Bien que le soleil continue de briller impitoyablement, un petit vent frais traverse la Turquie. Du moins, c’est l’impression qu’on a ici. Depuis que le gouvernement a décidé en juillet de prendre une «initiative kurde», une tempête de commentaires a éclaté dans la presse. Des articles qui, il y a quelques mois encore, auraient conduit leurs auteurs directement devant les tribunaux, sont aujourd’hui couchés sur papier avec intrépidité.
S’il est vrai que le gouvernement d’Erdogan a déjà plusieurs fois annoncé son intention de faire passer des changements, ces annonces n’ont souvent été suivies que par le silence. Mais, cette fois-ci, il se passe vraiment quelque chose. Atalay, le ministre de l’Intérieur, qui a reçu pour mission de réaliser une « feuille de route », a ouvert les discussions avec plusieurs interlocuteurs dans la société. Il n’y a pas que les partis politiques qui sont invités (il est à noter que les deux plus grands partis d’opposition n’ont pas répondu à l’invitation) mais aussi des ONG, des syndicats, des intellectuels et des organisations patronales. Cela en soi est déjà exceptionnel car, la plupart du temps, les décisions sont prises sans aucune forme de consultation. Même si dans la vie quotidienne, une culture de débat semble être la chose la plus naturelle au monde en Turquie, dans le monde politique par contre, cette culture est quasiment inexistante.
Pendant longtemps, lorsque quelqu’un évoquait le problème kurde, on lui rétorquait immanquablement qu’il n’y avait pas de problème kurde, qu’il n’y avait qu’un problème de terrorisme et qu’après la suppression des terroristes, on pourrait reprendre le contrôle de la région et que tout se terminerait bien. Cela peut sembler naïf et ça l’est bien sûr, mais c’est un raisonnement qui a subsisté pendant des années. Le seul résultat de la négation de cette réalité kurde est qu’entre 1984 et aujourd’hui, il y a eu plus de 40.000 morts, dont une majorité de Kurdes.
Une révolte qui vient de loin
Le problème kurde existe depuis la création de la République turque en 1923. La guerre d’indépendance a été menée conjointement par les Turcs et les Kurdes mais, lorsque la République naît, il s’avère assez rapidement qu’il n’y a pas de place pour les Kurdes dans celle-ci. Officiellement, ils n’existent même pas. Lorsque la première rébellion kurde éclate en 1925, elle reste isolée. En effet, les Kurdes eux-mêmes sont divisés entre eux. Il n’y a pourtant pas qu’une seule révolte. En 1937-1938, les Kurdes se révoltent à nouveau et la république turque leur répond de la même manière qu’en 1925 : elle réprime la révolte dans le sang, déporte la population pour l’assimiler et interdit l’usage de la langue kurde.
Par contre, celui qui renonce à son identité ethnique et s’assimile comme Turc peut faire carrière. Ainsi on m’a déjà prétendu que certains Kurdes étaient même devenus président (en fait, on faisait allusion à Turgut Özal qui est d’origine Kurde) et qu’il n’y a donc pas de problème kurde !
Après la répression de la révolte kurde dans les années ’30, les Kurdes ne sont plus désignés que comme des Turcs des Montagnes. Plusieurs études sont même publiées pour expliquer en long et en large que les Kurdes n’existent pas et que tous les groupes ethniques (kurdes) sont d’origine turque. Certains auteurs prétendent même que le Kurde est une langue turque avec des influences persanes ! Des villes et des villages perdent leur vieille appellation et reçoivent des noms turcs. Cela fait partie d’une vision nationaliste exacerbée, qui laisse des traces jusqu’à aujourd’hui. Plus de 12.000 villes et villages portent aujourd’hui un nom différent de leur nom d’origine !
Après la Deuxième guerre mondiale, un calme relatif règne. Les provinces du Sud-Est qui sont essentiellement peuplées de Kurdes ne sont pas touchées par le développement industriel. Les Kurdes issus de cette région qui veulent faire des études doivent aller dans l’Ouest de la Turquie où ils s’établissent souvent par la suite. Les Kurdes du Kurdistan n’ont donc quasiment aucun porte-parole.
