2009 sera une année de crise comme bien peu l’ont été au cours des 100 dernières années. Tout a été fait pour reporter la crise le plus longtemps possible, avec l’effet pervers qu’elle frappe aujourd’hui d’autant plus durement, marquant la faillite idéologique du néolibéralisme. On pourrait croire dans ces conditions que l’horizon de celui-ci se limiterait au fond d’une poubelle. Mais, faute d’alternative, le néolibéralisme peut encore survivre, même si c’est avec moins d’autorité.
L’absence d’une telle alternative pour les travailleurs se fait le plus cruellement sentir en Flandre. Les élections du 7 juin risquent bien d’y être encore une belle victoire pour la droite. Selon l’un des sondages d’opinion, le Vlaams Belang, la NV-a et la Lijst Dedecker récolteraient ensemble 36% des suffrages ! La ‘gauche officielle’, le SP.a et Groen !, n’obtiendraient plus que 20% des voix alors qu’ils en totalisaient encore 29% en 2003. Clairement, la crise politique et économique y profite à l’opposition de droite.
La situation est différente en Wallonie, où PS, Ecolo et CDH essaient de tout faire pour se démarquer de la politique néolibérale et gouvernementale. Le PS retrouve, selon les sondages, sa place de premier parti (même si les presque 37% des précédentes régionales semblent bien loin…) tandis qu’Ecolo et CDH sont au coude à coude à 19 et 17%. Mais en Wallonie aussi, une formation populiste de droite pourrait à l’avenir réaliser une percée (comme le FN a pu le faire à certaines occasions).
Un vide à gauche plus grand que jamais
Le PS a beau jeu de parler de la « crise libérale » pour qualifier la crise économique actuelle, c’est oublier un peu vite son rôle dans la politique de ces 20 dernières années… Quand Elio Di Rupo écrit sur son blog : «Chez nous comme aux USA, les travailleurs sont tétanisés devant la débâcle économique et financière qui fait exploser les chiffres du chômage. Et ils sont stupéfaits de découvrir la faillite des procédures de contrôle, l’impunité des grands patrons, l’arrogance de leurs relais politiques…», il oublie sa propre responsabilité dans ce constat.
Tout francophone de moins de 39 ans n’a jamais connu de sa vie électorale un gouvernement sans le PS. Quand le PS a-t-il fait du contrôle accru de la fraude fiscale des patrons une condition de participation ? Quand le PS s’est-il opposé aux privatisations ? Ou aux diminutions de taxes pour les grandes entreprises (on se rappelle des intérêts notionnels, entre autres).
Si le PS se fait moins avare de critiques contre le néolibéralisme, ces dernières ne sont qu’une mince pellicule sous laquelle on ne trouve pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le PS s’insurge ainsi contre toutes les facilités de crédit qui ont permis d’autant endetter les ménages ; il affirme : «le rôle du crédit n’est pas de compenser une baisse du pouvoir d’achat. Il ne doit en aucune façon servir de palliatif à une hausse des revenus qui se fait attendre.» Mais on ne peut rien lire sur les moyens de relever ce fameux pouvoir d’achat. Le PS était d’ailleurs absent des mobilisations sur ce thème tout au long de l’année dernière. La dernière fois que le PS a réalisé une revendication portée par les syndicats date du statut de VIPO en… 1964 ! De plus, nous pensons que la base ouvrière active présente au PS s’est tellement amoindrie ces 20 dernières années qu’un combat dans ce parti est une pure perte de temps, comme le montre l’absence de résultat de ceux qui défendent cette voie parfois depuis très longtemps.
Beaucoup, dégoûtés, se tournent encore vers ECOLO, qui garde généralement une image plus « à gauche ». Mais là aussi, aucune remise en cause sérieuse du système capitaliste, pourtant tout aussi responsable de l’exploitation des hommes que de celle de la nature. Il s’agit simplement, selon les mots de Jean Marc Nollet, d’ouvrir «le compromis historique entre capital et travail (…) à une troisième composante : la nature.» Accorder, donc, des diminutions de taxes avec l’idée de favoriser la protection de l’environnement. Avec autant d’efficacité que pour sauvegarder les emplois hier ? La solution est ailleurs.
Un nouveau parti des travailleurs
La classe des travailleurs a un urgent besoin de représentation politique. Elle n’a plus de parti de masse dans lequel ses partisans peuvent débattre de quelle manière mener la bataille et avec quel programme. Aussi longtemps qu’un tel parti fera défaut, la lutte des classes sera freinée. Mais si un tel parti émerge, avec ses propres médias, ses porte-parole, ses élus, une implantation dans les entreprises et les quartiers, ce sera une formidable source d’inspiration pour tout ceux qui veulent s’engager contre la logique du néolibéralisme.
