Le président élu du Honduras, Manuel Zelaya, qui a été démis lors d’un coup d’état et exilé le 28 juin, est inopinément revenu dans la capitale du pays, Tegucigalpa, la nuit du 21 septembre. En soutient, une grande foule s’était rassemblée, pour une bonne part issue des secteurs ruraux pauvres, et ont entouré le bâtiment de l’ambassade brésilienne où Zelaya leur a adressé un discours. Cependant, pendant la nuit du 23 septembre, le régime issus du coup d’État a commis plusieurs actes de violence, y compris des tirs de balles en caoutchouc et des jets de gaz lacrymogènes, contre les milliers de partisans de Zelaya qui bordaient l’ambassade. De nombreuses personnes ont été blessée, et il y a eu deux décès.
Depuis le retour de Zelaya lundi dernier, le régime, dirigé par Roberto Micheletti, a décrété l’état d’urgence, suspendant ainsi le droit d’assemblée, et a donné consigne à tous les médias étrangers de quitter le secteur. Les aéroports civils sont tous sous contrôle militaire et les frontières sont fermées. La majeure partie du pays est à l’arrêt, avec des écoles et beaucoup d’entreprises fermées. On rapporte que l’armée entrave la circulation routière vers Tegucigalpa et l’alimentation d’électricité de la chaine 36 a été coupée pour empêcher le reportage sur le retour de Zelaya. On signale que des centaines de défenseurs de Zelaya ont été arrêtées et amenés au stade de Chochi Sosa. Cependant, en réponse à cette répression brutale, des rapports ont filtré malgré la pression du régime sur les médias, ceux-ci ont publié des reportages sur la réaction des masses qui agissent avec courage face à l’oppression, érigeant des barricades dans les quartiers de la classe ouvrière de Tegucigalpa et dans d’autres villes.
Il s’agit de la troisième tentative de retour au Honduras depuis le coup d’État de juin. Jusque récemment, Zelaya était au Nicaragua. Son allié, le président vénézuélien, Hugo Chavez, a dit que Zelaya avait voyagé pendant deux jours par voie de terre, traversant fleuves et montagnes avec des partisans, atteignant par la suite Tegucigalpa. Le gouvernement brésilien a donné la permission à Zelaya de demander asile à leur ambassade. Le Nicaragua a été en état d’ébullition pendant les mois, qui ont suivi le coup d’État de juin, avec des protestations, des réunions et des grèves de masse menée par les travailleurs, les étudiants et les pauvres. Le régime autoritaire de Micheletti a sans doute pensé que leur coup d’État mettrait fin à l’administration de gauche et intimiderait les masses jusqu’à leur faire accepter le règne des grands propriétaires et des oligarques. Au lieu de cela, l’action de la contre-révolution a mis en branle les pauvres et les travailleurs, qui en ont assez des inégalités, du chômage et des problèmes sociaux énormes.
La moitié de la population du Honduras vit sous le seuil de pauvreté et le taux de chômage officiel s’élève à 28%. Plus d’un million de personnes, sur une population de 7.8 millions, ont été forcées d’émigrer aux USA pour essayer et trouver le travail.
Zelaya vire à gauche
Zelaya, riche propriétaire foncier, a été élu comme président en 2005 comme représentant du parti libéral de centre-droit. Cependant, une fois au pouvoir, il a été mis sous pression par les masses de pauvres et de travailleurs et a effectué quelques réformes pour alléger la douleur des indigents, allant même jusqu’à allouer une augmentation de 60% du salaire minimum. En 2008, Zelaya a inclu le Honduras dans l’alliance régionale favorisée par le Venezuela, l’alternative de Bolivarienne des Amériques (ALBA) et a conclu un accord avec le Venezuela concernant l’importation de carburant, cassant ainsi le monopole des multinationales.
