Chapitre IX. La réaction «démocratique»

Dans ces conditions, les premiers succès des milices restent sans lendemain. En effet, une situation de double-pouvoir ne peut se maintenir indéfiniment : elle se conclut toujours par la victoire de l’un ou de l’autre des pouvoirs en présence. Le manque de perspectives du côté des travailleurs se concrétise inévitablement par un recul progressif de la vague révolutionnaire, et la situation bascule à l’avantage de la bourgeoisie. Au fil des semaines, les représentants de la république bourgeoise reprennent du poil de la bête, voyant que les empiétements des ouvriers sur le pouvoir d’Etat n’aboutissent pas à son renversement.

Bien entendu, l’expectative dans laquelle sont plongées les différentes organisations ouvrières ne fait que profiter à la réaction : les fascistes reprennent du terrain et procèdent à des massacres féroces. Parallèlement, profitant du retour de vapeur, la bourgeoisie reprend, morceau par morceau, les leviers de commande que le prolétariat lui avait enlevés, par l’application de mesures diverses tendant à briser l’élan des travailleurs.

On commence à démolir les barricades élevés dans les villes. On multiplie la censure de la presse ouvrière. A partir de septembre 1936, tous les comités sont dissous et remplacés par des conseils municipaux à l’image du gouvernement. Le corps des magistrats est remis en fonction, les milices placées sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Celles-ci sont dissoutes avec ordre et méthode et remplacées progressivement par une armée régulière de type traditionnel : les conseils de soldats qui avaient vu le jour pendant la révolution sont supprimés, les grades, les galons, les soldes fortement hiérarchisées et l’ancien code de Justice Militaire sont remis en vigueur.

Le gouvernement, selon sa propre expression, «légalise» les conquêtes révolutionnaires, ce qui constitue en réalité un moyen d’empêcher leur extension. Partout, le gouvernement adopte des mesures visant à renforcer son pouvoir au détriment des organisations de base du prolétariat. Voici le témoignage d’un anarchiste de la CNT de Madrid, L. Nicolas, qui en donne une description assez clairvoyante : «Le gouvernement s’est mis d’accord pour dissoudre toutes les juntes de défense et comités de liaison, créées par le peuple pour l’action révolutionnaire, et les remplacer par les organes caducs de la démocratie bourgeoise qui ont été liquidés le 19 juillet. Les décrets au moyen desquels le gouvernement supprime les organes révolutionnaires d’origine prolétarienne ont une importance considérable puisqu’ils ont pour but de substituer à l’administration populaire directe l’appareil politique officiel…» (1)

Références
(1) “Chronique de la révolution espagnole”, publiée par l’»Union Communiste», éditions Spartacus, p.40-41

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