II) Changement climatique: un problème déjà bien réel
La question environnementale – et plus particulièrement tout ce qui a trait aux changements climatiques – fait désormais partie intégrante de l’actualité et des préoccupations de la population. Même le récent film des « Simpson » prend pour toile de fond la pollution causée par l’homme ! Un sondage réalisé durant l’été 2006 pour le compte de la Commission européenne révèle d’ailleurs qu’il s’agit de la première préoccupation des Européens qui ont été sondés , et parmi eux plus particulièrement les Belges. Depuis lors, aucun évènement n’a permis de diminuer cette inquiétude.
Durant l’été 2007, la fonte des glaces arctiques a été plus importante de 2,61 millions de Km² par rapport à la moyenne à cette époque : 10 fois la superficie du Royaume-Uni ! Au même moment, les inondations en Afrique ont touché au moins un million de personnes dans 17 pays et les premières estimations font état de plusieurs centaines de morts. En Ouganda, par exemple, 150.000 personnes ont perdu leur logement entre le début du mois d’août et la mi-septembre tandis que 400.000 autres, pour cause d’inondation des routes et des champs, ont perdu leur moyen de subsistance. L’inondation des champs et des sources a entraîné, en Ouganda comme au Nigeria, au Soudan ou encore au Ghana, un grand besoin d’eau potable et de nourriture alors que la région ne s’était pas encore remise des inondations de l’année précédente, qui avaient été les plus fortes depuis 50 ans. Beaucoup de décès et de dégâts auraient été évités sans la déforestation effrénée qui sévit en Afrique comme ailleurs.
Mais l’Afrique ne souffre pas que de ces inondations catastrophiques. Elle subit en même temps – même si cela semble paradoxal – un affaiblissement de la saison des pluies. Ainsi, le Lac Tchad, bordé par le Nigeria, le Niger, le Tchad et le Cameroun, est lui aussi victime du dérèglement climatique. Autrefois l’un des plus grands d’Afrique avec une superficie de 26.000 Km², il ne s’étend plus actuellement que sur 1.500 Km², soit à peine 5% de sa surface initiale.
En Asie, par contre, s’il y a également un dérèglement de la saison des pluies, il s’effectue en sens inverse et ce continent a connu cette année la mousson la plus violente de son histoire. L’exemple du Bangladesh est particulièrement révélateur de l’impact du changement climatique puisqu’il s’agit de l’un des pays au monde à être le plus rapidement et le plus fortement touché par ses conséquences. Ce pays, qui est en fait un gigantesque delta, est « habitué » à devoir subir des inondations catastrophiques. Mais si par le passé celles-ci survenaient en moyenne un fois tous les vingt ans, la population du pays doit maintenant faire face aux ravages des eaux tous les cinq ans ! Et avec l’élévation des températures, la fréquence et l’intensité des cyclones ne va qu’augmenter…
Le Bangladesh sera de plus particulièrement touché par la hausse du niveau de la mer, car si celui-ci augmente de 88 ou 89 centimètres, comme le projettent différents modèles de calculs, 20% du pays sera sous les eaux, ce qui entraînera le déplacement de 20 millions d’habitants. D’autre part, le ruissellement issu de la fonte des glaces de l’Himalaya amplifiera les problèmes, surtout au vu du fait qu’une grande partie de l’eau pouvait précédemment être retenue par les arbres, ce que la déforestation rend dans une large mesure impossible.
Dans les pays du monde néo-colonial, ou « pays en voie de développement », 3 millions de personnes (principalement des enfants) meurent chaque année à cause de la pollution des eaux due aux déchets industriels et ménagers à l’échelle mondiale. Près de 3 milliards de personnes au monde n’ont pas d’accès à une eau de qualité !
GIEC : Késako ?
Constitué en 1988, le Groupe Intergouvernemental d’experts sur le climat émet un rapport tous les six ans. Ce groupe depuis peu très médiatisé est constitué de 2.500 scientifiques désignés par les 130 Etats représentés au sein du GIEC.
L’essentiel de son travail est constitué de synthèses et d’évaluations des travaux déjà existants. Tous les scientifiques qui participent à ces travaux sont bénévoles et bossent « la nuit et le week-end » comme l’indique l’un d’entre eux. En fait, le GIEC ne dispose que d’une dizaine de salariés et de quelques bureaux à Genève. De là à voir dans la faiblesse de moyens accordés une illustration de la véritable volonté des Etats membres de s’en prendre au problème, il n’y a qu’un pas…
A la tête du GIEC se trouve une Assemblée Générale dans laquelle chaque Etat membre dispose d’une voix pour prendre des décisions sur base de résumés produits par les chercheurs. C’est, explique la directrice du centre en recherche d’histoire des sciences Alexandre Koyré « un processus intensément politique où s’exprime toute une gamme d’intérêts nationaux divergents ». Les Etats-Unis ont par exemple décidé en 2002 d’écarter le président du GIEC de l’époque, jugé trop militant par le groupe pétrolier Exxon Mobil…
Maintenant que le GIEC doit se concentrer sur la recherche de solutions face à un constat qui n’est remis en question par personne (Bush lui-même a avoué avoir été influencé par le rapport du GIEC, même si cela ne se voit pas vraiment), l’influence d’Etats aux intérêts divergents se fera encore plus sentir.
