DOSSIER: 50 ans d’indépendance formelle de la RD Congo, suka wapi (*) ?

Pour l’indépendance réelle et pour le socialisme !

Ce 30 juin 2010, au regard du bilan de ces 50 ans ‘‘d’indépendance’’, on verra qu’il ne reste plus grand-chose de cette indépendance et que la grande fête du 30 juin 1960 n’aura que peu duré. Depuis lors, le Congo n’a connu que la dictature pro-impérialiste de Mobutu, les guerres, la souffrance et la misère. Pour une réelle indépendance et pour que les énormes richesses du pays reviennent à la population, une société socialiste est nécessaire.

(*) Ça se termine où (quand) ?

Une indépendance arrachée de haute lutte

‘‘L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le génie du Roi Léopold II’’ voilà ce que déclare le roi Baudouin à Léopoldville (Kinshasa) le 30 juin 1960, en affirmant que l’indépendance est le sommet de l’œuvre civilisatrice de la Belgique en Afrique. Un beau mensonge, destiné à justifier la colonisation afin de garder une mainmise ‘amicale’ (sic) sur le Congo et à préserver le prestige de la Belgique sur la scène internationale. La vérité, la voilà : l’indépendance du Congo a été acquise au prix de la lutte implacable du peuple congolais et au prix du sang de nombreux combattants de cette indépendance.

Ainsi, le 4 janvier 1959, la foule de Léopoldville s’était attaquée aux symboles du colonialisme, police et armée en tête, après l’interdiction et la répression d’un meeting de l’ABAKO de Joseph Kasa-vubu(1), au prix d’une centaine de morts. Ce n’est qu’après cet événement que la Belgique s’est résolue à l’indépendance, en comprenant qu’elle était incapable d’assumer une lutte prolongée. Avant cette date, l’indépendance était inconcevable à court terme. Ainsi, le professeur Van Bilsen, de l’UCL, parlait alors d’une éventuelle indépendance du Congo par l’intermédiaire d’un plan étalé sur 30 années.

Cette cérémonie du 30 juin à Kinshasa révèle trois choses. Premièrement, la Belgique ne compte nullement abandonner sa mainmise sur le Congo. Deuxièmement, le discours du président Kasa-Vubu montre que la plupart des élites congolaises est prête à vendre cette indépendance que le peuple a obtenue pour quelques privilèges personnels. Le président Kasa-Vubu remercie ainsi Baudouin pour avoir ‘‘aimé et protégé’’ la population du Congo. La troisième chose rétablit la vérité sur l’indépendance du Congo et est révélée dans le discours de Patrice Lumumba(2), qui affirme que ‘‘cette Indépendance (…) nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, une lutte de tous les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans laquelle nous n’avons ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre sang.’’

C’est de ce discours, où Lumumba salue les combattants de l’indépendance, ses ‘‘frères de lutte’’, dont nous nous souviendrons ce 30 juin 2010.

Du colonialisme au néocolonialisme

Comme l’a annoncé Baudouin, la Belgique ne compte pas abandonner ses ‘‘droits’’ sur le Congo et, plus spécifiquement, sur les richesses minières du pays. Quand il se rend compte que Lumumba, le premier ministre, veut vraiment faire profiter les richesses du pays aux Congolais, l’Etat belge décrète sa mise à mort ainsi que celle de son gouvernement nationaliste. Cela se concrétise tout d’abord par un soutien à la sécession du Katanga (où se trouvent la plupart des richesses minières et la puissante Union Minière) et à celle du Sud-Kasai (où se trouvent les ressources diamantifères) et ensuite par l’assassinat de Lumumba et le soutien au Coup d’Etat du général Mobutu.

Le régime mobutiste est un régime de dictature et de terreur instauré avec le soutien de la Belgique et des Etats-Unis, à travers la CIA qui travaillait déjà avec Mobutu depuis plusieurs années. La formule qui dit que ‘‘contre des privilèges personnels, les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays aux intérêts occidentaux’’, se vérifie.

Le régime de Mobutu est soutenu par les puissances occidentales afin de protéger les intérêts économiques occidentaux au Congo (devenu Zaïre en 1971) et pour être la plaque tournante de la CIA contre le ‘‘communisme’’ en Afrique. Ainsi, le Zaïre a par la suite été la base arrière de l’UNITA, qui luttait pour les intérêts occidentaux en Angola contre le Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) au pouvoir.

