VIII. Une nouvelle réforme d’Etat arrive…

VIII. Une nouvelle réforme d’Etat arrive…

1. Quel est le programme défendu par PSL/LSP ?

La grande majorité de la population a observé avec étonnement comment les chamailleries autour de l’arrondissement de BHV ont été mises en route. A l’instar de beaucoup de travailleurs et de leurs familles, le PSL/LSP a trouvé particulièrement douteux que l’ensemble de l’élite politique se soit bagarrée durant des mois sur ce dossier symbolique. Les partis flamands se sont frappés la poitrine en clamant défendre « les intérêts flamands » au moment où des dossiers comme celui sur les fins de carrières se rapprochaient et que le patronat devenait toujours plus arrogant et brutal… Aucun de ces politiciens ne hurle tellement quand il s’agit de maintenir l’emploi, de défendre les salaires et les conditions de travail, de résoudre le problème des loyers exorbitants d’aujourd’hui,…

Le PSL/LSP considère que cela est aussi un moyen commode et conscient pour monter les travailleurs flamands et wallons les uns contre les autres alors que l’unité est de la plus grande importance pour défendre nos intérêts – ceux des travailleurs et de leurs familles – contre les attaques du gouvernement et du patronat. Les réactions de ces «  lions flamands » sur le Pacte des Génération illustrent assez bien cela : les partis d’opposition CD&V, NV-A et Vlaams Belang ont défendu des mesures d’austérité encore plus dures pour nous.

Cette tactique de diviser pour régner a déjà souvent pu être remarquée dans la passée, on peut même dire que la bourgeoisie belge a atteint un degré de spécialisation absolu dans ce domaine. A chaque fois que les tensions sociales se sont aiguisées, des tentatives pour dévier le mécontentement, les frustrations et le sentiments d’injustice vers des positions communautaires sont arrivées d’un coin ou de tous les côtés en même temps. Pour le PSL/LSP – dernier parti national en Belgique avec le PTB/PVDA – la direction du mouvement ouvrier doit réagir en défendant un programme capable d’unifier la classe ouvrière en Belgique. Le PSL/LSP considère la décision de rester ou non au sein de la Belgique comme un droit des flamands et des wallons, mais les expériences du passé démontrent que contre la bourgeoisie belge – qui abuse continuellement des jeux de pouvoir au niveau national – seule sait être victorieuse la force du mouvement ouvrier belge dans toute sa puissance et son unité. Quand on regarde le secteur de l’enseignement, on ne peut que constater que la scission des syndicats sur base communautaire a entraîné qu’aucune lutte du personnel, des étudiants ou des élèves n’a été tout à fait gagnée.

a) Elargissement des compétences des Régions et des Communautés

En soi, le PSL/LSP n’a rien contre un élargissement des compétences des autorités régionales ou locales, si cela est toutefois une demande réelle de la majorité de la population dans la région concernée et si l’objectif est de parvenir par la régionalisation à une meilleure politique. Une meilleure politique, c’est-à-dire la résolution de problèmes qui s’aggravent et prolifèrent depuis déjà des années: le chômage massif et structurel, les salaires qui diminuent, les conditions du travail qui empirent (notamment avec une pression au travail beaucoup trop haute), la masse de statuts précaires et mal payés, la pénurie de logements sociaux qui conduit à une hausse illimitée des loyers et des prix d’achat sur le marché privé ou encore l’enseignement, qui devient toujours plus coûteux pour les parents et qui empire avec des bâtiments en mauvais état, des classes énormes, un haut degré de décrochage scolaire,…

A cause du labyrinthe institutionnel qu’est devenu la Belgique sous le coup de compromis successifs qui n’ont d’ailleurs fait qu’aboutir à de nouveaux problèmes, la confusion règne chez les gens quand il s’agit de savoir qui est responsable et de quoi. De fait, la Belgique se gère de façon très opaque et antidémocratique. Herman Van Rompuy (CD&V) le dit ouvertement: la complexité de la Belgique fait que les décisions dans ce pays doivent être prises par un groupe de gens très limité. C’est ça la démocratie?

Le PSL/LSP pense que la « fédéralisation » (un terme mal employé) est un fait établi. Mais il ne s’agit pas ici de deux régions qui se fédèrent, mais au contraire de deux régions qui s’éloignent de toujours plus l’une de l’autre sur base de la politique actuelle. La situation économique, le paysage politique, le milieu culturel, les médias,… nous racontent cette histoire tous les jours.

Comme cela a déjà été dit plusieurs fois dans ce texte, le PSL/LSP est partisan de la démocratie la plus large possible. Si cela doit se traduire en nouvelles nations et régions, nous reconnaissons le droit à l’autonomie et même à la séparation à la condition que cette revendication soit portée par la majorité de la population de la région impliquée. Mais jamais à travers l’histoire de la Belgique ne s’est prononcée une majorité favorable à la scission, ni en Wallonie, ni en Flandre. Toutefois, à différents moments, des minorités importantes avec un large soutien parmi la population ont activement lutté pour leurs droits nationaux.

Actuellement toutefois, les revendications communautaires ne sont pas mises en avant sous la pression des masses, bien au contraire. Le terrain communautaire est la plaine de jeux par excellence des politiciens en accord sur la politique d’austérité néo-libérale à mener, mais qui veulent colorer cette politique de leur propre teinte régionale. En regardant de plus près les programmes des partis et des politiciens régionalistes pour leur région, il apparaît que ceux de Flandre comme ceux de Wallonie mènent tous à une dégradation du niveau de vie et des conditions de travail des travailleurs et de leurs familles. Un peu (beaucoup) comme la politique fédérale, donc.

Le PSL/LSP s’oppose à toute régionalisation si le but est d’en arriver à ce qu’une politique d’austérité encore plus dure soit imposée dans une région pour servir ensuite de prétexte à son application dans l’autre. Dans ce cadre, nous sommes résolument opposés à la scission de la sécurité sociale. Accepter cela nous mettrait dans une situation similaire à celle que connaissent les Etats-Unis où les différents Etat régionaux sont en compétition avec des charges sociales pour le patronat aussi basses que les allocations réservées à la classe ouvrière, victime d’un chômage structurel.

Nous sommes également fermement opposés à la scission de la concertation sociale. La classe ouvrière a tout intérêt à ce que les régions et les secteurs plus faibles dans les négociations soient soutenus par les régions et les secteurs plus forts pour imposer un meilleur accord. La scission de la concertation sociale aux conditions actuelles signifierait la scission du mouvement ouvrier à plus long terme, un danger mortel pour la classe ouvrière dans toutes les régions et les communautés.

Pour nous, aucune régionalisation n’est acceptable sans transfert du budget correspondant. Mais nous constatons que les budgets importants pour vous et moi sont toujours plus fortement démantelés. Nous revendiquons donc aussi que les budgets consacrés à l’emploi, à l’enseignement, aux soins de santé, aux logements,… soient adaptés aux besoins sur base d’une étude. Au niveau fédéral, cela ne peut en aucun cas mener à de futures économies dans les services publics, la sécurité sociale ou dans les autres dépenses sociales. Financer cette politique passe par l’arrêt de la politique actuelle faite de cadeaux au patronat et aux super-riches sous forme de diminution des charges salariales, de diminution d’impôts pour les riches, d’absence d’impôt sur les fortunes, d’arrières portes fiscales pour faciliter la fraude à grande échelle, etc.

b) Pour l’unité de la classe ouvrière – pour des syndicats démocratiques et combatifs – ­pour un nouveau parti des travailleurs.

Nombreux sont les grands mouvements historiques de la classe ouvrière belge qui ont été dominés par la combativité résolue et parfois même désespérée du mouvement ouvrier wallon. Mais on ne peut reconnaître cela sans reconnaître qu’ils ont dans ces luttes été rejoints par les travailleurs de Gand, d’Anvers, des mines du Limbourg et de nombreux autres centres industriels flamands plus petits. Cela est aussi vrai pour des mouvements dans lesquels beaucoup de travailleurs wallons se sont sentis trahis par leurs camarades de Flandre dirigés dans leur majorité par la molle CSC comme, par exemple, lors de la Question Royale ou de la grève de 1960-‘61. Les grands acquis de la classe ouvrière belge tels que le droit de vote, l’index, la journée de 8 heures, la sécurité sociale,… ont tous étés obtenues par la classe ouvrière belge unie dans la lutte.

A contrario, quand la classe ouvrière d’une région doit lutter seule face à une bourgeoisie organisée nationalement et servie par l’Etat national, le plus souvent se trouvent de pénibles défaites au bout du chemin. Le résultat des luttes dans l’enseignement depuis la scission est unilatéralement négatif. Immédiatement, nous n’avons pu assister qu’à une succession de lourds programmes d’assainissements d’abord en Flandre pour ensuite être vendus en Wallonie « puisque qu’ils l’ont fait en Flandre ».