Après le premier coup d’Etat en 1960 naît le Parti Ouvrier Turc (TIP) mais celui-ci n’accorde au début que peu d’attention à la question kurde bien que des Kurdes fassent partie de sa direction. Mais cela change dès la fin des années ’60 : le TIP demande la reconnaissance des Kurdes. En fait, c’est la seule fois dans l’histoire de la République turque, que le mouvement ouvrier réunit aussi bien des Kurdes que des Turcs et prend clairement position. Le TIP lie aussi les droits démocratiques et sociaux au droit à l’autodétermination ! Mais, en 1970, le TIP est interdit.
Le PKK, du séparatisme à l’autonomie
Dans les années ’70, les groupes et petits partis qui se réclament du marxisme se développent considérablement mais vont de scission en scission. En 1978, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) voit le jour. Il lutte pour un Kurdistan unifié et pour le séparatisme. Dès l’origine, le nationalisme kurde est le principal moteur du PKK, bien qu’officiellement il se réclame du marxisme-léninisme. Bien que la lutte armée ne débute officiellement qu’en 1984, le PKK assassine de temps en temps des grands propriétaires terriens qu’il présente comme des agents de l’impérialisme turc. Il se gagne ainsi la sympathie d’une population paysanne pauvre qui ne connaît guère autre chose qu’une vie de serfs.
En 1980, les militaires prennent le pouvoir en Turquie. Le bilan de la répression est terrible et beaucoup de militants du PKK sont arrêtés. Le parti survit grâce à sa structure autoritaire et militariste (que le PKK présente comme étant du « centralisme démocratique ») et à l’exil d’Abdullah Öcalan, son fondateur, en Syrie.
Le PKK se prépare dans un climat où tous les partis politiques sont interdits et où l’armée occupe le pouvoir. En 1984, il considère qu’il est prêt. Des militants attaquent un poste de police et tuent deux agents.
Au début, l’armée turque nie l’existence des attentats – admettre ceux-ci nuirait à son prestige – tout en commençant à mener des attaques de grande ampleur au Kurdistan. La population kurde en est la principale victime. Alors que, dans le reste de la Turquie, l’Etat d’urgence est progressivement levé, il est maintenu voire renforcé dans les provinces kurdes. Il n’y est évidemment plus question de la moindre liberté d’expression ni de droits démocratiques.
Le déploiement massif de l’armée, les arrestations arbitraires, les exactions d’Escadrons de la mort qui opèrent pour le compte du Jitem (une section secrète de la gendarmerie dont officiellement on nie encore et toujours l’existence), les contrôles sur la population qui ne peut circuler librement… sont autant d’éléments qui entraînent un renforcement continu du PKK. Celui-ci atteint son point culminant entre 1990 et 1993. A cette époque, le PKK contrôle des villages, des quartiers dans les villes et même, la nuit, des routes.
En plus de l’armée, l’Etat turc fait aussi appel à des « gardiens de village ». Ceux-ci sont armés et perçoivent un salaire. Leur mission consiste à aider l’armée et la gendarmerie dans leur lutte contre le PKK. Au milieu des années ’90, 300.000 soldats, gendarmes et troupes de police occupent le Kurdistan et sont assistés par plus de 60.000 « gardiens de village ». Le PKK renforce ses actions et fait de plus en plus de victimes, parmi lesquelles aussi des gardiens de village et des fonctionnaires civils.
En réponse, l’Etat turc applique la politique de la terre brûlée. Il fait évacuer, souvent de façon violente, entre 3.000 et 5.000 villages kurdes. Au total, entre un million et demi et trois millions de Kurdes sont ainsi forcés de migrer vers les villes. Les villages évacués sont minés ou remis aux mains des gardiens de villages.
En 1999, Öcalan est fait prisonnier. Après un procès au cours duquel il fait des aveux complets, il est condamné à mort. Mais la sentence n’est pas exécutée car la peine de mort est abolie officiellement en 2002.
Au cours de toute cette période, le PKK en tant qu’organisation s’est transformé en profondeur. Après la création du parti, le marteau et la faucille disparaissent assez rapidement du drapeau et les références au marxisme passent à l’arrière-plan. L’attitude vis-à-vis de l’islam change également. Après l’emprisonnement d’Öcalan, le PKK renonce au séparatisme et opte pour une solution interne à la Turquie !
Contrairement au TIP, le PKK n’a jamais vraiment compris la nécessité de lier le droit à l’autodétermination aux libertés individuelles et collectives. De ce fait, il s’est aliéné le mouvement ouvrier turc qui lui est peu favorable car, au nationalisme turc, il n’a opposé que le nationalisme kurde.
