Des protestations et des manifestations de masse se sont développées en réaction à une apparente fraude électorale de la part du régime d’Ahmedinejad. Il semblerait que la plus grande manifestation anti-gouvernement ait rassemblé plus d’un million de personnes à Téhéran, la capitale. Les rapports qui arrivent d’Iran affirment qu’il y a au moins eu une douzaine de morts suite à des affrontements avec la police et la détestée milice iranienne, une branche des gardiens de la révolution islamique. Avec la censure de la presse, très lourde, la plus grosse partie du mouvement a été coordonnée par internet – l’Iran a le plus grand nombre de ‘blogs’ par habitant.
Même si les choses sont loin d’être claires au moment d’écrire ce rapport, des protestations de masse semblent également se passer dans d’autres villes, comme Shiraz. L’université de Téhéran a été encerclée par la police armée et une répression brutale a frappé les étudiants dans leurs dortoirs. D’autres rapports parlent de coups de feu tires dans la capitale Durant la nuit qui a suivi les élections. Ahmedinejad, qui a annoncé sa victoire quelques heures seulement après le vote, a apparemment simplement quitté le pays et est en Russie pour des rencontres diplomatiques.
Un point tournant
Ces protestations de masse contre le régime de Téhéran ont pris place malgré la terrible répression et la menace d’utiliser des armes mortelles contre les protestataires. Même si la situation est encore floue, il semble bien qu’une grande partie de la population urbaine a perdu sa peur du régime et se prépare à prendre les rues d’assaut pour protester ouvertement contre lui. Cela représente un point tournant crucial dans la lutte contre la dictature. Les reportages vidéo de la BBC montrent des manifestants refusant de se disperser sous les attaques de la police militaire.
A l’avant plan de ces protestations se trouvent les étudiants, clairement soutenus par des sections plus âgées de la population – particulièrement les travailleurs intellectuels. Le régime est divisé sur la manière d’intervenir dans ce mouvement de masse. Cela, en combinaison de mobilisations massives de la classe moyenne et des étudiants, indique clairement que des éléments de crise pré-révolutionnaire se développent. Jusqu’à présent, cependant, la classe ouvrière n’a pas encore décidé de rejoindre la lutte et la conscience politique des participants est confuse, comme l’illustrent certains slogans religieux qui sont également criés, comme “Dieu est grand”. Souvenons-nous toutefois que la première manifestation de la Révolution russe de 1905 était dirigée par un prêtre, le père Gapon.
La manière dont ce mouvement va se développer n’est pas encore claire, mais il a déjà forcé le régime à faire volte face. Le Conseil des gardiens, face à cette opposition de masse, a été forcé de revenir sur sa décision première et d’autoriser un recompte des votes. C’est là une tentative de calmer la situation, le régime craignant que les protestations puissent aller plus loin et se développer en une insurrection contre le régime lui-même.
Ces actions sont alimentées par le chômage de masse et les revendications sur la question des droits démocratiques, particulièrement parmi les jeunes – 60% de la population iranienne n’a pas encore trente ans. Les jeunes citadins en particulier sont en révolte contre la répression théocratique qui les oppresse. Un élément important de ce mouvement est aussi la mobilisation et la participation importante des jeunes femmes, qui revendiquent l’égalité. Cela s’est notamment reflété durant la campagne électorale dans l’énorme popularité de Zahra Rahnavard, la femme du principal candidat de l’opposition Mir Hossein Moussavi. Il n’est jamais arrivé dans de précédentes élections qu’une femme joue un tel rôle de premier plan. En même temps, alors que l’opposition de masse dans les villes s’est ralliée à Moussavi, il n’est ni socialiste, ni partisan de la défense de la classe ouvrière et des pauvres. C’est un ancien Premier ministre et son programme pro-capitaliste est limité à des réformes de l’actuel État théocratique. Cependant, la tentative de frauder les élections de la part d’Ahmedinejad peut avoir ouvert la porte à un mouvement de masse qui pourrait renverser le régime et ouvrir une nouvelle ère pour l’Iran.
Mais des pauvres des régions rurales et de certaines des sections les plus opprimées des villes et des centres urbains ont tendance à soutenir Ahmedinejad en raison de sa rhétorique, populiste et réactionnaire de droite, contre la corruption, l’élite riche et l’impérialisme occidental.
L’Iran a été transformé ces dernières années avec presque 70% de la population vivant dans les centres urbains avec une couche importante de jeunes avec un haut niveau d’éducation.
La question décisive à court terme est de savoir si la classe ouvrière va rejoindre le mouvement, certains rapports font état de discussion dans les syndicats pour une grève générale, ce qui est la principale crainte du régime. Au moment où ces lignes ont été écrites, l’opposition avait appelé à annuler une protestation de masse à Téhéran pour éviter des confrontations avec les forces pro-gouvernementales. Cela illustre la peur de réformistes pro-capitalistes comme Moussavi face à des mobilisations qui peuvent facilement sortir de leur contrôle pour se diriger dans une direction plus radicale et révolutionnaire. Il est possible que Moussavi cherche à obtenir un compromis avec le régime actuel pour éviter que les rues ne sont constamment occupées par les masses. De la même manière, le régime peut être forcé d’accepter la défaite d’Ahmedinejad pour maintenir un certain contrôle de la situation. Moussavi a déjà appelé à annuler des manifestations, et ce genre de tentatives de faire baisser la pression de la rue continuera.
Un nouvelle phase de lutte
Le diable est sorti de sa boîte et une nouvelle phase de lutte s’ouvre en Iran. La lutte pour de véritable droits démocratiques, pour le droit de grève, pour le droit de tenir des élections libres, de constituer des syndicats libres et des partis politiques ainsi que pour l’égalité entre femmes et hommes a besoin d’être menée par tous les travailleurs, les jeunes, et les véritables socialistes. L’arrivée de la classe ouvrière dans ce mouvement peut donner la cohésion et la force nécessaires pour faire chuter le régime.
La formation de comité de lutte démocratiquement élus dans les entreprises et les universités liés aux classes moyennes et aux citadins pauvres peut constituer la base d’une lutte unifiée.
Un appel à une grève générale et à la formation de milices de défense au côté d’un appel de classe vers les fonctionnaires et l’armée sont des étapes cruciales pour pousser le mouvement plus loin afin de faire tomber le régime.
De tels comités de lutte démocratiquement élus pourraient aussi convoquer des élections pour une assemblée constituante révolutionnaire qui déciderait de l’avenir de l’Iran.
L’obtention et la garantie de droits démocratiques et des solutions pour la pauvreté de masse et le chômage ne peuvent être assurés qu’avec la formation d’un gouvernement des travailleurs et des paysans avec un programme révolutionnaire socialiste pour transformer la société et la faire fonctionner dans les intérêts de tous les travailleurs.