L’enseignement est maintenant sous-financé à tous niveaux, avec les conséquences que cela implique en termes de qualité et d’accessibilité. Tous les rapports mentionnent l’état abominable des bâtiments, devenus trop petits pour accueillir confortablement, ou même seulement de façon acceptable, la population d’élèves. Dans quelques écoles, les cours se donnent aujourd’hui jusque dans les couloirs ! Les économies effectuées sur le dos du personnel ont eu pour conséquence que les classes sont surchargées – en maternelle, les classes de plus de 30 élèves ne sont même plus des exceptions – et l’accompagnement individuel des jeunes qui ont plus de difficultés à apprendre est devenu utopique. De plus en plus d’enfants et de jeunes sortent du réseau d’enseignement à un très jeune âge. Comment peut-on encore avec des moyens aussi pauvres aider un enfant provenant d’un milieu culturellement moins développé ? Actuellement, il y a toujours en Belgique des dizaines de milliers d’analphabètes et des centaines de milliers de personnes qui ne savent pas écrire correctement. Comment échapper à une pauvreté qui se transmet de générations en générations avec une telle éducation ? Les enseignants ne sont pas non plus épargnés par les conséquences de cette politique. L’enseignement était encore jadis une profession dont on était fier et qui octroyait un certain statut dans la société. Mais aujourd’hui, les enseignants endurent surtout constamment plus de dépressions et de crises nerveuses.

La régionalisation de l’enseignement nous a appris au moins une chose: si la classe ouvrière d’un secteur se laisse diviser, la régionalisation mène à une politique d’austérité encore plus dure dans laquelle une région est montée contre l’autre pour que le patronat puisse obtenir le maximum. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que les partis bourgeois sont des deux côtés de la frontière linguistique gagnés à la même politique néo-libérale. De même, les gouvernements régionaux savent très bien collaborer ensemble au niveau national quand il s’agit de nous pousser la politique néo-libérale au travers de la gorge. Le plan Marshall pour la Wallonie et l’attitude du PS vis-à-vis du Pacte des Générations (contre l’opposition syndicale) dé­montrent que ce parti n’est plus une exception à la règle. Mais était-il encore nécessaire de prouver cela après la collaboration du PS dans le Plan Global (de la coalition rouge-romaine de Dehaene au début des années ‘90) ou après les diverses opérations de privatisation supervisées par le PS, entre autres Belgacom sous le ministère de Di Rupo lui-même. La politique, dans le meilleur des cas, reste la même ou alors devient encore plus dure. Mais si les syndicats se laissent diviser, la force de résistance du mouvement ouvrier est affaiblie, et toute lutte est d’autant plus difficile, de même que s’éloigne le potentiel de victoire.

Cependant, les scénarios de scission syndicale sur base communautaire réapparaissent de temps à autre. Dans les années ’90, Wittevrongel (FGTB-Textile du côté flamand) et d’autres ont réclamé une scission à cause du « syndicalisme de lutte vieillot du sud ». Ces déclarations n’ont pas eu beaucoup d’effets et tout porte à croire que ces idées sont plutôt marginales – et le deviennent plus encore à mesure que la Flandre est confrontée aux fermetures et restructurations massives d’entreprises. En Flandre aussi, la lutte pour le maintien de l’emploi s’enflamme.

Lors du congrès suivant de la CMB, la centrale des métallos de la FGTB, une discussion a pris place sur la scission de la centrale à l’initiative de la section wallonne. A l’origine de cela se trouvaient une série d’articles de presse parus au beau milieu de la lutte contre le Pacte des générations sur le passé trouble du président de la CMB, Herwig Jorissen, qui avait appartenu dans sa jeunesse au Voorpost. Quand il était jeune, Jorissen a donc collé des affiches, a chanté lors des cantus, etc. Provenant d’un milieu flamingant, il a lui-même dit « de ne pas avoir vu mieux ». C’est quand il a commencé à travailler et est entré en contact avec le syndicat qu’il a compris son erreur et a définitivement cassé avec ce milieu. Tout cela s’est passé il y a des dizaines d’années et la direction du syndicat, très certainement aussi celle de la CMB, l’ont sans doute toujours su. Jorissen a déclaré lors de l’émission télé « Terzake » qu’il ne pensait pas que cette fuite avait été orchestrée par le syndicat, mais bien par le « parti », c’est-à-dire le SP.a.

Il est assez significatif de voir que le SP.a a utilisé cet élément pour discréditer Jorissen justement au moment où le gouvernement essayait désespérément de conclure un accord avec les centrales de la métallurgie des deux grands syndicats. En d’autres termes, le gouvernement tentait de faire avaler les mesures du Pacte des Générations avec des concessions sectorielles. Dans le syndicat du métal, il y a sans aucun doute beaucoup de critiques à porter contre Jorissen, tant en Wallonie qu’en Flandre, mais aucunes de celles-ci ne se réfèrent à son supposé flamingantisme.

Les syndicats du métal ont été confrontés ces dernières années à un grand nombre de restructurations et de fermetures conséquentes. La politique de Jorissen – par ailleurs identique à celle de la direction de la FGTB en général – n’a jamais été une politique de lutte pour le maintien de chaque emploi, mais presque toujours dès le premier jour une lutte pour « un plan social ». Un plan social peut adoucir les conséquences immédiates pour chaque travailleur concerné individuellement, mais c’est en soi accepter la perte d’emploi. Pourtant, le chômage a dans quelques régions de Wallonie atteint un niveau effrayant, et quelques régions de Flandre ont eu à subir de grosses restructurations et fermetures successives. La direction syndicale n’offre aucune réponse. Fondamentalement, elle accepte la logique capitaliste, ce qui signifie qu’elle est en accord avec l’argument selon lequel le chômage est provoqué par des salaires trop élevés. Cette situation d’absence de réponse et d’alternative syndicale mène sans aucun doute à des frustrations parmi les membres et le cadre moyen du syndicat.

Cet élément de mécontentement avec la direction est présent dans toutes les centrales, et pas seulement dans la FGTB mais aussi dans la CSC. Dans les deux grands syndicats se trouve parmi les militants de gauche le sentiment, plus ou moins développé, que le syndicat doit être reconquis par ses membres et que la situation actuelle manque de démocratie. Le PSL/LSP pense que les militants de gauche doivent se réunir dans leurs syndicats pour mener une lutte résolue pour des syndicats démocratiques et combatifs. Une scission n’arrangerait en rien ce problème et rendrait au contraire la solution encore plus difficile en divisant les forces aptes à lutter contre cette situation, en divisant les membres de la base. Le patronat exige depuis déjà des années une concertation sociale régionalement distincte pour mieux pouvoir monter les travailleurs les uns contre les autres, ce qui aurait un certain effet dans cette période marquée par un chômage élevé. Si la centrale du métal, avec sa réputation de syndicat remuant, pose le premier pas vers une telle division, ce serait surtout le patronat qui en recueillerait les fruits.

Le PSL/LSP plaide pour le maintien de l’unité des syndicats au niveau national et pour la réunification nationale des syndicats de l’enseignement, en acceptant évidemment que les régions puissent garder le droit d’adopter elles-mêmes des décisions et des points de vue au moyen de congrès et de procédures de décision régionales. Nous plaidons aussi résolument pour la solidarité nationale – et si possible dans beaucoup de secteurs pour la solidarité internationale – quand les travailleurs d’un secteur ou d’une entreprise au niveau régional sont brutalement attaqués par le patronat pour y créer un précédent pour le reste du pays.

Le PSL/LSP plaide pour des syndicats démocratiques et combatifs, ce qui ne se résume pas à des congrès, des procédures et de structures de décisions régionales. Les membres, les militants et les délégués doivent avoir le droit d’être impliqués dans toutes les décisions. Pour éviter tout fossé entre la direction et la base des syndicats, nous plaidons pour que chaque fonctionnaire syndical soit élu démocratiquement et révocable à chaque instant par l’organe qui l’a élu. De plus, ces fonctionnaires ne devraient pas gagner plus du salaire moyen des travailleurs qu’ils sont censés représenter. Le carriérisme et l’appât du gain ont conduit dans le passé plusieurs organisations ouvrières à avoir une direction qui ne roulait plus que pour elle-même, sans plus avoir aucune idée de la manière dont la base vivait et dans quelles conditions elle travaillait.