Pourtant, l’influence ou plutôt la valeur symbolique d’Öcalan ne doit pas être sous-estimée. Beaucoup de Kurdes – même ceux qui n’ont aucune sympathie pour le PKK – considèrent Öcalan comme un symbole de liberté. Cette popularité s’explique aussi par le fait que, même à l’heure actuelle, il est interdit de fonder un parti qui remette en question l’unité de la nation turque.
En 1990 un certain nombre de parlementaires quittent le SHP (Parti social-démocrate) et, pour la première fois, une députée, Leyla Zayna, prend la parole en Kurde au parlement. Cela lui vaut une peine de prison à vie, ainsi qu’à 3 autres parlementaires kurdes. A chaque fois qu’un parti kurde – bien qu’officiellement, il ne puisse utiliser le mot « Kurde » dans leurs statuts, sinon il est déjà interdit avant même d’avoir vu le jour – est fondé et qu’il essaie de fonctionner de façon légale, il est interdit peu de temps après. Cela a été le cas pour le DEP, puis pour le HADEP. Cette épée de Damoclès pend aujourd’hui au-dessus de la tête du DTP (Parti de la Société Démocratique).
Si le PKK, lui, a pu survivre, c’est à cause de la loi constitutionnelle de 1982 qui cadenasse les libertés individuelles et collectives à un tel point que seul un parti illégal peut survivre.
Mais il y a plus grave. Le conflit a mené à l’appauvrissement total de la région kurde. A Diyarbakyr (Amed, en kurde) par exemple, le chômage atteint 80 % !
Nouveaux Tigres anatoliens contre vieilles élites kémalistes
La question essentielle est donc de comprendre pourquoi, aujourd’hui, le gouvernement prend une initiative sur la question kurde.
Une première explication est à chercher dans les résultats des élections communales de cette année. La forte progression de l’AKP, le parti au pouvoir depuis 2002, a été brutalement enrayée. Ces derniers temps, la politique de ce parti à l’égard des Kurdes avait été d’accepter l’emploi de la langue kurde de manière limitée (entre autres par la création de la TRT6, une sixième station de la télévision d’Etat qui émet en Kurde) et de promettre une série d’investissements économiques dans la région. Il espérait ainsi couper l’herbe sous le pied au DTP (le parti kurde). C’est en fait le contraire qui s’est passé. L’AKP a perdu beaucoup de voix en faveur du DTP qui est sorti renforcé de cette confrontation.
Mais il y a d’autres explications. La situation géopolitique est très incertaine. Personne ne sait exactement comment la situation en Irak va évoluer si les USA n’y maintiennent plus qu‘une présence militaire stratégique et non plus massive. Le Nord de l’Irak est dans les faits une région kurde autonome avec son propre gouvernement. Si l’Irak se désagrégeait, il y a fort à parier qu’un véritable Etat kurde émergerait. Depuis un an, le gouvernement de la région kurde autonome (KRG), est tout miel avec l’Etat turc et il est évident qu’aussi bien la Turquie que le KRG aspirent à une collaboration plutôt qu’à une confrontation. Dans ce contexte, la question de Mossoul et de Kirkouk – deux régions pétrolifères revendiquées par le KRG – et leur statut restent un problème en suspens.
L’Occident et les Etats-Unis espèrent que la Turquie sera un facteur stabilisant dans cette région explosive (l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan et la Palestine). La Turquie fait partie de l’OTAN, envoie des troupes en Afghanistan, entretient de bons rapports avec Israël mais aussi avec les Palestiniens et est surtout un allié fiable de l’Occident.
De plus, depuis 2002, le pays est dirigé par un gouvernement stable qui essaie de devenir membre de l’Union Européenne et qui présente un programme économique libéral. Enfin, sur le plan militaire, le pays occupe la sixième place au niveau mondial, ce qui est d’une importance cruciale pour l’Occident.
Depuis que l’AKP est arrivé au pouvoir, la lutte pour le pouvoir fait rage entre les diverses élites en Turquie. Bien que l’AKP se présente comme un parti populaire libéral et conservateur, son sort politique est fortement lié aux « Tigres anatoliens ». Ce terme désigne la bourgeoisie qui se développe de plus en plus en Anatolie, la région géographiquement centrale du pays. Cette nouvelle bourgeoisie est ultralibérale et pro-européenne, mais aussi islamiste traditionnaliste et conservatrice. Cette bourgeoisie veut faire fructifier son pouvoir économique en se servant de l’appareil d’Etat turc mais ce processus ne se déroule pas sans problème.