Grâce à une aide occidentale considérable, le régime de Mobutu peut offrir quelques miettes à la population ; le niveau de vie s’améliore durant quelques années, avec des résultats corrects dans l’éducation par exemple. Mais cette relative et très brève période de réussite n’est due qu’au financement occidental et, quand les régimes occidentaux décident que Mobutu va trop loin et qu’ils le lâchent définitivement après la chute du mur de Berlin et la fin de la ‘‘nécessaire lutte contre le communisme’’, le régime s’effondre.

Dépourvu du soutien occidental, le Zaïre de Mobutu sombre dans le chaos et la violence : Kengo wa Dondo, le chef du gouvernement du parti unique MPR (et actuel président du Sénat), ‘‘remet de l’ordre’’ dans les finances de l’Etat en pratiquant une politique néolibérale brutale, saccageant tous les acquis des travailleurs et de la population et allant même jusqu’à ne plus payer les fonctionnaires. Cette politique engendre une violence généralisée dans le pays et on assiste aux grands pillages opérés par les FAZ (l’armée officielle), qui n’avait plus touché leur salaire depuis longtemps.

Cette période où l’impérialisme lâche Mobutu voit aussi l’organisation de la Conférence nationale souveraine (CNS) sensée opérer une transition démocratique pour le pays. On voit alors ‘‘l’opposant’’ de Mobutu, Etienne Tshisekedi (3) et son UDPS, monter en puissance pour finalement accepter de devenir premier ministre de Mobutu à plusieurs reprises. Cela illustre une fois de plus à quel point les élites congolaises sont prêtes à vendre leur pays pour quelques privilèges.

Les erreurs de Laurent-Désiré Kabila

C’est dans ce contexte d’un Etat chancelant que démarre, en 1996, la guerre de l’AFDL, dont le porte-parole est Laurent-Désiré Kabila, qui tenait son maquis d’inspiration maoïste à Hewa Bora au Sud-Kivu depuis les années ’60. En réalité, derrière cet homme se trouvent les armées rwandaise et ougandaise, désireuses de profiter de la faiblesse du Zaïre pour piller les richesses de l’Est du pays (or, coltan, cassitérite, etc.) et pour traquer les génocidaires hutus de 1994 réfugiés au Zaïre. Vouloir ‘‘libérer’’ le pays avec des armées liées à l’impérialisme dans son dos, voilà la première erreur de Kabila.

La population, qui veut en terminer avec le pouvoir chaotique de Mobutu, accueille favorablement les miliciens de l’AFDL jusqu’à Kinshasa, où le régime passe définitivement aux mains de Kabila le 17 mai 1997. Enfermé dans la théorie maoïste des deux étapes, et redevable envers ses ‘‘amis’’ rwandais, ougandais, angolais, zimbabwéens,… et occidentaux ; Kabila veut accueillir les ‘‘bons’’ capitalistes contre les ‘‘mauvais’’ qui avaient soutenu le régime mobutiste. Il octroie donc des concessions aux sociétés multinationales qui avaient financé la guerre de l’AFDL. Seconde erreur: impossible de libérer un pays du joug de l’impérialisme en l’accueillant à bras ouvert sur son sol ; impossible de développer un pays en permettant à des sociétés assoiffées de profits d’exploiter ses richesses. Un réel développement indépendant passe par la mise sous contrôle des travailleurs des entreprises pour que les richesses produites profitent à la population toute entière, que le développement s’effectue sur base nationale et pour éviter l’exportation des bénéfices vers l’étranger.

Alors que les Congolais avaient accueilli l’AFDL à bras ouverts pour mettre fin au chaos mobutiste et à la dictature de parti unique du MPR ainsi qu’au ‘‘multi-mobutisme’’ instauré avec la CNS (celles-ci avaient permis la création de parti ‘d’opposition’, tous d’anciens mobutistes convertis à la démocratie comme Kengo, Tshisekedi, Karl-i-Bond, etc.), Kabila échoue à intégrer les masses dans un projet révolutionnaire. Les CPP (comités de pouvoir populaire) devaient, à la base, être le centre du pouvoir de Kabila, son instrument démocratique. Mais, au lieu de cela, les CPP jouent rapidement le rôle de courroie de transmission des ordres du haut vers le bas et non de réel pouvoir populaire. Rien d’étonnant : la lutte de Kabila était avant tout une lutte armée plus qu’un mouvement révolutionnaire populaire.