De plus, nous menons activement campagne pour que les sommets syndicaux rompent leurs liens avec les partis traditionnels (le PS et le SP.a pour la FGTB/ABVV, le CD&V et dans une moindre mesure le CDH pour la CSC/ACW). Nous pensons qu’une initiative se dirigeant vers un nouveau parti des travailleurs, au vu du poids énorme des syndicats en Belgique, ne peut venir que des milieux syndicaux. L’exemple du WASG en Allemagne, mis sur pied par des cadres moyens du syndicat, montre qu’un tel développement n’est pas impensable en Belgique. Le Pacte des Générations a permis à cette discussion de se mener à une plus grande échelle, et des initiatives dans cette direction auront le soutien total du PSL/LSP.

Au vu des développements inégaux des différentes régions, il est tout à fait possible qu’une initiative pour un nouveau parti des travailleurs ne soit au début qu’une initiative régionale. Il sera dans ce cas d’une importance vitale de mener campagne pour l’extension de cette initiative à tout le pays. Nous avons pu voir dans le passée de quelle manière la question nationale, longtemps niée pas la direction sociale-démocrate, a finalement mené à une scission du parti social-démocrate en deux formations qui ont entre-temps suivi des chemins forts différents. Par rapport à la question nationale, les deux partis ont adopté une approche nationaliste, qui aspire à des améliorations dans leur propre région dans le cadre du capitalisme. Ce danger de glissement vers le nationalisme, et le fait de lier chaque classe ouvrière régionale aux intérêts du capitalisme et de la bourgeoisie de la région qui en découlent, ­va menacer toute nouvelle formation. Ce danger ne fera qu’augmenter tant que l’initiative sera limitée à une seule partie du pays. Les chances qu’une formation régionale puisse se construire comme un parti des travailleurs sain capable d’offrir un programme et une alternative socialiste seraient dans pareil cas beaucoup plus petites.

c) Le droit au travail dans sa propre langue

C’est surtout à Bruxelles que cette revendication est cruciale. Bruxelles a évolué d’une ville flamande vers une ville dominée par le français. Mais en même temps, il est devenu plus facile pour des flamands – qui connaissent dans une plus grande proportion la deuxième langue nationale – de trouver un emploi comparé aux francophones unilingues. Les chômeurs bruxellois (22% de la population bruxelloise active) mentionnent la question linguistique comme cause première de leur chômage et des cours de langue gratuits comme le moyen principal que le gouvernement doit mettre en place pour qu’ils puissent trouver un emploi. Parmi toute une couche de travailleurs francophones, les lois linguistiques sont vues comme des obligations qui ne solutionnent rien de plus.

Pour nous, les travailleurs francophones à Bruxelles ne peuvent pas être considérés responsables de leur méconnaissance du néerlandais. L’enseignement aurait dû permettre d’éviter que ces gens n’arrivent dans cette situation, mais les cours de langue n’ont pas reçu beaucoup d’attention dans l’enseignement francophone. Ceci dit, l’enseignement des langues n’a reçu d’attention en Flandre que dans la filière générale, les jeunes qui viennent de l’enseignement technique et professionnel ont une connaissance des langues déficiente qui rend tout aussi difficile de trouver un emploi à Bruxelles pour ces jeunes flamands qui habitent la périphérie bruxelloise…

Le PSL/LSP est d’avis que chacun a droit à un enseignement de qualité, tout particulièrement en ce qui concerne l’enseignement des langues dans un pays trilingue. Pour que l’enseignement puisse offrir un large éventail de perspectives pour l’avenir des jeunes, quelle que soit leur langue maternelle, bien plus de moyens sont nécessaires. Le fait que l’enseignement francophone à Bruxelles est encore plus sous-financé que l’enseignement néerlandophone n’a pas seulement pour conséquence de susciter dans ce dernier un afflux d’élèves non-néerlandophones (le PSL/LSP n’a d’ailleurs rien à redire à ce phénomène pour peu qu’assez de moyens soient prévus pour résoudre les problèmes engendrés par cette situation). Le problème est surtout que des générations de jeunes francophones, dont bon nombre de jeunes d’origine étrangère, ne peuvent accéder à un bon enseignement.

Nous sommes convaincus que le multilinguisme des élèves ne doit pas nécessairement constituer un «problème», mais est aussi un enrichissement tant que les classes restent assez petites que pour permettre un accompagnement partiellement individuel et tant qu’assez de moyens sont prévus pour soutenir les élèves dont la langue maternelle est différente. Il faudrait donc prévoir, par exemple, la possibilité de cours supplémentaires, des classes de devoirs et des classes où des cours sont donnés en partie dans la langue maternelle pour les enfants immigrés. Toujours à titre d’exemple, il faudrait organiser la traduction des cours en allemand à destination des étudiants germanophones qui viennent étudier à l’université de Liège. Pour le patronat les économies doivent prioritairement s’effectuer sur ce type de dépenses à l’intérêt collectif. Si, sous leur pression, les différents gouvernements ne sont pas prêts à faire ces investissements, ils ne peuvent alors pas considérer les unilingues responsables de leur mauvaise connaissance des langues ni des problèmes que cela implique sur le marché du travail.

Pour le PSL/LSP, chacun a droit à un emploi dans sa propre langue. Si toutefois des conditions linguistiques sont mises en avant pour être embauché, le patronat doit lui-même investir dans la formation, surtout quand on considère que c’est le patronat lui-même qui a poussé l’Etat à ne pas le faire. Nous défendons le droit de chaque travailleur unilingue à apprendre une autre langue pendant ses heures de travail et en touchant bien évidemment un salaire. Le coût des cours doivent être supportés par les patrons eux-mêmes et les travailleurs qui suivent ces cours doivent évidemment être remplacés – un élargissement du cadre est donc nécessaire pour permettre l’application de ce droit. Pour cette raison, les petites entreprises aux recettes limitées doivent pouvoir compter sur un fonds créé et financé par les contributions du patronat et de l’Etat. En aucun cas un patron ne peut obliger ses travailleurs à apprendre une autre langue : il s’agit d’un droit, pas d’une obligation.

Evidemment, quand des qualifications linguistiques sont utilisées par le patron, elles doivent aussi être reprises dans le salaire. Le PSL/LSP revendique le remplacement des primes linguistiques par une augmentation salariale, car les primes ne comptent pas dans le calcul des pensions (aucune cotisation sociale n’est prélevée sur elles). Cela ne concerne pas seulement les langues nationales que sont le français, le néerlandais et l’allemand, mais aussi les autres langues auxquelles on peut être confronté sur son lieu de travail et dans les services publics. Il n’est par exemple pas inhabituel qu’un hôpital doive utiliser son personnel pour une traduction à l’attention d’un patient qui ne parle pas la langue régionale: l’infirmière marocaine comme la nettoyeuse afghane peuvent ainsi servir de traductrices. Rien ne peut être reprocher à cela si ce n’est que la prestation d’une langue doit être rémunérée. Si la pratique démontre que l’organisation de traductions en plusieurs langues est nécessaires pour pouvoir accorder de bons soins de santé à tout le monde dans notre pays, il faut avoir le personnel qualifié pour cette tâche et permettre la possibilité d’avoir des cours professionnels (en apprenant le vocabulaire médical par exemple). Ce personnel doit évidemment être payé pour le travail de traduction qu’il fournit en dehors de ses autres attributions.

d) Droit à des services dans sa propre langue

Ici encore, la majorité des problèmes se posent à Bruxelles, mais très certainement aussi dans la Communauté Germanophone. A Bruxelles, différentes communautés linguistiques se côtoient tandis que dans la Communauté Germanophone, la région est tellement petite et la population tellement limitée qu’il est difficile d’assurer l’entièreté des services à la population dans leur propre langue. Il n’y a par exemple aucune université germanophone en Belgique: les jeunes belges germanophones qui veulent engager des études universitaires n’ont le choix qu’entre l’université francophone de Liège ou une université allemande. L’enseignement supérieur est aussi très limité avec seulement deux hautes écoles pour l’infirmerie et l’enseignement. Le PSL/LSP défend une augmentation des moyens pour l’enseignement actuellement unilingue à Liège pour soutenir les étudiants germanophones avec une traduction de leurs cours, des cours dans leur langue, etc. La Communauté Germanophone doit pouvoir participer et être complètement impliquée dans ce processus. Nous plaidons de plus pour la restauration de l’enseignement francophone dans la région germanophone, mais pas dans des écoles séparées.