Les politiques de Zelaya ont semé le désarroi au sein de la classe dirigeante hondurienne, qui a été longtemps liée aux intérêts d’impérialiste des USA. Dans les années ’80, le Honduras a été employé comme base de lancement pour le terroriste de droite et les Contras, soutenus par les États-Unis, qui ont combattu contre la révolution au Nicaragua. Dans toute l’histoire du pays, le peuple du Honduras a souffert de plusieurs coups militaires: la riche élite fait tout pour stopper n’importe quelle tentative de redistribution des richesses aux masses.
C’est la tentative de changer la constitution qui a déclenché le coup d’État de juin (la constitution actuelle a été rédigée par un régime militaire de droite dans les années ’80), avec le renvoi du commandant de forces armées. Zelaya a déclaré qu’un référendum serait tenu le même jour que les élections du 29 novembre mais la court suprême, la droite (qui domine le congrès) et les militaires (qui ont la responsabilité d’organiser les élections au Honduras) se sont opposés au référendum. Comme Zelaya a persisté, l’aile droite l’a renversé.
La classe dirigeante hondurienne a craint qu’aussi limitée soient elles, les réformes de Zelaya puissent constituer une menace pour leurs intérêts. L’idée d’une assemblée constituante pourrait réveiller la combattivité des masses pour qu’elles se mobilisent vers un changement social. Le coup d’État contre Zelaya a été formellement condamné par la plupart des pays latino-américains et l’administration d’Obama a émit des critiques prudentes, tout en évitant soigneusement une condamnation qui signifierait des sanctions contraignante contre le régime. En effet, il est probable que dans le complexe militaro-industriel américain, lié à Hillary Clinton, le secrétaire d’état des USA, on a pris connaissance du coup de Micheletti avant qu’il ne se déroule.
Depuis juin, les pauvres et exploité du Honduras ont courageusement résisté au coup d’État. La direction la plus résolue dans le mouvement est venue du Front national de la résistance, qui a régulièrement organisé des actions de masse et tenu des assemblées de travailleurs et de pauvres. Le mouvement de résistance a appelé cette semaine à une manifestation énorme le 23 septembre pour protester contre le régime.
Un point critique
La situation au Honduras a atteint un point critique. Le retour de Zelaya a redynamisé les masses. Comment le régime réagira-t-il? Tandis que le gouvernement brésilien a averti le régime que n’importe quelle tentative de donner l’assaut à son ambassade donnera la preuve de sa brutalité, on ne peut l’éliminer l’hypothèse que le régime pourrait essayer d’arrêter ou même de tuer Zelaya. Avec cela, en plus d’un contrôle militaire encore plus étroit dans le pays, le régime espère pouvoir mettre un terme à la révolte des masses. Un tel scénario serait mis en échec par les masses. Même si un écrasement des masses arrive, ce ne serait pas une victoire durable pour l’élite dirigeante, mais préparerait seulement une nouvelle période de soulèvement des masses.
Le régime de Micheletti, cependant, craint le développement d’un mouvement de masse radicalisé d’opposition. Il y a aussi une pression énorme des USA et d’autres régimes latino-américains pour conclure un marché avec Zelaya. Jusqu’ici, Micheletti a mis de telles exigences sur table pour le retour de Zelaya au Honduras que cela rendait la chose inacceptable (Zelaya ne peut pas reprendre la présidence, Zelaya doit accepter les élections du 29 novembre organisées par le régime et Zelaya doit être jugé). Mais le régime de Micheletti, ou des éléments importants en son sein, sont préparés pour un accord avec Zelaya afin d’essayer d’endiguer la montée de l’opposition radicale qui pourrait menacer le régime entier et la classe dirigeante.
Le 23 septembre, Micheletti a indiqué un changement de tactique, en déclarant qu’il était disposé à parler à Zelaya mais que Zelaya doit d’abord accepter que des élections présidentielles soient tenues en novembre.
Concernant ses objectifs, Zelaya a fait des déclarations quelques peu contradictoires depuis son retour. Il a notamment dit aux foules en dehors de l’ambassade brésilienne qu’il «renverserait le gardien de dictature» (, 23/09/09) et il a repoussé la dernière offre de Micheletti, qu’il qualifie de “manipulation”. Mais Zelaya a également déclaré qu’il était prêt «à lancer un grand dialogue» (EL Pais, 23/09/09).
