Palestine: Comment vaincre l’occupation?

L’offensive israélienne du 27 décembre contre les Palestiniens de la Bande de Gaza a été dévastatrice : plus de 1.300 tués, quelque 6.000 blessés et pour près d’un milliard de dollars de dégâts en 22 jours. L’armée israélienne a (provisoirement ?) stoppé son offensive le 17 janvier en criant victoire. Le Hamas s’est empressé, lui aussi, de revendiquer la victoire. Qu’en est-il réellement ?

Le lendemain du cessez-le-feu unilatéral de l’armée israélienne, le Hamas tirait une vingtaine de roquettes sur Israël. Si les tirs ont cessé depuis lors, il est clair que la capacité du Hamas de tirer des roquettes est intacte. Or, l’état-major de l’armée israélienne prétend avoir atteint tous ses objectifs. La protection des habitants du sud d’Israël n’en faisait donc pas partie. En réalité, le gouvernement israélien n’a stoppé provisoirement l’offensive qu’à l’approche de l’investiture de Barack Obama dont il ignore encore les intentions à ce stade et aussi pour utiliser cette « victoire » lors des élections en février. Nul doute qu’il va tout faire pour convaincre Obama de la nécessité « d’achever le travail », de manière, c’est-à-dire à restaurer le pouvoir de l’Autorité palestinienne dans la Bande de Gaza en donnant une cruelle leçon à la population qui a « mal voté » il y a 1 an et demi.

Pourtant, le soutien au Hamas était en train de diminuer à Gaza au cours des derniers mois. Son incapacité à améliorer la vie quotidienne lui a fait perdre une partie du soutien populaire. D’où des grèves et des manifestations de chômeurs que la police du Hamas a parfois violemment réprimées. Les miliciens du Hamas n’ont pas hésité non plus à jouer les briseurs de grève en ramassant eux-mêmes les ordures lorsque les éboueurs faisaient grève. Cette baisse de popularité explique sans doute pourquoi le Hamas a décidé de ne pas reconduire la trêve fin 2008. Mais, en tentant ainsi de détourner la colère des Gazaouis sur l’ennemi extérieur, le Hamas a donné à Israël le prétexte pour frapper un grand coup. Il est encore trop tôt pour savoir si les Gazaouis vont lui en tenir rigueur ou si, au contraire, ils vont le plébisciter pour sa résistance. En revanche, il ne fait pas de doute que le Hamas s’est considérablement renforcé en Cisjordanie au détriment du Fatah de Mahmoud Abbas.

Dès le début de l’offensive israélienne, le Hamas a appelé à une « Troisième Intifada ». Malheureusement, il prend pour modèle la Seconde Intifada (2000-2004) qui était basée sur la stratégie absurde de « l’équilibre de la souffrance » qui consistait à tuer un maximum d’Israéliens sans distinction. Cette stratégie – marquée par une multiplication d’attentats suicides – a poussé les Israéliens à faire bloc avec leur classe dirigeante réactionnaire. Elle s’est soldée par la défaite des Palestiniens et a abouti à la situation actuelle.

La seule solution pour sortir de l’impasse serait un mouvement de masse sur le modèle de la Première Intifada (lire ci-contre). Mais un tel mouvement serait une menace mortelle pour les pouvoirs corrompus et autoritaires du Hamas à Gaza et du Fatah en Cisjordanie. Car il comprendrait tôt ou tard que lutter efficacement contre l’occupation israélienne exige de mener aussi une discussion sur la politique menée par les autorités palestiniennes du Fatah et de Hamas. Ce qui stimulerait la recherche d’une alternative politique aussi bien en Palestine qu’en Israël.

 

Des manifestations de masse contre la guerre

Les manifestations de protestation ont été nombreuses et souvent massives. 100.000 manifestants à Londres et à Paris, 70.000 à Bruxelles, 50.000 à Alexandrie, … A ces manifestations nationales se sont ajoutées d’innombrables manifestations locales qui ont réuni des centaines de milliers de manifestants. Quel contraste avec la guerre des 6 jours de 1967 ! A l’époque, des centaines de milliers de gens en Europe et en Amérique manifestaient leur soutien à la guerre éclair d’Israël qui est à l’origine de l’occupation actuelle. Aujourd’hui, les manifestations de soutien à Israël sont minuscules.

Le PSL et ses sections sœurs partout dans le monde ont participé activement aux manifestations contre l’agression israélienne, y compris en Israël où la majorité de l’opinion soutenait l’armée et où règne un climat de répression et d’intimidation. Le Mouvement Socialiste de Lutte (notre section sœur en Israël) organise ensemble des Juifs et des Palestiniens..

 

Pour la cessation des envois d’armes vers Israël ! Pour l’expropriation des entreprises qui produisent les armes !