La vieille élite au pouvoir (qu’on appelle aussi les Kémalistes, du nom de Mustapha Kemal Ataturk, le fondateur de la République en 1923) a utilisé l’Etat pour développer son propre pouvoir économique. Cela remonte à l’instauration de la république turque : dès le début, la politique capitaliste d’Etat a ouvert la voie à l’industrialisation. Celle-ci a donné naissance à de grands groupes économiques privés comme Koç, Yabancy,… qui ont acquis de plus en plus de pouvoir. En même temps, l’Etat a mis sur pied un fort appareil bureaucratique qui défend fidèlement les principes de base de l’Etat unitaire turc. L’armée, le sommet de l’administration et de l’enseignement, une grande partie du pouvoir juridique sont (ou étaient) aux mains des Kémalistes. L’élite kémaliste est beaucoup moins impatiente d’entrer dans l’Union européenne, surtout si cette entrée doit entraîner une modification des structures de l’Etat. Contrairement aux Tigres anatoliens, ils sont partisans d’un « Islam d’Etat sous le contrôle de l’Etat » et refusent qu’on touche trop à la Constitution car celle-ci leur offre la garantie de leur pouvoir politique.
Il ne faut pas oublier que c’est le coup d’Etat perpétré par l’armée en 1980, qui est à l’origine de la constitution actuelle. Via la holding Oyak, dans laquelle les chefs militaires détiennent de nombreuses parts, le sommet de l’armée dispose également d’un pouvoir économique non négligeable.
Alors qu’au début, on avait l’impression que l’élite kémaliste pouvait conserver son pouvoir par le biais du CHP (le Parti Républicain du Peuple), il est devenu de plus en plus évident par la suite, que le manque total de vision du CHP n’offrait pas de perspectives. Par manque d’alternative, le CHP est à présent beaucoup trop faible pour jouer un rôle politique significatif ou pour élargir sa base électorale. C’est pourquoi une partie croissante de l’élite kémaliste a préféré (et préfère encore) un partage de pouvoir avec l’AKP à une confrontation perpétuelle.
Grâce au dossier Ergenekon, l’AKP a gagné un soutien indirect. Dans cette enquête judiciaire en cours, il apparaît clairement que le terrorisme, les complots d’Etat, les meurtres illégaux et les « profondeurs de l’Etat » sont inextricablement mêlés. Indépendamment de la manière dont l’enquête est menée (car tout ne se déroule pas de façon aussi « nette »), le lien étroit entre une partie de l’élite kémaliste et une organisation illégale comme Ergenekon a été clairement démontré.
Mais pour la toute grande majorité de l’élite kémaliste, un coup d’Etat serait un coût trop élevé à payer pour conserver le pouvoir. C’est pour cette raison qu’une trêve a été décidée et que, dans les faits, s’est instauré un partage du pouvoir.
Un pas en avant…
Dans ce contexte, il n’est donc pas étonnant que le sommet de la hiérarchie militaire – qui reste très puissant – donne son feu vert à une solution du problème kurde par la voie de négociations. Dans le conflit géopolitique, l’Occident a besoin d’une armée turque forte et professionnelle (actuellement il y a un service militaire obligatoire) avec laquelle il soit possible d’intervenir dans la région. Cette année encore, la Turquie a reçu des compétences supplémentaires au sein de l’Otan et la question d’une armée de professionnels (avec diminution et/ou suppression du service militaire) plaît bien à la population. En effet, chaque année, des soldats qui font leur service militaire meurent lors des confrontations entre l’armée et le PKK.
Parallèlement, on commence à prendre de plus en plus conscience en haut lieu qu’une solution militaire n’est pas une solution. Car le PKK pourra continuer à recruter dans une région kurde appauvrie et arriérée où une vie de pauvreté sans avenir est l’unique perspective pour des milliers de jeunes.
De plus, le pipeline « Nabucco » qui, au départ de l’Iran, doit traverser toute la Turquie afin d’approvisionner l’Europe, traversera la région kurde. L’idée de possibles attentats sur ce pipeline doit être terrifiante.
