La recherche “d’autre chose” prépare la voie à un gouvernement de droite, cet article est arrivé le 13 juin sur notre site francophone).
A l’origine directe de la crise actuelle, il y a la tentative d’influencer les juges dans l’affaire Fortis ’Comme dans une république bananière’, ’De façon comparable au président Loukachenko en Biélorussie’, peut on lire dans la presse flamande. Dans le passé, elle avait pourtant énergiquement participé à cette stratégie de pourrissement. Quant à ‘l’impartialité de la justice’ et à la sacro-sainte ‘séparation des pouvoirs’, il faut aller raconter ça aux travailleurs de Carrefour, de Eandis ou de Beaulieu. Les patrons échappent continuellement à la justice en jouant sur la prescription, mais quand un patron fait appel au juge, ce dernier est tout de suite disponible. En quelques heures, le patron peut indiquer à l’huissier quel gréviste peut être embarqué par les flics. Qui a vécu cela sait que la ‘séparation des pouvoirs’ est un mensonge brutal qui cache une justice de classe.
Ce gouvernement est-il le premier à essayer de guider le cours de la justice dans la direction voulue ? Personne n’y croit. Leterme n’a qu’à se reprocher qu’une seule chose dans ce sens : depuis sa stratégie de pourrissement, les politiciens sont à coureaux tirés et sont prêts à tous les coups. Avec un Dedecker dans la salle, l’incendie se répand facilement. Il semble que Leterme entrera dans l’histoire comme le premier ministre le moins efficace : bonne gouvernance, réforme d’Etat, solution durable pour BHV, budget en équilibre, ne parlons même pas d’un surplus sur le budget sans utiliser des interventions artificielles,… toutes ces promesses ont été ravalées. Une bonne gestion de la crise financière et surtout une réussite dans le dossier Fortis étaient les derniers brins d’herbe auxquels le gouvernement pouvait se raccrocher. La panique qui a caractérisé la vente de la plus grande banque du pays pour trois fois rien laissait présager du pire.
Le gouvernement hollandais n’a pas seulement récupérée ABN-Amro à moitié prix comparé à ce que Fortis avait payé, mais il a en plus reçu Fortis-Pays-Bas. Si cela avait seulement dépendu du gouvernement, BNP Paribas aurait reçu le reste pour une bouche de pain, hypothèques à grands risques exclus car le gros de celles-ci resteraient dans les mains de ‘l’autorité’. Il n’est donc pas du tout étonnant que BNP Paribas ne se soit pas laissé effrayer par l’arrêt-Fortis qui bloque la reprise et est bien préparée à attendre avant de réunir les actionnaires dans son assemblée générale. On ne laisse pas filer facilement une telle occasion. Et il y a encore des charognards qui ont repéré la proie. Les ‘petits’ actionnaires, unifiés par des charlatans juridiques tels que Modrikamen, aimeraient grignoter quelques parts du gâteau. Que la communauté paye! Entretemps, le gouvernement s’est porté garant de cette même communauté pour pas moins de 150 milliards d’euros en avoirs d’épargne. Si Fortis continue à dégringoler, nous devrons de nouveau tous nous serrer la ceinture pendant des dizaines d’années. S’il faut que la collectivité prenne en charge un tel risque, pourquoi ne pas garder Fortis en mains et la mettre sous gestion des représentants de cette collectivité? Ne serait-ce pas la meilleure garantie tant pour les épargnants que pour les travailleurs de Fortis? Les petits actionnaires pourraient éventuellement être compensés sur base de besoins prouvés, mais pas toute cette foule de réactionnaires qui traitent les travailleurs comme des chiens depuis des années.
Mais ceci n’est pas à la base de la démission du gouvernement. Au contraire, tous les politiciens se réfèrent à l’atteinte portée à la ‘séparation des pouvoirs’. Sur l’essentiel tous sont fondamentalement d’accord, majorité comme opposition. N’était-ce pas Vande Lanotte qui déclarait encore à la télé flamande qu’un grand repreneur étranger était la meilleure option pour Fortis ? Le SP.a plaide maintenant pour un gouvernement d’urgence jusqu’aux élections Européennes et régionales. De telle manière, on arriverait finalement à ‘la mère des élections’, ç.-à-d. avoir toutes les élections au même moment, après quoi, à l’exception du scrutin communal, on pourrait, sans accidents, gouverner durant 4 années sans devoir se présenter face à l’électeur. Si le résultat de ce scrutin le permet, les trois familles politiques traditionnelles pourraient, à chaque niveau, tant régional que communautaire et fédéral, faire payer la crise aux travailleurs et à leurs familles. De plus, cela serait la formule la plus réaliste pour négocier une réforme d’Etat qui responsabiliserait les régions et les communautés dans le démantèlement des acquis sociaux. S’en sortiront-ils ? Tant qu’il n’existe pas d’alternative électoralement crédible à la gauche de la social-démocratie et des verts, on pourra toujours se servir du spectre d’une Flandre d’extrême droite pour faire avaler tout aux travailleurs et à leurs familles.
Article par ERIC BYL