Comme cela a déjà été précisé, le PSL/LSP défend un enseignement linguistique de qualité permettant aux jeunes de connaître plusieurs langues et donc d’élargir leur monde. Cet enseignement linguistique doit toucher toutes les couches de la population (y compris les élèves de l’enseignement technique et professionnel) et de préférence dès l’école maternelle (par des jeux évidemment). Tout le monde peut s’imaginer les difficultés d’un flamand unilingue pour s’expliquer avec un infirmier ou un docteur francophone unilingue. De même n’est-il pas difficile de se rendre compte de ce que cela représente de se retrouver après un accident dans un hôpital où on personne ne parle sa langue…Notre pays est l’un des pays les plus productifs au monde, mais l’énorme richesse qu’il génère est toujours plus inégalement répartie parmi la population. Les moyens existent pour que la Belgique puisse garantir la satisfaction de droits de base comme de pouvoir utiliser de bons services dans la société où on vit (l’enseignement, les soins de santé,…). Cependant, la richesse la plus décadente côtoie la pauvreté la plus profonde.

Le PSL/LSP considère le droit à pouvoir bénéficier de services dans sa propre langue et le droit d’accéder à un travail dans sa propre langue comme des revendications centrales dans un pays multilingue. Nous comprenons les sentiments qu’éprouvent de grandes couches de bruxellois francophones: la situation a changé mais le gouvernement n’a rien fait pour préparer les travailleurs francophones à cette nouvelle situation linguistique sur le marché de l’emploi. Bien au contraire, le gouvernement laisse ces travailleurs en plan et apprendre une nouvelle langue doit aujourd’hui se faire après les heures de travail, chose à combiner avec un emploi stressant, une famille, le navettage quotidien dans un trafic trop stressant,… Au vu de toutes ces raisons, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la population de Belgique ingurgite un nombre record de calmants, de somnifères et d’anti-dépresseurs le plus souvent sur ses fonds propres.

On ne peut pas accepter que les flamands de Bruxelles (une petite minorité il est vrai) et les navetteurs flamands ne puissent utiliser les services publics bruxellois. De la même manière, nous n’acceptons pas que les francophones de la périphérie bruxelloise qui n’ont pas à connaître le néerlandais ni pour leur vie professionnelle, ni pour leur vie sociale et culturelle ne reçoivent plus leurs documents officiels en français et ont plus généralement à vivre sous la menace de la perte des facilités de leur commune. Nous ne nous sentons pas liés à une bonne partie des nouveaux habitants de la périphérie provenant des hautes sphères de la classe moyenne francophone ou des eurocrates, mais parmi ces nouveaux habitants se trouvent aussi des familles de travailleurs avec de meilleurs salaires et des ménages à deux salaires qui sont prêts à surinvestir pour pouvoir vivre et élever leurs enfants dans un environnement plus vert. Le PSL/LSP est pour le maintien du bilinguisme à Bruxelles. De même, si l’on demandait à la population des communes à facilité autour de Bruxelles quel statut linguistique ils préfèrent, nous plaiderions alors pour un statut bilingue pour pouvoir réellement offrir des services dans chaque langue.

e) Les droits des minorités

Nous trouvons également inacceptable qu’une femme âgée d’origine turque de Gand soit censée connaître la langue régionale alors que jamais des moyens n’ont été dégagés pour la lui apprendre. En refusant d’offrir des services dans leurs propres langues comme par exemple la traduction de documents officiels, un service minimum de traduction dans les institutions sociales, les soins dé santé et à la police,… les communes et les villes belges ont joué un rôle négatif dans le maintien plus dur du modèle de rôle traditionnel dans des différents communautés d’origine étrangère.

Le PSL/LSP trouve qu’un bon accueil doit être fait aux nouveaux habitants de notre pays. Les discours politiques sur l’intégration sont totalement sans valeur, sans politique active vers ces nouveaux habitants. Sur le terrain, des tas de bonnes initiatives sont prises mais elles ne sont basées que sur la bonne volonté des institutions et du personnel des institutions en question. Il y a par exemple des docteurs qui pratiquent dans les quartiers à forte population immigrée, qui acceptent des patients qui parlent une langue différente et qui tentent dans la mesure du possible de les aider dans leur propre langue ou dans une langue qu’ils connaissent. Mais le plus souvent, ces bonnes intentions mènent à de grandes frustrations faute de moyens conséquents.

Si le gouvernement ne fait pas d’efforts pour apprendre la langue régionale aux personnes qui ne la connaissent pas, il ne peut pas leur reprocher de ne pas la connaître. Le PSL/LSP revendique le droit à des services dans sa propre langue, ce qui peut être prévu par l’embauche de traducteurs dans les services publics, les institutions de l’enseignement et des soins de santé,… Le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour assurer à l’apprentissage de la langue régionale le plus de facilités possibles. Cela ne signifie pas simplement la nécessité d’une organisation de cours de langues à une échelle beaucoup plus grande qu’aujourd’hui, mais aussi l’introduction d’un salaire à hauteur du salaire minimum pour les gens qui les suivent. Beaucoup de nouveaux habitants souffrent d’un manque absolu de moyens, même simplement pour survivre. Ce n’est pas à eux de payer l’apprentissage d’une autre langue.

Pour des générations entières de jeunes des communautés immigrées, le démantèlement de l’enseignement a causé des situations très difficiles. Mais même avant le démantèlement de l’enseignent initié il y a 25 ans, les enfants ayant une langue maternelle différente ne bénéficiaient pas non plus d’attention particulière. Nous sommes convaincus que des gens qui veulent vivre, habiter et rester dans une certaine région comprennent la nécessité absolue de connaître la langue régionale. Mais nous pensons que l’enseignement doit de son côté tenir compte des élèves qui ont une langue maternelle différente, ce qui ne se produit pas – pas assez en tout cas – aujourd’hui. Les seules exceptions à cette règle sont uniquement basées sur la bonne volonté de certains, le plus souvent comme autant de gouttes minuscules dans une rivière.

Les communautés immigrées présentes depuis déjà plusieurs générations doivent bénéficier de moyens assurant que la pauvreté créée par le statut de second rang que les parents avaient en tant que «travailleurs invités» ne soit transmise. Bien connaître la langue maternelle est selon presque tous les linguistes et pédagogues nécessaire pour développer de façon maximale nos capacités à penser et à réfléchir, et pouvoir ensuite apprendre correctement d’autres langues. Ainsi, dans la pratique, beaucoup de jeunes issus de familles immigrées reçoivent de mauvaises cotes en mathématique faute de comprendre suffisamment la langue utilisée pour le cours. Le PSL/LSP est pour l’instauration d’un enseignement de différentes langues maternelles dans le circuit officiel, surtout pour les jeunes enfants, à côté d’investissements pour développer l’enseignement de la langue régionale.

Le PSL/LSP défend aussi la liberté d’expression religieuse, qui selon nous n’existe pas en Belgique. Alors qu’énormément de moyens sont alloués à la religion catholique et à ses institutions par l’intermédiaire de différents canaux, les filles musulmanes n’ont pas toujours la liberté de porter le voile à l’école. Selon nous, la séparation de l’Eglise et de l’Etat – chose évidemment défendue par le PSL/LSP – ne signifie pas que l’Etat peut imposer la laïcité. Nous défendons le droit des groupes religieux de vivre leur religion. La neutralité de l’Etat signifie selon nous qu’il ne peut imposer ou stimuler aucune religion en particulier. L’Etat ne peut dénier aux gens leur droit à la libre expression, y compris religieuse.

Pour cette raison, le PSL/LSP n’est pas d’accord avec l’interdiction faite aux travailleurs des secteurs publics ou des fonctions publiques de ne pas arborer de signe religieux. Nous défendons le droit des femmes musulmanes de travailler dans le secteur public avec leur voile, tout comme nous défendons le droit d’un Sikh à garder son turban pendant l’exercice de sa fonction. La politique belge interprète mal la séparation de l’Eglise et l’Etat: des travailleurs ne peuvent être licenciés que si ils refusent de faire leur travail, pas parce qu’ils sont ouvertement religieux. Il est selon nous inacceptable qu’un fonctionnaire communal fondamentaliste chrétien ou musulman refuse de régler administrativement un divorce pour un ancien couple. Mais il est tout aussi inacceptable que, si le travail est correctement effectué, il ou elle soit licencié à cause de sa religion.

Nous défendons un enseignement pluraliste dans lequel est prévu le respect des droits de chacun. Cela signifie que nous défendons que toutes les personnes impliquées dans l’enseignement – les parents, les élèves et le personnel – aient réellement quelque chose à dire sur la politique menée par leur école. Nous pensons que dans l’enseignement catholique cette participation aura pour effet de permettre de suivre des cours de morale ou d’autres religions si une demande existe. Le succès de l’enseignement catholique, qui attire une majorité d’élèves, n’est pas lié à son caractère catholique, mais à la bonne réputation d’un grand nombre de ces écoles, ce qui s’explique historiquement. Une majorité de parents et d’élèves de ces écoles ne sont pas catholiques ou croyants, et certainement pas pratiquants, et cela vaut sans doute aussi pour bon nombre de membres du personnel (tout comme dans le personnel des institutions catholiques de soins de santé).