Cela fait déjà bien longtemps que nous ne croyons plus dans la possibilité que le PS puisse être un outil pour les travailleurs. C’est sur base de ce constat que nous avons précédemment déjà participé à la liste ‘Debout’ de Roberto d’Orazio en 1999 ou que nous avons participé à la mise sur pied du Comité pour une Autre Politique en 2006. Le PSL (ex-MAS) a toujours adopté une stratégie visant à renforcer la gauche et le mouvement ouvrier. Hélas, ces deux initiatives n’ont pas conduit à la création d’un nouveau parti des travailleurs. De façon significative toutefois, ces deux initiatives sont issues de mouvements importants des travailleurs (les luttes des Forges de Clabecq et celles contre le Pacte des Générations), tout comme Gauches Unies était née après les mobilisations contre le Plan Global au début des années ‘90.
De fait, au vu du fort taux de syndicalisation en Belgique, toute initiative sérieuse ne saurait être issue que d’une rupture entre une partie de la base des syndicats et les partis traditionnels. Les conséquences de la crise économique susciteront encore davantage de débats sur la nécessité d’un syndicalisme de combat et de la lutte contre les partis du patronat (parmi lesquels le PS, le CDH ou ECOLO, même si l’on trouve des nuances entre l’enthousiasme et la résignation éprouvées en leur sein vis-à-vis des politiques de soutien au patronat).
LCR et PSL ensemble
Mais cela ne veut pas dire que nous devons attendre patiemment qu’une telle initiative émerge des rangs syndicaux. La gauche radicale peut jouer un rôle pour « souffler sur les braises » et stimuler les discussions à ce propos.
C’est en ce sens que, en 2005, nous avions proposé au PTB de constituer un cartel en cas d’élections anticipées. La direction du PTB avait alors argumenté qu’après la débâcle de la liste RESIST en Flandre en 2003, il était pour eux avant tout question de remettre leur propre profil en avant aux élections, ce qui excluait un cartel. En vue des élections européennes du 7 juin 2009, nous leur avons à nouveau tendu la main en juin 2008 avec une nouvelle proposition de cartel, sans obtenir aucune réponse cette fois. En Flandre, nous avons proposé à SPa-Rood, un groupe d’opposants à l’intérieur des sociaux-démocrates flamands, de discuter pour que nous soutenions leurs candidats s’ils arrivent à avoir des places éligibles sur les listes du SPa, bien que nous trouvons de loin préférable qu’ils utilisent leur position pour lancer une nouvelle formation large.
Fin 2008, enfin, nous avons proposé à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) de faire ensemble un cartel pour les élections européennes, aboutissant, là, à un accord. Nos deux organisations ont des divergences, parfois conséquentes, sur différents plans, que cela soit à propos de l’analyse de l’actualité internationale ou belge et des revendications à mettre en avant ou encore au sujet du bilan à tirer d’actions, d’appels ou d’initiatives où nous avons été amenés à nous côtoyer et à nous confronter. Mais tout cela ne saurait être un obstacle absolu pour faire ensemble l’effort d’un pas en avant sur le chemin qui mène à la création d’une force politique large et conséquente pour les travailleurs et leurs familles.
En France, Olivier Besancenot, qui est porte-parole de la LCR française, est vu selon différents sondages comme le meilleur opposant à Sarkozy. C’est un atout non négligeable pour le Nouveau Parti Anticapitaliste lancé autour de lui, par la LCR française et d’autres forces, comme nos camarades français de la Gauche Révolutionnaire. Il n’est pas question de créer une telle structure en Belgique à l’heure actuelle, mais faire référence à cette initiative, assez largement connue du côté francophone, offre une belle opportunité de mettre en avant la nécessité d’un nouveau parti pour les travailleurs dans notre pays. Cela peut en outre susciter un enthousiasme qu’une présentation séparée aurait été incapable d’engendrer. C’est en ce sens que nous voyons notre collaboration pour les prochaines élections, et que nous vous encourageons à y participer vous aussi, même si vous ne vous reconnaissez pas nécessairement dans la LCR ou le PSL.
Le 7 juin : votez pour les véritables socialistes.
Chaque jour de l’année : participez à leurs luttes !
Article par BART VANDERSTEENE et NICOLAS CROES