Une situation qui nous concerne aussi directement
Les pays issus du monde néo-colonial ne sont évidemment pas les seuls qui ont à craindre les effets du changement climatique et de la pollution de façon plus globale. L’augmentation de l’ozone dans l’hémisphère nord diminue ainsi fortement le rendement des récoltes, perte chiffrée entre 6 et 12 milliards de dollars par an. On peut encore mentionner l’arrivée de nouvelles maladies jusqu’alors inconnues dans les pays européens, comme le chikungunya (une maladie infectieuse tropicale qui donne de très fortes douleurs articulaires), dont plus d’une centaine de cas ont été constatés dans le nord de l’Italie et qui sévit aussi en France.
En 2005, aux Etats-Unis, l’ouragan Katrina a fait 1.500 victimes, rendu un million de personnes sans abri et causé 120 milliards de dollars de dégâts (soit un peu moins de la richesse produite annuellement par un pays comme le Venezuela). Le réchauffement continuel de l’Atlantique tropical augmente l’intensité des cyclones. Un ouragan comme celui de Katrina est estimé devoir se produire tous les 300 ans, mais il y a déjà eu deux événements de cette ampleur ces 80 dernières années. Cette année, après un début d’année exceptionnellement doux dans l’hémisphère Nord, l’été a été marqué par des pluies torrentielles en Angleterre (les plus graves depuis 60 années selon l’agence de l’Environnement britannique) ou encore par la canicule meurtrière qui a touché la Roumanie, la Grèce, l’Italie, l’Albanie et la Turquie). En fait, depuis 1970, le coût annuel des catastrophes au niveau mondial est en augmentation de 2% chaque année tandis la pollution atmosphérique tue chaque année 2,5 millions de personnes.
Certains scientifiques ont tenté d’évaluer le coût des services rendus gratuitement par les écosystèmes (analyse qui est à prendre avec du recul et qui sert à illustrer et rendre plus concret ce que signifie la disparition de ces espèces plutôt qu’à aboutir à une véritable donnée précisément chiffrée). Le résultat de la perte de l’épuration naturelle des eaux, de la pollinisation des plantes cultivées par les insectes,… est au bas mot de 33.000 milliards de dollars, à peine moins du double de la richesse mondiale ! Sans parler des vertus médicinales des plantes, connues ou inconnues.
Et ici n’a-t-on pas encore abordé qu’une partie des problèmes liés à la question environnementale. Comme l’affirme le GIEC : « Dans les situations de stress écologique, la guerre pourrait devenir le moyen ultime de redistribuer des ressources en diminution ». Le Secrétaire britannique à la défense, John Reid, est allé dans le même sens en avertissant que « La vérité crue, c’est que le manque d’eau et de terres cultivables est une cause significative du conflit tragique que nous voyons se développer au Darfour, note-t-il. (…) Nous devons considérer cela comme un signe d’avertissement ». De son côté, un rapport commandé par le département américain de la Défense a affirmé en 2003 que « La violence et les turbulences découlant des tensions créées par des changements abrupts du climat impliquent une menace pour la sécurité nationale différente de ce que nous avons l’habitude de voir aujourd’hui. (…) Des confrontations militaires peuvent être déclenchées par un besoin désespéré de ressources naturelles, comme l’énergie, la nourriture et l’eau. plutôt que par des conflits autour de l’idéologie, de la religion ou de l’honneur national. »
Il y avait en 2006 plus de 100 millions d’hommes et femmes en migration vers un autre pays. Mais selon Norman Meyers, de l’université d’Oxford, il y aurait en plus, au bas mot, 50 millions de réfugiés climatiques en 2010 et 200 millions d’ici 2050. L’environnement pollué est tenu pour responsable de 25% des décès dans les pays du monde néo-colonial et de 17 % dans les pays développés. En France, il y a ainsi entre 6.000 et 9.000 morts par an et au niveau mondial, 4 millions d’enfants meurent chaque année. L’Organisation Mondiale de la Santé a d’ailleurs lancé un appel en 2004 pour « protéger les moins de 5 ans (soit 10% de la population mondiale) qui supportent 40% des maladies liées à l’environnement notamment parce qu’ils absorbent d’avantage de substances nocives par rapport à leur poids corporel ».
D’autre part, un réchauffement moyen supérieur à 2 ou 3° (ce qui signifie des pics extrêmes bien plus importants) aurait pour conséquence une baisse du rendement agricole, alors que le pire scénario du GIEC prévoit un réchauffement de 6,4° d’ici 2100. Mais il est particulièrement difficile d’élaborer des perspectives précises tant les inconnues sont nombreuses. De plus la désinformation et les conflits d’intérêts n’améliorent pas nos capacités à cerner au mieux cette problématique. La meilleure façon de voir ce que l’avenir nous réserve est certainement d’observer le présent et l’évolution passée. A ce titre, on ne peut que craindre le pire : la température moyenne du globe a augmenté de 0,74°C au cours du siècle dernier et les 11 dernières années font partie des 12 les plus chaudes jamais enregistrées !