Nous voulons mener la discussion avec les communautés immigrées de notre pays sur la manière de développer un enseignement pluraliste et réellement démocratique organisé par toutes les communautés. Le PSL/LSP est persuadé que si les moyens nécessaires sont débloqués pour aider dans nos écoles les enfants des communautés immigrées et que cela est combiné à la liberté d’expression religieuse et culturelle, alors une majorité absolue de travailleurs d’origine étrangère – des immigrés de première, deuxième, troisième,… génération – peut être convaincue des bénéfices d’un seul et même enseignement. La plupart des familles de travailleurs d’origine étrangère ne veut pas être séparée de la population ouvrière belge, mais veut au contraire faire partie de notre société avec, bien entendu, le maintien de leur particularité.

Si on assiste aujourd’hui à un recul sous la forme de communautés qui se replient sur elles-même, ce processus n’est que la conséquence de la discrimination et du racisme que la bourgeoisie injecte systématiquement dans notre société. En Flandre s’est ainsi développée une certaine forme de racisme d’Etat depuis le fameux « dimanche noir » du 24 novembre 1991. La dernière expression et provisoire point culminant de ce processus a été la décision d’imposer des conditions linguistiques pour l’acquisition de logements sociaux. Cela ne peut mener qu’à une situation où plus encore d’immigrés et de réfugiés devront se tourner vers des marchands de sommeil qui exigent des loyers exorbitants pour un matelas dans un couloir. Le Vlaams Blok/Belang n’est pas le seul à utiliser consciemment le racisme ; ces dernières années, le VLD en a toujours plus abusé en guise de paratonnerre pour protéger les véritables «profiteurs» de cette société: l’élite qui bénéficie de profits records produits par notre travail.

Les conséquences concrètes d’une véritable application de la liberté religieuse dépendent bien entendu de chaque école et de sa population d’élèves. A côté des mesures déjà citées au niveau linguistique (un enseignement plus étendu où la langue régionale et la langue maternelle peuvent être apprises, des classes de devoirs et des cours supplémentaires gratuits, des classes plus petites pour pouvoir accompagner de façon plus individuelle les élèves qui ont des difficultés,…), il faut regarder aussi comment appliquer le droit de liberté religieuse avec, par exemple, des mesures autour du Ramadan, la possibilité de libérer des jours de fête qui sont différents de ceux du calendrier chrétien partout utilisé en Europe,…

Nous sommes convaincus que ces mesures sont l’option préférée d’une majorité de travailleurs allochtones ainsi que de leurs familles pour qui la meilleure solution n’est de toute façon pas une séparation encore plus grande avec le reste de la population. Nous comprenons que certains immigrés se détournent d’un environnement raciste, mais institutionnaliser une séparation encore plus élevée ne pourra que maintenir et renforcer cette situation.

Aujourd’hui de grandes couches de la population immigrée sont tout bonnement poussées en dehors de la société. Dans la masse des facteurs qui interviennent, l’enseignement est un exemple particulier. Les jeunes immigrés sont encore plus fortement touchés que les autres par les assainissements dans l’enseignement et sont encore plus victimes de décrochage scolaire – toutes les données démontrent ce fait. Mais les jeunes de familles pauvres flamandes, wallonnes, germanophones ou bruxelloises sont dans la même situation. L’enseignement flamand figure au sommet dans les études internationales, mais cela est avant tout basé sur une sélection préalable toujours plus sévère : de plus en plus d’élèves sont dirigés vers l’enseignement technique ou professionnel, et même la transition vers l’enseignement spécialisé s’effectue toujours plus vite. Faute de moyens pour aider les enfants qui ont un retard dans quelques cours, ces derniers sont renvoyés vers quelque chose de « plus facile ». Il n’est évidemment pas difficile d’obtenir de bons scores avec une méthode pareille, en ne prenant que les élèves qui peuvent compter uniquement sur leurs propres forces ou ont l’opportunité de pouvoir être aidés par leurs parents (qui ont par exemple suivi l’école supérieure). Pour nous, cette discrimination doit s’arrêter et le seul moyen pour que cela puisse se faire est un investissement public massif dans l’enseignement.

Nous pensons que toute ségrégation de la population immigrée n’est d’aucune manière ni dans les intérêts de la classe ouvrière belge, ni dans ceux de la classe ouvrière d’origine étrangère. Il faut cependant préciser qu’aujourd’hui, le terme d’« intégration» est devenu aussi infecté que celui d’« assimilation », mais quand nous parlons d’intégration, nous n’entendons pas que les immigrés doivent abandonner leurs spécificités et accepter « notre culture ». Et puis, c’est quoi exactement, « notre culture» ?

Nous pensons qu’exclure constamment plus les immigrés et les séparer du reste de la population (en ne prévoyant pas assez de moyens dans l’enseignement, avec un chômage massif,. . .) n’est pas une bonne option. Bien au contraire. Les travailleurs d’origine étrangère doivent bénéficier des mêmes droits, des mêmes salaires et des mêmes conditions de vie que n’importe quel travailleur d’origine belge. Cela ne peut se réaliser que par une lutte menée par la classe ouvrière dans son ensemble, indépendamment de leurs origines nationales, religieuses ou ethniques. Nous appelons à une lutte commune contre le chômage structurel, pour l’arrêt des démantèlements et des privatisations des services publics. Nous exigeons la redistribution du temps de travail entre tous les travailleurs sans perte de salaire et l’élargissement des services publics pour répondre aux besoins des travailleurs et de leurs familles.

f) Bruxelles et la périphérie

A Bruxelles et dans sa périphérie, les revendications citées ci-dessus comme le droit à un travail ainsi qu’à des services dans sa propre langue et les droits des minorités sont cruciales au vu de la composition de la population pour créer un véritable tissu social sans aboutir à une amertume mutuelle. Alors qu’en Flandre et en Wallonie, l’intérêt porté aux disputes autour du cas de BHV allait de minime à négligeable auprès de larges couches de la population, ce dossier a été suivi de plus près à Bruxelles par une couche plus large de la population, et encore plus dans la périphérie. Nous comprenons l’injustice ressentie dans la périphérie flamande: les communes sont de plus en plus sous l’emprise du capital, les loyers et les prix d’achat des maisons s’envolent et ne permettent plus à bien des familles de continuer à vivre dans la même région parce que les jeunes n’y trouvent plus un logement abordable. Ils sont en fait repoussés des personnes au plus grand pouvoir d’achat.

La périphérie bruxelloise connaît un sort partagé par la périphérie anversoise ou gantoise: les communes vertes autour des villes sont plus attractives pour des couches plus aisées de la société, mais aussi pour des familles de travailleurs avec enfants et plusieurs revenus. Ces groupes repoussent peu à peu la population locale au pouvoir d’achat moindre. La différence est qu’à Bruxelles et dans la périphérie bruxelloise vient s’ajouter la question linguistique. Dans la périphérie de Bruxelles – et à Bruxelles même – le phénomène de repoussement social est une réalité quotidienne. Le nombre de terrains occupés par des villas luxueuses et des grandes maisons familiales est sans cesse plus grand alors qu’on rase depuis déjà des décennies à Bruxelles des quartiers populaires pour dégager la place à des projets de prestige et aux travaux d’infrastructure qui en découlent. Imposer des conditions linguistiques pour l’accès aux logements sociaux, une mesure nationaliste flamande et discriminatoire, ne va strictement rien modifier dans ce processus.

A l’opposé de cette politique, il faut selon nous commencer à construire massivement des logements sociaux et rénover les villes en fonction des intérêts de la population de Bruxelles et de sa périphérie (et pas comme aujourd’hui dans l’intérêt des mêmes firmes de construction). Les autorités flamandes et bruxelloises doivent saisir les terrains laissés à l’abandon, les maisons vides, les taudis,… pour éviter que le repoussement social ne continue et pour garantir que des couches à moindre pouvoir d’achat puissent vivre de façon confortable et abordable à Bruxelles et dans la périphérie. De plus, les logements sociaux ne doivent pas être gérés par des sociétés de logement souvent peu transparentes, mais par les autorités communales. Les habitants des différents quartiers doivent aussi pouvoir réellement participer à l’élaboration des projets de construction sociale et le plus grand respect possible doit être observer face à l’environnement de ces projets, que cela soit au niveau des espaces verts ou des monuments, du paysage,… Quant aux logements sociaux, il ne faut pas s’enfermer dans des logiques de conditions linguistiques discriminatoires – selon le slogan « notre propre peuple d’abord » – mais bien construire un parc de logements sociaux assez vaste de manière à pouvoir mettre une réelle pression sur les loyers et les prix d’achat des maisons sur le marché immobilier privé. L’accès à un logement est un droit de base et il est possible avec suffisamment de moyens de garantir ce droit à chacun, indépendamment de sa langue.