Les caractéristiques principales d’une lutte armée sont de ne pas impliquer toutes les masses pauvres mais seulement les combattants ainsi que d’obéir à un système hiérarchique strict où la démocratie n’a pas place. C’est ce modèle qui s’applique désormais à l’ensemble de la société congolaise. C’est la troisième erreur fondamentale de Kabila et, lorsque les alliés rwandais et ougandais se sont retournés contre l’enfant turbulent Kabila, celui-ci n’a pu compter sur aucune base et s’est retrouvé seul, sans réel appui autre que celui de l’Angola jusqu’à son assassinat en 2001.

Les parrains contre le filleul, le fils contre le gendre

En 1998, Kabila s’émancipe trop de ses parrains, et ceux-ci décident de lancer une nouvelle guerre de ‘‘correction révolutionnaire’’ (sic). Ainsi nait le RCD, où se retrouvent pêle-mêle les anciens cadres de l’AFDL, des anciens FAZ, des membres de l’UDPS,… Bref, toute la clique pro-impérialiste du pays et tous les aventuriers prêts à gagner quelques privilèges contre services rendus à l’impérialisme. En réalité, les armées rwandaises et ougandaises ne tardent pas à se disputer la part du lion. Les troupes s’entretuent à Kisangani et l’Ouganda crée le MLC dirigé par Jean-Pierre Bemba, gendre de Mobutu. Le vieux Kabila assassiné, le fils prend la relève et, quelques millions de morts plus tard (on parle de 4 millions), on arrive aux accords signés à Sun City en 2002, qui prévoient un gouvernement commun Kabila-MLC-RCD et des élections en 2006. Cet accord a été rendu possible car les différentes parties étaient finalement d’accord sur l’essentiel depuis la mort de Kabila : satisfaire les occidentaux en accueillant les institutions financières internationales et répartir les postes de pouvoir. Quel cynisme ! Le fils de l’ancien président Kabila et le gendre de Mobutu (Jean-Pierre Bemba est également le fils de Jeannot Bemba Saolona, ancien président de l’ANEZA – association nationale des entreprises du Zaïre sous Mobutu, le patron des patrons), ensemble pour l’occident et les privilèges.

Les élections donnent Kabila vainqueur et celui-ci réalise la politique voulue par l’impérialisme et les institutions financières internationales. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que Jean-Pierre Bemba aurait réalisé le même programme, voire encore pire, lui qui est le fruit de l’union entre Mobutu et le patronat zaïrois.

Un pays sous tutelle

Aujourd’hui, à qui profitent les richesses du Congo ? Certainement pas à son peuple qui se voit accablé d’une pauvreté extrême. Dans des provinces comme l’Equateur ou le Bandundu, le taux de pauvreté atteint les 90%. Dans l’ensemble du pays, l’espérance de vie atteint péniblement les 54 ans et 1 million de personnes décèdent chaque année du SIDA. Et, en effet, le Congo n’a pas son avenir en main. En acceptant les plans des institutions financières internationales, Joseph Kabila leur a donné les clés de la maison. Aujourd’hui, par exemple, c’est un Canadien qui dirige la Gécamines, ancien fleuron de l’économie zaïroise et société nationale active au Katanga. Celui-ci a pour mission d’octroyer des concessions minières au plus offrant et c’est tout le capitalisme sauvage qui se retrouve au Katanga : du capitaliste belge Georges Forrest aux sociétés chinoises en passant par les multinationales venues d’Inde, du Canada, etc.

