Les trois plus grandes économies du monde – l’Europe, les Etats-Unis, et le Japon – sont en récession. L’Islande est en faillite. La crise économique s’approfondit et les derniers chiffres sont souvent “les pires depuis le début des comptages”. Ainsi, aux USA, en novembre et décembre, plus d’un million d’emplois ont disparu, le pire résultat depuis 1945, et la production industrielle a reculé en décembre d’un taux qui est le plus élevé depuis 30 ans.
De janvier à novembre 2008, plus de 10 millions de chômeurs se sont ajoutés en Chine. En Europe, l’économie allemande a diminué de plus de 1,5% au cours du quatrième trimestre de 2008. La zone Euro a connu une baisse de ses exportations de 4,7%. Le point le plus bas n’est pas encore en vue, pour ne même pas parler de la fin de la crise. Le président de la Banque Centrale Européenne, Trichet, garde pourtant le moral : grâce aux mesures de soutien à l’économie, l’année 2010 sera, selon lui, celle de la renaissance économique. D’autres économistes partagent son optimisme (ou font semblant). Certains sont plus honnêtes. Barrow, de la Standard Bank, a déclaré récemment : «Après la plus grande fête, nous ne pouvons qu’attendre la plus grande gueule de bois».
Les pertes sont socialisées, les profits restent privés
Plusieurs gouvernements ont lancé des plans de soutien d’une ampleur qui aurait été inimaginable il y a quelques années. Ces plans se rangent en trois catégories. La première, ce sont les anciennes mesures qui sont réannoncées, comme la plupart de celles qui figurent dans le premier paquet de mesures de 30 milliards d’euros en Allemagne. La deuxième, ce sont les tentatives pour sauver les banques et les autres entreprises en prenant des participations ou en accordant de nouveaux crédits, comme le plan Paulson de 700 milliards de dollars aux USA. Cela signifie purement et simplement faire payer par toute la collectivité les dettes provoquées par quelques-uns après des années d’énormes profits spéculatifs. Enfin, la troisième catégorie, ce sont les mesures « keynésiennes » par lesquelles le gouvernement fait grandir le déficit budgétaire de l’Etat en renforçant le pouvoir d’achat (par exemple en baissant des taxes) ou en lançant des travaux publics massifs. Le «New Deal» que prévoit Obama, et qui devrait en deux ans coûter jusqu’à 1.000 milliards de dollars, en est un bon exemple.
Dans le système capitaliste, les travailleurs ne sont pas capables d’acheter tous les biens produits, une partie de la valeur qu’ils produisent ne se transformant pas en salaire mais en profit. La vente de voitures dans l’Union Européenne, qui a connu une baisse de 25% en 12 mois, en est une bonne illustration. Les capitalistes sont, depuis les années ’70, de moins en moins prêts à réinvestir leurs profits dans l’économie réelle, parce que le taux de profit réalisé par unité de capital investi est en baisse. Pour maximaliser leurs profits (et le taux de profit), les capitalistes mettent la pression pour faire baisser les salaires. Il est donc inévitable qu’une crise de surproduction doive naître un jour ou l’autre. Pendant des années, ce problème a été postposé par des crédits à bon marché (des dettes). Mais cela ne pouvait pas continuer.
Sauver les banques ne changera rien aux mécanismes du capitalisme. Cela évitera seulement que le système financier implose. Si des entreprises comme General Motors reçoivent des milliards de dollars pour réaliser des économies et des restructurations sur le dos des travailleurs, cela va se traduire par des baisses de salaires et des licenciements qui casseront encore plus le marché pour les capitalistes. Les mesures keynésiennes, dans le meilleur des cas, peuvent augmenter temporairement le pouvoir d’achat des travailleurs. Mais cela se fait au prix d’une augmentation de la dette publique qui devra ensuite être remboursée par les travailleurs. En plus, les plans actuels restent assez limités par rapport à l’ampleur de la crise. Obama espère créer 3 millions d’emplois, mais rien qu’en 2008, 2.6 millions d’emplois ont déjà disparu. La gigantesque dette publique des USA limite les possibilités de manœuvre par rapport au New Deal de Roosevelt dans les années ’30. Le capitalisme est ainsi pris dans ses propres contradictions.
Entre-temps, les banques centrales, et avant tout celle des USA (la Fed), essaient désespérément de relancer l’économie. Leur premier choix, baisser les taux d’intérêt pour faciliter les demandes de crédit et les investissements, ne rencontre pas le succès. Et cette arme s’épuise vite : aux USA, le taux d’intérêt est tombé quasiment à 0% mais les affaires ne reprennent pas. Dans une telle situation, il n’y a rien autre à faire que d’imprimer de nouveaux billets, ce que fait la Fed depuis la faillite de la banque Lehman Brothers à la mi-septembre, avec un énorme risque d’inflation.
Sans résistance, ce seront les travailleurs qui paieront la crise
Combien de gens en Belgique n’avaient-ils pas des actions Fortis? Combien de familles ont été «incitées», à cause de la casse de la sécurité sociale, à se construire un “troisième pilier de pension” et ont investi leur épargne dans des fonds de pension ? Mais ceux-ci ont déjà perdu un tiers de leur valeur dans le crash boursier. La crise risque de mener à une vague de licenciements massifs, ce qui minera encore plus le pouvoir d’achat, provoquant une nouvelle baisse de la consommation et entraînant l’économie dans un cercle vicieux.
La possibilité que nous entrions dans une crise longue est très réaliste. Rosa Luxembourg disait déjà il y a un siècle : “Socialisme ou barbarie”. Ou bien ce système mènera vers plus de misère et de guerres, ou bien l’économie sera planifiée de manière démocratique.
Article par KRISTOF V