Le dossier de Bruxelles-Hal-Vilvorde va certainement à nouveau revenir sur la table. Le gouvernement flamand, le parlement flamand et tous les partis flamands (à part les écologistes flamands de groen ! qui ne représentent plus grand chose) revendiquent « la scission immédiate » de l’arrondissement comme a été formulé dans l’accord gouvernemental flamand. Et cela « sans compensations » pour les francophones. Ils se basent pour cela sur un arrêt de la Cour d’Arbitrage qui qualifie la situation actuelle d’illégale depuis le transfert vers les districts électoraux provinciaux, ce sur quoi BHV est une exception. Pour les partis flamands, la scission est la seule solution possible. Non, répondent les politicien francophones, tous unis sur ce point à l’exemple de leurs collègues flamands, car l’élargissement de Bruxelles pourrait également être une solution aux remarques de la Cour d’Arbitrage. Les deux côtés trouvent que la « solution » de l’autre est « inacceptable » autant qu’un « un coup porté en pleine face de leur communauté ».

Le PSL/LSP pense qu’aucune de ces propositions ne constitue en réalité de solution. D’une part, les francophones ont raison de craindre la perte de leurs droits dans la périphérie de Bruxelles alors qu’en plus, dans certaines communes, ils ne forment plus une minorité, mais bien une majorité. Depuis des années déjà, les francophones de la périphérie sont victimes de harcèlements constants de la part des autorités flamandes. Ces harcèlements ont d’ailleurs été stimulés après « la défaite » subie dans les discussions sur le dossier de BHV ou, pour utiliser l’expression de la plupart des partis flamands : « le délai nécessaire à la victoire ». En 1997, après la circulaire de Leo Peeters (SP.a, actuel bourgmestre flamand de Kapelle-op­-den-bos et à l’époque Ministre flamand des Affaires Intérieures), les francophones des communes à facilités ont à chaque fois dû demander leurs documents officiels en français, alors que c’était automatiquement le cas avant. Chez les partis flamands, les facilités ont toujours été considérées comme un régime de transition durant lequel les francophones devaient apprendre le flamand. La réalité est néanmoins qu’il y a toujours plus de francophones pour la simple raison que Bruxelles s’élargit et attire une couche de très hauts salaires provenant des institutions européennes, des sièges sociaux des entreprises, de l’administration nationale,… qui cherche à vivre à Bruxelles ou dans ses environs.

Ces derniers n’arrivent certainement pas tous dans la périphérie directe, mais comme la Belgique est un petit pays et que les moyens de transports vers Bruxelles sont excellents, beaucoup de francophones qui travaillent à Bruxelles s’établissent finalement aussi en Flandre. Et il est faux de ne croire qu’il ne s’agit là que d’une couche plus aisée, beaucoup de familles au revenu moyen ou même bas. C’est très cher de vivre à Bruxelles même, plus certainement encore avec des enfants. Les communes à facilités et la périphérie directe de Bruxelles sont elles aussi prises dans cette dynamique de prix et l’élargissement du cercle autour de Bruxelles continue.

Ce processus n’existe pas que dans une seule direction, beaucoup de flamands qui travaillent à Bruxelles finissent par vivre en Wallonie pour des raisons identiques: des terrains à bâtir et des logement de façon générale meilleurs marchés. Pour eux non plus rien n’est prévu dans leur nouvelle région. A moins de faire la navette avec les enfants jusqu’à Bruxelles ou de les déposer dans une commune flamande, leurs enfants n’ont dans la plupart des cas aucune chance de suivre un enseignement dans leur langue maternelle. C’est sans doute en conséquence de la combinaison de cette « immigration » flamande et de la nécessité de connaître plusieurs langues sur le marché du travail que la Wallonie est la région où l’on trouve le plus d’ « expériences » linguistiques, le plus de stages pour l’enseignement bilingue,… Cette « immigration» est cause de moins d’agitation parce au regard du fait que les flamands qui arrivent en Wallonie ont en général le français pour seconde langue.

Cette situation ne cause pas seulement de tensions entre néerlandophones et francophones, mais aussi entre germanophones et francophones. L’oppression et la discrimination énormes qu’ont subis les germanophones, à l’origine annexés contre leur volonté, a conduit à une politique linguistique antidémocratique qui par exemple supprime les classes francophones. Mais alors qu’il est on ne peut plus clair que les services germanophones sont insuffisants, aucune disposition à l’égard des germanophones n’est prise dans la région wallonne. Encore un bel exemple où la question nationale sert d’excuse à l’imposition de mesures d’austérité. Une telle politique ne peut avoir pour seule conséquence que de favoriser l’exacerbation des tensions nationales.

La Belgique est un pays où se côtoient trois communautés (flamande, française et germanophone) et trois régions (Flandre, Bruxelles et Wallonie, qui comprend bien sûr la partie germanophone). La politique linguistique est si absurde qu’à cause de ces mesures, beaucoup de gens sont dans l’incapacité de déménager d’une région à l’autre. Dans un petit pays comme la Belgique bien plus qu’ailleurs, il est inévitable que régulièrement arrivent dans une région des personnes issues de groupes linguistiques différents, surtout dans une période d’envolée des prix du logement à l’achat comme à la location, d’augmentation du chômage et de réduction continuelle du pouvoir d’achat pour un nombre croissant. La seule manière d’éviter toutes sortes de tensions, de harcèlements et finalement de conflits (souvenons-nous des Fourons) est de mener une politique linguistique démocratique qui préserve les droits aux services et au travail dans chaque langue, n’importe où en Belgique.

Les Socialistes ont l’obligation de lutter pour les droits nationaux de tout le monde, mais aussi l’obligation de s’opposer à chaque privilège national. Des marxistes auraient dans le passé soutenu la lutte des travailleurs et des paysans flamands pour l’acquisition de leurs droits nationaux et auraient aussi mené campagne pour la politique démocratique la plus conséquente possible envers la question flamande, en y incluant le droit à la séparation. Mais nous ne soutenons toutefois pas le revanchisme d’aujourd’hui. Ce revanchisme au sein de la caste politique traditionnelle flamande est la donnée centrale dans les tensions communautaire actuelles. Les marxistes s’opposent totalement à cette position.

Mais nous ne sommes pas non plus d’accord avec le nationalisme wallon pour qui un entrepreneur wallon est plus un allié des travailleurs wallons qu’un travailleur flamand (selon J-M Dehousse). Une pereille idée en position dominante dans la classe ouvrière wallonne aurait pour conséquences d’énormes défaites pour la classe ouvrière, et pas seulement en Wallonie. De même, nous sommes en désaccord avec les nationalistes germanophones qui veulent aujourd’hui dans leur région opprimer le français après que l’allemand l’ait été.

Les marxistes sont favorables aux luttes des notions opprimées pour l’obtention de leurs droits nationaux, nous nous opposons donc aux mesures coercitives visant à ce qu’une nouvelle nation puisse imposer sa langue. Lors d’un passage à une phase de construction de « sa propre nation », les divisions de classe deviennent plus visibles et plus conflictuelles et aucun soutien ne doit être accordé au nationalisme des couches dirigeantes de la nation précédemment opprimée. Chaque région qui viole les droits linguistiques de ses habitants ne va qu’approfondir les conséquences de la questions nationale en rendant la scission plus probable à l’avenir.

Vis-à-vis de la population immigrée – qui constitue à Bruxelles un bon pourcentage – il faut mener une politique de bienvenue en rendant disponibles différents services de traduction et des facilités linguistiques dans les soins de santé, l’infrastructure de détente, l’enseignement, la liberté de religion, le droit à l’auto-organisation, etc.

En général, il faut s’opposer à toute politique qui peut entraîner une séparation des différentes communautés à Bruxelles (francophone, flamande et ou de différentes origines étrangères). On trouve plus de compréhension de ce constat auprès de la population bruxellois par rapport aux politiciens bruxellois dont la politique est justement faite de séparation. Par exemple, il faut être néerlandophone pour être autorisé à utiliser l’infrastructure des centres culturels, ce qui empêche ces centres de devenir de véritables centres de quartier. C’est justement le fait que différentes communautés vivent ensemble qui caractérise ces quartiers ! Le personnel a immédiatement protesté contre cette mesure, et à juste titre ! Une telle politique pousse les néerlandophones de Bruxelles vers un repli sur leur propre communauté.