La Belgique est le cinquième exportateur européen d’armes vers Israël. Des sociétés comme la Sabca et la Sonaca ont signé de gros contrats ces dernières années pour la modernisation de l’arsenal israélien. Cette haute technologie est utilisée aujourd’hui de manière sanglante dans le massacre à Gaza. L’aéroport de Bierset, à Liège, joue en plus un rôle de plaque tournante pour le transport d’armes en provenance des USA vers Israël. Le mouvement pour la paix exige à juste titre que cela cesse. Mais comment faire ? La technologie utilisée pour la production d’armes pourrait pourtant facilement être utilisée pour une production socialement utile, personne ne perdrait son emploi de cette manière.

Nous appelons les syndicats à jouer un rôle essentiel dans l’arrêt de l’industrie de guerre en exigeant et en forçant une reconversion de ce secteur. Ces sociétés doivent être expropriées et placées dans les mains de la collectivité.

 

Retour sur la Première Intifada (1987-1993)

Le 9 décembre 1987, une insurrection populaire éclatait dans les territoires occupés (Cisjordanie et Gaza) pour s’étendre ensuite aux villes et villages arabes d’Israël. C’est la Première Intifada. La cause immédiate fut un accident de la route mortel entre un camion israélien et un taxi collectif palestinien dans la Bande de Gaza (déjà !). Mais la cause profonde était l’impasse dans laquelle se trouvait la lutte de libération palestinienne. La stratégie de l’OLP de Yasser Arafat était une faillite complète. Cette stratégie consistait à s’appuyer sur les pays arabes pour mener une lutte armée de libération de l’extérieur. Mais les pays arabes étaient divisés et avaient leurs propres agendas où la cause palestinienne ne pesait pas lourd. Par exemple, le Roi de Jordanie, Hussein, négociait en secret avec des officiels israéliens pour récupérer la Cisjordanie qu’il considérait comme une province de son royaume.

C’est la direction intérieure clandestine de la résistance palestinienne qui a déclenché l’insurrection. Mais le mouvement a pris une telle ampleur qu’une situation de double pouvoir s’est instaurée. L’administration civile israélienne et les autorités municipales palestiniennes ne contrôlaient plus rien. Leurs directives n’étaient appliquées qu’avec l’accord de la direction du mouvement. La réalité du pouvoir était entre les mains de comités populaires élus dans les villes, les villages et les camps de réfugiés. Une direction de seconde ligne est ainsi apparue au niveau local. La force du mouvement était telle que le Roi Hussein s’est vu contraint de rompre les liens juridiques entre son royaume et la Cisjordanie. Dès lors, la « solution jordanienne » était torpillée et l’indépendance de la Palestine s’imposait comme seule solution réaliste à toutes les parties.

Une répression féroce s’est abattue sur le mouvement : 1 162 Palestiniens (dont 241 enfants) y ont trouvé la mort. Des milliers d’autres ont été blessés et souvent estropiés à vie. Mais la répression n’est jamais venue à bout du mouvement. Des comités de femmes se sont mis en place pour assurer le ravitaillement lorsque les autorités israéliennes tentaient de briser la résistance en affamant la population.

Le soulèvement a provoqué une polarisation dans la société israélienne entre ceux qui voulaient une accentuation de la répression et ceux qui soutenaient le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Même l’armée a été gagnée par le doute. Quelque 1.500 soldats ont refusé de servir dans les territoires et l’état-major s’est divisé.

La direction extérieure de l’OLP a compris le danger d’une telle situation. En effet, elle n’avait aucune prise sur les évènements depuis Tunis où elle était réfugiée. Elle courait le risque d’être évincée par une nouvelle direction issue de la population. Elle a donc signé les Accords d’Oslo qui prévoient une autonomie limitée sur quelques parcelles de territoires occupés. Yasser Arafat a utilisé l’immense autorité dont il jouissait pour convaincre la direction intérieure de mettre fin au mouvement. Les comités populaires ont été remplacés par les fonctionnaires et la police de l’OLP : l’Autorité palestinienne était née. Les Israéliens ont multiplié les faits accomplis dans les territoires (construction de nouvelles colonies) et sans cesse différé les négociations sur le statut final des territoires. Cette impasse a débouché sur la Seconde Intifada.

La Première Intifada doit sa défaite au fait que son prolongement politique, l’OLP, était un mouvement qui visait à établir un Etat bourgeois en Palestine. Pour gagner, il aurait fallu que le mouvement se dote de son propre instrument politique dans les territoires. Un instrument qui aurait cherché des alliés parmi les jeunes et les travailleurs en Israël plutôt qu’au sein de la bourgeoisie palestinienne en exil et des régimes arabes.

 

 

Article par THIERRY PIERRET

Auteur

Laisser un commentaire