Les USA ont soutenu l’accord proposé par l’ancien Président du Costa Rica, Oscar Arias, qui verrait Zelaya retourner au palais présidentiel comme chef d’un gouvernement d’«unité et de réconciliation» qui impliquerait les protagonistes du coup d’État. Cet accord stipule que les personnes ayant pris part au coup d’État ne seraient pas poursuivies pour leur crime et Zelaya devraient cesser d’essayer de changer la constitution. Somme toute, l’accord proposé par Arias et ardemment soutenu par Hillary Clinton est une victoire pour les protagonistes du coup d’État.
Pour les masses, il ne peut être en aucun cas question de négociations ou de compromission avec un régime illégal et brutal qui nie les droits de l’homme et qui fera tout pour s’assurer que le règne du grand capital continue aux dépens des travailleurs et des pauvres.
La tâche principale pour les travailleurs, la jeunesse et les chômeurs est d’établir et développer la résistance de masse et les politiques indépendantes de la classe ouvrière. Les conditions de pauvreté et d’inégalité ne seront pas changés par un gouvernement de d’unité nationale avec le régime de Micheletti, commandité par l’impérialisme américain et des puissances capitalistes régionales locales, impliquant probablement l’organisation des États américains et l’ONU. Il ne peut y avoir aucune unité avec la classe des capitalistes et des propriétaires et les intérêts impérialistes, qui sont diamétralement opposés aux intérêts de classe des masses honduriennes.
Méthodes de lutte de classe de masse
Pour renverser le régime et instaurer des réformes significatives pour les travailleurs et les pauvres il faut développer la résistance de masse mise en marche depuis le coup d’État de juin. Les masses ont montré leur courage et leur détermination dans le combat pour leurs droits démocratiques, y compris le droit de s’organiser et pour des syndicats indépendants. Réussir à renverser le régime et acquérir des droits démocratiques véritables et durables ainsi que des gains sociaux nécessite d’employer les méthodes de lutte de classe de masse, avec la classe ouvrière organisée comme avant-garde: avec la grève, des manifestations de masse et, finalement, un mouvement insurrectionnel qui sera à même de se débarrasser du régime et de l’oppression impérialiste. En tant qu’élément de ceci, le mouvement de résistance doit faire un appel de classe à la troupe des forces armées, issue des milieux pauvres du pays: ne tournez pas vos fusils contre vos frères et sœurs, vos pères et mères : rejoignez la lutte pour renverser l’oligarchie et la classe de dirigeante! Le mouvement doit se défendre, y compris de manière armée et sous contrôle démocratique, contre les attaques mortelles continues des forces paramilitaires.
Le mouvement de masse doit également lancer un appel à la solidarité de classe vers ses frères et sœurs d’Amérique Centrale et dans l’ensemble des Amériques, y compris aux USA pour l’organisation d’actions syndicales afin d’aider à briser le régime de Micheletti.
Les comités de base d’autres structures déjà installées par par le Front de la résistance doivent être développés aux niveau local, régional et national, et démocratiquement dirigés. Ces structures représentatives des masses, avec l’implication des communautés locales, des travailleurs, des syndicats, des jeunes, des étudiants et de la communauté au sens plus large, peuvent constituer la vraie base du pouvoir au Honduras et former la base d’un nouveau gouvernement national des travailleurs et des pauvres: pour une assemblée constituante révolutionnaire avec une aprésentation majoritaire des travailleurs et des pauvres!
Un gouvernement national des travailleurs, armé de politiques socialistes, peut fondamentalement changer la situation au Honduras en plaçant la richesse du pays sous le contrôle et la gestion démocratique de la classe ouvrière. Ce serait une puissante attraction envers les masses d’Amérique, accélérant énormément le processus de radicalisation et la révolution déjà en jeu sur le continent.
Dossier par NIALL MULHOLLAND