L’enseignement néerlandophone dans la capitale peut compter sur un meilleur financement que l’enseignement francophone et devient donc sans cesse un plus grand pôle d’attraction pour toutes les communautés de Bruxelles. Face à cela, la réaction des politiciens flamands n’est pas de garantir des moyens supplémentaires pour résoudre les problèmes que cela peut causer, ni d’élaborer une politique d’enseignement adaptée à une environnement multiculturel en solidarité avec l’enseignement francophone. Au lieu de ça, les politiciens flamands de Bruxelles adoptent une réaction égoïste et nationaliste. Guy Van Hengel est au VLD et est le Ministre Bruxellois des Finances, du Budget, des Relations extérieures et de l’informatique mais aussi président du Collège de la Commission Communautaire flamande compétente pour l’enseignement, les éducateurs professionnels et le budget. Il déclare régulièrement à TV-Brussel que l’enseignement néerlandophone a besoin d’une politique linguistique « stricte» : tout doit se passer en néerlandais et si des parents qui ne parlent pas cette langue veulent tout de même envoyer leurs enfants dans une école néerlandophone, ils n’ont qu’à apprendre le néerlandais. En autre mots, il prend une attitude de garde-chiourme brutal similaire à celle qui a été utilisée pour apprendre le français aux flamands ou encore pour plus tard imposer au élèves flamands le néerlandais à la place des dialectes locaux qui étaient autant de langues maternelles.

Heureusement, les choses ne se passent pas de cette façon dans toutes les écoles néerlandophones. Le personnel des centres culturels et les éducateurs comprennent mieux l’enjeu sur le terrain que les politiciens et les ministres compétents. Ce personnel est confronté à la tâche de faire vivre ensemble les différentes communautés et accepte donc ces différences dans leur travail : une politique de bienvenue positive est plus productive pour stimuler les parents à apprendre la langue. Une partie des documents de l’école est ainsi systématiquement traduite en français, souvent même en anglais. Mais, à nouveau, tout cela dépend totalement de la bonne volonté du personnel, qui ne dispose en plus pas de moyens en suffisance pour correctement jouer ce rôle.

Les enquêtent démontrent que la population bruxelloise dans sa majorité a elle aussi une meilleure compréhension de ce qui est nécessaire et est par exemple favorable à un enseignement bilingue. C’est la logique même : cela rapprocherait les deux communautés en les unissant dans la vie scolaire et mènerait aussi à plus long terme à un bilinguisme largement répandu parmi toute la population. Une telle situation est une nécessité pour garantir des chances optimales sur le marché du travail et cela rendrait entre autres également possible aux communautés immigrées d’apprendre les deux langues nationales en même temps. Mais quand la discussion est abordée, Guy Van Hengel déclare tout simplement qu’il est pour un enseignement bilingue en Flandre et en Wallonie,… mais pas à Bruxelles car le néerlandais « n’est pas assez consolidé » à Bruxelles. C’est de la folie totale ! La meilleure solution pour l’enseignement bruxellois serait que la Communauté Flamande et la Communauté Française coopèrent pour offrir un enseignement bilingue à Bruxelles tout en invitant les autres communautés à une discussion permanente pour qu’elles aient une voix réelle au chapitre de l’enseignement. Pour adapter l’apprentissage à la réalité de façon optimale, une école démocratique devrait rassembler toutes les personnes concernées avec l’aide d’organes comme des conseils d’école dans lesquels élèves, parents et personnel pourraient ensemble prendre les décisions. La réalité bruxelloise déjà multiculturelle depuis déjà longtemps. Mais à nouveau se pose la question des moyens.

La situation politique est actuellement intenable. Les flamands vivant à Bruxelles doivent voter pour des flamands, les francophones pour des francophones et les partis nationaux doivent pour se scinder en listes différentes lors des élections. Le PSL/LSP trouve qu’il doit être possible de présenter des listes bilingues pour chaque élection à Bruxelles et que les habitants ne doivent pas être obligés de voter pour une liste qui vient de leur propre communauté alors qu’ils sont plus en accord avec un parti de l’autre communauté linguistique.

g) Les droits de chaque communauté de la population doivent être garantis

Les minorités linguistiques doivent avoir le droit d’obtenir des concessions qui doivent répondre en première instance aux demandes de la minorité en question. Le PSL/LSP pense par exemple qu’il est utopique de penser que les francophones de la périphérie de Bruxelles doivent apprendre le néerlandais. On n’apprend seulement une langue que lorsque l’on en a besoin. Ce n’est pas le cas des francophones de la périphérie: leur vie professionnelle, sociale et culturelle n’est pas basée sur la commune où ils habitent mais bien sur Bruxelles, ville où la langue véhiculaire est le français. La seule manière de rompre avec cette situation où la périphérie bruxelloise se transforme en villes dortoirs est que les différentes communes puissent stimuler, assurer aux francophones des raisons de faire partie de la société locale. Cela peut être fait avec un large panel d’activités sociales et culturelles accessibles aux francophones. Les harcèlements administratifs n’ont pour unique résultat que de restreindre l’envie de « s’intégrer » dans une commune.

Ce n’est pas un hasard si les partis flamands ont imposé des conditions linguistiques aux francophones de la périphérie de Bruxelles. Ils ont en fait instrumentalisé la question nationale pour masquer une attaque lancée contre les habitations sociales, un droit acquis par le mouvement ouvrier. Aucune illusion ne doit subsister: l’excuse inventée pour l’introduction de cette mesure aurait pu être crédible si elle n’avait été appliquée dans toute la Flandre. Les immigrés sont aussi, et peut-être surtout, touchés. C’est un moyen commode pour augmenter la concurrence pour l’obtention de logements sociaux et pour raccourcir les gigantesques listes d’attentes. Finalement, du point de vue des couches larges de la population, la question nationale est en définitive une lutte pour résorber une pénurie de moyens. La solution n’est jamais d’accorder un privilège à l’un au détriment de l’autre, il faut s’en prendre directement au manque de moyens.

Impossible ? Le PSL/LSP ne le pense pas. Les profits records des entreprises se suivent année après année en Belgique tandis que la fraude rempli plus encore les poches des super-riches. Ces derniers, même pris en flagrant délit, peuvent toujours compter sur leurs relations et leurs avocats hors de prix pour retarder le dossier jusqu’à la prescription ou obtenir un acquittement pour vice de procédure comme cela est monnaie courante. Aujourd’hui, plus qu’un million de personnes sont exclues de tout travail. Si tout ce monde serait impliqué dans la production, la richesse produite augmenterait encore et il serait dès lors possible de développer sensiblement les services publics, y compris les services linguistiques. Sans investir les moyens suffisants, la question nationale ne peut pas être résolue et il deviendra toujours plus difficile d’obtenir des accords. Le moindre petit détail abouti ainsi à un blocage, comme à l’époque de la fameuse « politique du moule à gaufre » : une investissement effectué dans une région devait se faire également dans l’autre.

L’exemple de Bruxelles et de sa périphérie démontre clairement que la langue peut être un moyen d’exclusion, mais il est selon nous possible qu’elle devienne un moyen d’enrichissement culturel et social pour peu qu’assez de moyens soient présents. En outre, la politique menée jusqu’ici sur cette question montre l’inefficacité et la contre-productivité des mesures imposées. La langue n’est pas une donnée fixe, mais bien mouvante. Les gens n’apprennent en général une langue que quand ils en voient l’utilité dans leur vie sociale, culturelle ou professionnelle. Les autorités doivent stimuler l’apprentissage de la langue régionale (ou, à Bruxelles, l’autre langue nationale) et aider le mieux possible ceux qui veulent l’apprendre. Les droits linguistiques qui ont été historiquement acquis pour les flamands, les francophones et les germanophones dans les différentes parties du pays doivent être respectés et il faut renoncer à chaque attaque sur ces droits.

Le PSL/LSP pense que les droits linguistiques des minorités – les flamands à Bruxelles ou en Wallonie ; les francophones dans la périphérie bruxelloise, en Flandre et dans la communauté germanophone ; les germanophones en Wallonie – doivent être inscrits dans la constitution. Une politique linguistique démocratique n’est possible qu’avec des moyens, c’est la seule façon de faciliter la cohabitation. L’emploi de la force ne cause qu’une opposition farouche et des effets contre-productifs. La politique vis-à-vis des immigrés ­sur le plan des droits linguistiques, mais aussi dans l’enseignement et autres services publics doivent également être inscrits dans la constitution. Les travailleurs autochtones y ont grand intérêt: c’est justement leur statut de second rang et le manque de droits des différents groupes de forces de travail étrangers qui rend possible que leur présence sur le marché du travail aboutisse à la mise sous pression des salaires.

Les communautés historiques de la Belgique doivent être traitées sur un pied d’égalité. Si une majorité de la population de la région germanophone le désire, il doit lui être possible de former une quatrième Région Germanophone. En tout cas, des solutions sont urgentes face à la question des services dans la langue de chacun, une solution qui doit aussi inévitablement être partiellement appliquée dans la Région Wallonne.