Les programmes sociaux d’éducation, de santé,… sont inexistants. Les fonctionnaires ne reçoivent que rarement leur salaire, s’adonnant à la corruption pour survivre. Les infrastructures promises par Kabila dans ses ‘‘5 chantiers’’ sont invisibles. Rester dans le cadre du FMI ne pourra que faire perdurer cette situation : avec la dette immense laissée par Mobutu (pour construire des villas en Suisse, ce que les bailleurs savaient parfaitement), le Club de Paris – les grands créanciers des pays endettés – possède un moyen de pression extraordinaire pour pousser le régime congolais à libéraliser au maximum son économie, faisant ainsi place aux capitalistes qui pillent le pays. Cette question de la dette empêche également le Congo de toute capacité d’action puisque le budget de l’Etat s’en retrouve amoindri.

Pour un Congo véritablement indépendant – Pour un Congo socialiste

50ans après l’indépendance, nous voyons un pays sous tutelle des institutions financières internationales, un pays où la population ne voit pas un franc de ses richesses. En 2011 auront lieu les élections présidentielles et législatives et, quel que soit le vainqueur (Joseph Kabila, un opposant issu du PPRD, du MLC ou de l’UDPS), cet Etat des lieux de changera pas car tous ont la volonté d’être celui qui plaira le plus à l’impérialisme, tous sont prêts à vendre leur pays pour quelques privilèges. Au parlement, tous seront prêts à aller chercher leur enveloppe de dollars pour voter ‘‘comme il faut’’.

La réappropriation du pays passe par la prise en mains de ses richesses par les travailleurs et le peuple tout entier et par la prise en mains par les paysans des grandes concessions octroyées aux amis de Mobutu.

La résolution de la question agraire et la nationalisation des concessions minières, voilà ce qui permettra, grâce au profit immense qu’elles produisent, de dégager de l’argent pour construire les infrastructures nécessaires au développement du pays, pour investir dans l’éducation et dans la santé. Cette nationalisation doit être véritable et démocratique, c’est-à-dire entre les mains de ceux qui y travaillent et aux mains du peuple tout entier et non entre les mains de quelques dirigeants corrompus.

Ce programme doit être réalisé en tenant compte des leçons enseignées par l’Histoire : ne faisons pas confiance aux élites prêtes à vendre le pays pour quelques privilèges ; ne nous allions pas avec des impérialistes, nos intérêts sont opposés ; ne nous allions pas avec des capitalistes, l’appropriation collectives des richesses est le seul gage d’une indépendance réelle ; impliquons les masses au maximum dans ce processus révolutionnaire, elles seules ont la force de résister aux agressions, elles seules peuvent éviter le pouvoir d’une élite corrompue ; la lutte commence au sein des travailleurs des villes par les grèves et les manifestations, la lutte armée n’est qu’un outil périphérique qui, utilisé seul, mène à la dictature.


(*) Ça se termine où (quand) ?

(1) L’ABAKO est l’Association des Bakongos, un parti régionaliste de la province du Bas-Congo dirigé par le président Kasa-vubu (1913-1969) qui représentait les positions pro-occidentales et soutenait la dictature de Mobutu.

(2) Lumumba (1925-1961) était un chef de file du Mouvement national congolais (MNC) qui a remporté les élections en décembre 1959. Opposé à la déclaration d’Indépendance – parrainée par la Belgique – de la riche province du Katanga, il avait fait appel au soutien de l’Union soviétique. La radicalisation de Lumumba a donné lieu à son assassinat soutenu (ou organisé) par l’Occident.

(3) Etienne Tshisekedi a toujours été un « opposant » au service de l’impérialisme. En 1965, il devient ministre de l’Intérieur sous Mobutu et participe, en 1967, à la rédaction de la nouvelle constitution de parti unique et au manifeste de Nsele qui fonde le MPR, Parti-Etat. Ce n’est qu’en 1982 qu’il fonde l’UDPS pour obtenir le pouvoir qu’il voulait partager avec Mobutu mais que celui-ci monopolisait. Lors de la transition ‘‘démocratique’’ et de la CNS, Tshisekedi sera plusieurs fois Premier Ministre de Mobutu comme demandé par les impérialistes qui voulaient le compromis entre ces deux hommes. Après la chute de Mobutu, l’UDPS a en permanence cherché des alliés contre Kabila. En 2006, l’UDPS soutient Jean-Pierre Bemba au second tour de la présidentielle après avoir boycotté l’élection.

 

 

Article par STEPHANE R (Liège)

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