Cela fait déjà bien longtemps que l’organisation patronale Tusiad réclame une solution. Aucun industriel ne peut se sentir à l’aise dans une région où se multiplient opérations militaires et barrages routiers et où des attentats sont commis. En outre, ici, ce n’est pas la main d’œuvre bon marché qui manque. Enfin, le sous-sol regorge de richesses minières qui n’ont pas encore été exploitées et qui pourraient considérablement rehausser la position concurrentielle d’un pays comme la Turquie.
La question qui se pose est : jusqu’où veut-on aller ?
La reconnaissance des Kurdes en tant que minorité serait bien sûr le début d’une véritable solution. Actuellement, les minorités reconnues sont les Grecs et les Arméniens (toutes deux chrétiennes) ainsi que les Juifs. D’après la Constitution (et le Traité de Lausanne), les minorités ont le droit de suivre l’enseignement dans leur propre langue et leurs droits démocratiques doivent être respectés. Bien que ce soit formellement le cas, la pratique est différente. Mais étendre ce statut aux Kurdes nécessiterait une modification de la Constitution.
Tous les partis sont d’accord sur un point : il ne faut pas toucher au caractère unitaire de l’Etat turc (même le DTP et le PKK soutiennent cette position !). Par conséquent, un changement conséquent n’aura certainement pas lieu.
La reconnaissance de la langue Kurde comme langue officielle se heurterait également à la Constitution puisqu’il y est stipulé que la langue du pays est le turc.
Par contre, tout le monde (à l’exception du MHP, le parti ultranationaliste turc) est tombé d’accord pour dire que, dans l’enseignement, en plus de la langue turque, il pourrait y avoir un cours de kurde facultatif. En plus de cela, un consensus existe aussi pour retoucher la loi sur l’amnistie, de sorte à l’interpréter plus largement. Ainsi, des milliers de Kurdes qui se sont vus retirer leur nationalité turque pourraient la récupérer et des militants du PKK (à l’exception de la direction) pourraient revenir et être réintégrés dans la société.
Des dizaines de jeunes Kurdes enfermés (suite à des émeutes lors de manifestations, des enfants et des adolescents ont été arrêtés et ont été condamnés à de lourdes peines de prison) seraient libérés.
Lors de leurs campagnes politiques, des partis politiques pourraient également s’exprimer en kurde. Les villages évacués seraient rendus à nouveau accessibles et le retour des Kurdes dans ces villages serait facilité ; des solutions seraient cherchées pour les « gardiens de villages ». Des chaînes privées pourraient émettre en Kurde. Des villes et des villages dont le nom a été modifié retrouveraient leur appellation d’antan.
Enfin, un programme d’investissements serait mis en œuvre pour rénover les régions et les villes appauvries.
Par contre, les opinions divergent radicalement sur deux points : le sort qui serait réservé à Öcalan et l’implication ou non du PKK dans les négociations.
Si l’on compare cette situation à celle d’il y a un an, c’est incontestablement un pas en avant.
… mais sera-t-il suivi d’autres ?
Les attentes sont énormes, tout particulièrement dans la population kurde. Il y a pourtant de grands obstacles.
En vue de l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, le gouvernement Erdogan veut faire passer certaines modifications dans la constitution rédigée par les militaires après le coup d’Etat de 1980. Pourtant, jusqu’à aujourd’hui, ces propositions se heurtent à une forte résistance. En outre, le gouvernement veut atteindre un consensus au parlement car, dans le cas contraire, il est fort possible que la Cour constitutionnelle torpille toute l’affaire.
La pièce peut encore tomber sur une face ou sur l’autre. En l’absence d’un parti des travailleurs, ce sont surtout les forces bourgeoises qui veulent arriver à un consensus pour renforcer le rôle de la Turquie dans un Moyen-Orient explosif et, en même temps, améliorer leur propre position concurrentielle. Cela peut paraître cynique, mais je pense que ceci est la réalité.
Pour ma part, je pense que la seule vraie solution aussi bien pour les Kurdes que pour les Turcs est à chercher dans le cadre d’un processus où les libertés individuelles et collectives sont garanties dans une nouvelle Constitution. La nécessité d’un parti de travailleurs se pose donc une nouvelle fois parce que c’est la seule garantie qu’une solution offrant de vraies perspectives voit le jour.
Le nationalisme – qu’il soit turc ou kurde – ne mène qu’à une impasse. Les débats de cet « été turc » chaud vont-ils mener à un « printemps kurde » ou au contraire à un automne triste ? La question reste posée. J’espère la première alternative mais je crains la dernière.
Article par DIKILI