2. Les moyens existent

La seule réelle condition pour une cohabitation harmonieuse et démocratique, en Belgique ailleurs, c’est la présence de suffisamment de moyens. Assez de richesses sont produites dans notre pays pour pouvoir satisfaire les droits et les besoins de l’ensemble des travailleurs et de leurs familles. Nous faisons partie des forces ouvrières les plus productives du monde et nous vivons dans un des pays les plus riches du monde, mais nos gouvernement préfèrent donner des milliards au patronat sous forme de diminutions des soi-disantes charges patronales, de diminutions des impôts pour les riches ou encore en laissant le laxisme être la règle concernant les fraudes fiscales des grosses entreprises et en remboursant la dette publique, ou plutôt ses intérêts exorbitants.

Plus de moyens, c’est également la condition nécessaire pour permettre d’impliquer tout le monde – indépendamment de l’origine nationale – dans la gestion de la société. Actuellement existent de nombreux comités de quartier, mais des gens qui ont un travail épuisant ou des femmes qui subissent des doubles horaires (en travaillant et en s’occupant du ménage à la maison) n’ont ni le temps, ni l’énergie pour pouvoir s’y investir. La « participation» réelle qu’ont ces comités n’est de plus bien souvent rien d’autre que de la poudre aux yeux: ils ont le droit d’être écoutés, pas de participer aux décisions. Parallèlement, des centaines de milliers de travailleurs n’ont aucune possibilité de travailler à cause d’un chômage structurel.

Le PSL/LSP lutte pour l’application de la semaine des 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Il s’agit d’un premier pas à poser dans la direction de la redistribution du travail disponible en fonction des travailleurs. C’est la seule solution pour résoudre le chômage qui ne se fasse pas sur le dos des travailleurs et des chômeurs. De plus, cette mesure offrira aux gens plus de temps libre pour souffler, s’occuper de ses enfants, étudier ou développer une passion, mais aussi plus de temps pour s’occuper de la « construction de la société », dans leur quartier par exemple.

Le PSL/LSP lutte pour l’élargissement des services publics et des soins de santé et pour revenir sur les assainissements et les privatisations subies ces 20 dernières années. L’élargissement des services publics est clairement nécessaire sur tous les terrains qui concernent les soins et la santé. Là se trouve la véritable préparation au vieillissement de la population, et pas dans des tentatives pour diminuer les pensions ou faire monter l’âge pour y avoir accès. Les salaires et conditions de travail des travailleurs des soins de santé doivent être augmenté jusqu’au niveau des autres secteurs. Ce sont justement ces mauvais salaires et ces conditions de travail difficiles et flexibles qui sont responsables du fait qu’à Bruxelles et dans la communauté germanophone, par exemple, il est difficile d’avoir assez de personnel bilingue disponible. Différents plans pour créer des services de traduction doivent aussi être établis. Il nous semble préférable de travailler avec des services de traduction plutôt que de mettre sur pied des institutions dans chaque langue. Cela garantirait l’emploi des meilleures services pour chacun: ce n’est pas parce qu’on est francophone et que le meilleur néphrologue travaille dans un hôpital flamand qu’on ne peut avoir le droit d’accéder à ses soins. Des milliers d’emplois supplémentaire seraient créés en mettant en place un enseignement linguistique de qualité, mais les autres services publics doivent recevoir également plus de personnel pour en finir avec la pression de travail inhumaine qui règne aujourd’hui, pour répondre aux besoins de mobilités croissants, etc.

Si la Wallonie nécessite effectivement un plan de relance, cela ne saurait être sous la forme du plan Marshall actuel, ce n’est qu’une série de mesures néo-libérales qui reproduire jusqu’à un certain point la politique économique flamande des années ’50 et ’60, mais avec les moyens d’aujourd’hui. La classe ouvrière en Wallonie est victime de la politique économique parasitaire du grand capital. Les investissements cruciaux pour renouveler l’industrie ne sont jamais arrivés et la désindustrialisation se poursuit. Mais attirer des multinationales n’offre pas de progrès sûr et permanent, comme cela a d’ailleurs été démontré ces dernières années en Flandre par les fermetures et les grandes restructurations de Renault, Philips, Ford,… Le célèbre tissu de PME n’offre lui non plus pas de solution: une grande partie des PME « flamandes» sont pieds et poings liés aux multinationales : quand cette dernière s’en va, les PME suivent le mouvement. Contre la force représentée par ces multinationales, contre le chantage permanent (« plus de flexibilité ou on s’en va »), les travailleurs ne peuvent répondre qu’avec deux réponses: la solidarité internationale (mais les patrons apparaissent mieux organisés en ce moment sur le plan international et certainement sur le plan européen par rapport aux syndicats) et avec la nationalisation sous contrôle ouvrier. Ces deux éléments sont primordiaux pour stopper la désindustrialisation et les pertes d’emplois.

Le PSL/LSP lutte pour la nationalisation des secteurs clés de l’économie (les banques, les holdings, les sociétés productrices d’énergie et les transports), ce qui permettrait aux véritables producteurs de la richesse de l’utiliser pour la satisfaction des multiples besoins de toute la société. Tant que les entreprises qui réalisent des profits sont privatisés (alors que les coûts sont le plus possible reportés vers la société, c’est-à-dire vers nous), nous n’avons pas les moyens de résoudre les problèmes structurels que sont le chômage, la pauvreté, l’absence de logement abordables et de bonne qualité, la perte de qualité ou la disparition pure et simple de toute une série de services publics (remplacés par des services privés onéreux), etc.

Le PSL/LSP plaide également pour une « nationalisation » sans compensations d’une grande partie du marché immobilier (habitations et terrains à bâtir). Cela ne concerne évidemment pas les petits propriétaires des classes moyennes ou la famille à deux salaires qui achète une deuxième maison pour son enfant, mais bien les gros bonnets du marché, ceux qui aspirent uniquement à avoir le plus de profits possible, ceux pour qui ce profit doit diriger la politique immobilière. Avec cette nationalisation, combinée à un programme massif de construction de logements sociaux et de rénovation urbaine avec une orientation sociale, il devrait rapidement être possible d’augmenter le pourcentage de logements sociaux présents sur le marché jusqu’à 40 ou 50%, ce qui est absolument nécessaire pour obtenir un effet fondamental capable de faire baisser les prix du secteur privé.

Pour la grande majorité des gens, le nationalisme n’est que l’expression d’une lutte pour acquérir des moyens qui manquent, une lutte pour obtenir les moyens aptes à remplir des déficits. Le système capitaliste cause une pénurie de moyens à tous les niveaux de la société, la richesse la plus puante se combine à une profonde pauvreté parmi les perdants. La bourgeoisie abuse de la division nationale historique – tout comme elle abuse des différences entre hommes et femmes, ouvriers et employés, belges et immigrés,… – afin de diviser la classe ouvrière et de sa lutte pour obtenir la justice sociale. Maintenant que les partis sociaux-démocrates ont rejoint le camp de la bourgeoisie, le mouvement ouvrier est politiquement sans abri et l’élément du nationalisme en ressort renforcé.

Au vu du fait que chaque parti défend les intérêts d’une minorité de la société avec des plans sociaux et économiques (à quelques différences prêts dans l’emballage) issus de la même pensée unique néo-libérale, il leur est obligatoire de se profiler sur d’autres terrains. La division institutionnelle du pouvoir sur laquelle est fondé le système belge abouti toujours à la division nationale de la richesse en période de déclin des luttes (parce que l’écrémage systématique de la richesse produite par la bourgeoisie n’est pas remise en question par les partis bourgeois).

La bourgeoisie a créé de grands problèmes de société qu’elle est ensuite incapable de ensuite résoudre. Cela ne veut pas pour autant dire que ces problèmes ne peuvent pas être résolus. Avec assez de moyens et une démocratie aussi conséquente que possible, la classe ouvrière peut rendre la cohabitation pas simplement vivable, mais même agréable. Au sein d’un système dans lequel la production des marchandises et de la richesse est basée sur la soif de profits d’une petite élite qui règne en Belgique par le biais des différents gouvernements, il y aura toujours absence de moyens suffisants qui de leur côté mèneront à des luttes les plus diverse. Mais la seule lutte capable d’offrir une solution est la lutte du mouvement ouvrier pour une société basée sur les besoins de la majorité et qui élabore démocratiquement un plan avec toutes les personnes concernées, indépendamment de leur origine nationale, pour prévoir la satisfaction de leurs besoins de la façon la plus efficace. Cette lutte est celle pour le socialisme.

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