Lituanie: Quand le capitalisme fait faillite…

En Europe de l’Est, la crise économique a frappé de manière particulièrement sévère. Les trois républiques baltes en particulier (Lituanie, Estonie et Lettonie – qui faisaient partie de l’URSS jusqu’en 1991) ont vu leur économie chuter avec des récessions économiques à deux chiffres. Ces pays sont presque en faillite. La pauvreté, des baisses salariales parfois très lourdes, des logements insalubres, un enseignement inaccessible,… touchent la plupart des travailleurs et leurs familles. Nous avons discuté avec Vyte, une lituanienne qui vit en Belgique. Elle est membre du PSL et a des contacts réguliers avec sa famille en Lituanie. L’histoire de la Lituanie pourrait bien se répéter à court terme dans des pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal,…

« Je voudrais donner trois exemples de la crise en Lituanie: la situation des professeurs, des infirmiers et des journalistes. Ma sœur est professeure dans une école secondaire. Récemment, elle a été appelée par la direction. Celle-ci lui a proposé un nouveau contrat avec une baisse de salaire de 20% à cause de la crise ! Son salaire n’est que de 1000 litas par mois (à peu près 290 euros). Avec ça, elle doit payer son studio qui coûte 600 litas, sans compter l’électricité et le chauffage. Si la baisse de salaire est imposée, elle n’aurait que 200 litas par mois pour vivre, c’est-à-dire 2 euros par jour !

« 10% des gens en Lituanie n’ont même pas assez d’argent pour acheter de la nourriture. En plus de cela, l’Etat impose un taux de TVA sur les produits alimentaires très élevé. Je suis allée une fois au supermarché en Belgique avec une autre de mes sœurs qui me rendait visite. Le prix d’un kilo d’oranges ou de la plupart des produits alimentaires ne diffère pas beaucoup du prix en Lituanie, alors que les salaires y sont beaucoup plus bas. Beaucoup de gens vont donc en Pologne pour y acheter des pâtes, des biscuits, du riz… La nourriture y est moins chère parce que la TVA y est plus basse. »

« Le syndicat avait conseillé à ma sœur, la professeure, de ne pas signer le nouveau contrat parce qu’il n’était pas légal. La direction lui faisait simplement du chantage : «Il y a assez de gens pour te remplacer», lui a-t’on dit brutalement. C’est d’ailleurs un objectif général du gouvernement : diminuer de 20% les salaires des professeurs. Car les caisses de l’Etat sont vides. « Si l’on travaille et vit encore chez ses parents, la situation est encore plus ou moins gérable. Beaucoup de jeunes y sont forcés. Le minerval pour étudier à l’université coûte 3.500 litas par an (à peu près 1.000 euros). Pour les cours de médecine ou d’ingénieur, c’est encore plus. Si les parents sont de simples travailleurs, il faut oublier complètement l’idée de faire des études supérieures. Il n’y a simplement pas d’argent. A Vilnius, l’université possède des logements étudiants, où les étudiants sont logés à 4 ou 6 dans une chambre. Ce sont presque des casernes.

« Les infirmiers gagnent encore moins que les professeurs: dans les hôpitaux publics, ils ne gagnent pas plus de 700 litas. Dans les hôpitaux privés, si tu as une spécialisation et si tu es l’assistant d’un médecin, tu peux gagner 1000 litas par mois. « Mon autre sœur en Lituanie est une journaliste free lance. Elle espère ainsi pouvoir payer ses coûts d’études. Si tu as un nom, tu peux gagner jusqu’à 2000 litas en tant que journaliste. Mais pour cela, on attend de toi que tu travailles 14 à 16 heures par jour. Il faut préparer les articles, participer à des réunions,… Il arrive même que les journalistes téléphonent encore après le boulot pour faire de la publicité pour leurs articles. Sinon leur salaire ne leur permet pas de vivre.

« Ces derniers mois, il y a eu un scandale en Lituanie. Les ministres s’étaient octroyés, en pleine crise, des bonus de 30.000 euros par an ! Tout en recevant déjà un salaire mensuel de 3.000 euros. Comment osent-ils ? En même temps, ces politiciens veulent abolir les aides alimentaires pour les femmes divorcées. Beaucoup de gens en Lituanie ne vivent que de sarrasin et de riz parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de manger de la viande.

« En septembre et octobre, les chauffeurs de bus ont mené des actions à Kaunas pour réclamer des augmentations salariales. Les travailleurs des bibliothèques sont également sortis dans la rue. A Vilnius, il est interdit de manifester devant le parlement. Ils ont donc été obligés de manifester dans le parc. Le 4 novembre, une grève générale avait été annoncée par les syndicats, mais elle a été postposée par la direction syndicale. Néanmoins, quelques groupes de travailleurs sont quand même partis en grève.

« Le sentiment général est que, à l’époque de l’URSS, malgré la répression sévère, de nombreux services de base étaient accessibles à tous. Moi-même, je suis trop jeune pour me rappeler de ça. Maintenant, sous le capitalisme, le nombre d’habitants est tombé à 3 millions. 700.000 personnes ont quitté le pays. »

 

Article par PETER DELSING

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