Crise du capitalisme mondial : vers une guerre des monnaies?

Aujourd’hui s’ouvre le sommet du G20 à Séoul, en Corée du Sud. Il y sera beaucoup question de la “guerre des monnaies”. Dans ce dossier tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste, Baptiste revient sur ce phénomène.

 

LA GRANDE RÉCESSION

Les nouvelles économiques que l’on peut lire dans les quotidiens semblent assez contradictoires, soufflant tantôt le chaud, tantôt le froid. Un jour, on parle de retour à la croissance et d’apaisement sur tel marché et, le lendemain, la panique prend place, parfois concernant le même sujet. Ce caractère maniaco-dépressif des dirigeants capitalistes est caractéristique de la crise qu’ils traversent et qui s’est déclarée sur le plan financier dès 2007 déjà. Cela reflète clairement un manque de confiance dans la capacité du système à offrir une perspective de croissance.

Cette crise, la plus importante que le capitalisme ait connue depuis les années ’30 selon une majorité d’économistes sérieux, a eu un impact sur toutes les économies de la planète, aucun pays n’a pu se retrouver sur un ‘‘îlot de croissance’’ isolé. Cela s’est traduit par une diminution du PIB mondial en 2009, une première depuis 65 ans. Mais, en contraste avec la crise de ’29, les gouvernements sont rapidement intervenus, et considérablement, afin de sauver tout ce qui pouvait l’être dans la finance mondiale. Ainsi, le FMI a qualifié la crise actuelle de ‘‘Grande Récession’’, en contraste avec la ‘‘Grande Dépression’’ des années ’30.

Mais ces interventions ont-elles pu sauver l’économie mondiale en résolvant un problème de confiance et en relançant la machine pour un tour ? Rien n’est moins sûr. Le FMI lui-même indique que le risque de rechute est élevé, soulignant que la reprise dans les pays capitalistes avancés est trop faible en comparaison de l’importance de la récession qui a précédé. Ils veulent dire par là qu’une récession d’une telle ampleur aurait du faire le ménage et laisser à sa suite un potentiel de croissance pour un capitalisme assaini. Mais cette croissance ne venant pas réellement (les chiffres positifs ne reflètent que les effets des plans de stimulation et une augmentation des stocks, et il n’y a pas de création d’emplois alors que des millions d’entre eux ont été détruits au cours de la crise), le spectre d’un ‘‘double-dip’’ (une récession à double creux) hante de plus en plus les gouvernements.

 

INJECTION D’ARGENT

C’est la raison pour laquelle les autorités financières des différents pays épuisent encore plus les outils monétaristes de stimulation de l’économie. Les taux d’intérêts sont déjà à 0 ? Alors l’heure est venue d’injecter des milliards de liquidités à travers un ‘‘assouplissement quantitatif’’. Il s’agit pour les autorités financières de racheter des actifs toxiques, c’est-à-dire de donner de l’argent pour des papiers qui ne seront plus solvables, ce qui revient à injecter de l’argent. Des taux d’intérêt à 0 font déjà craindre à eux seuls aux économistes le développement de bulles spéculatives et, du coup, une fébrilité de l’économie. Il ne faut pas demander la fébrilité dont fait acte le capitalisme avec une telle batterie de mesures.

Beaucoup d’économistes n’ont d’ailleurs pas confiance en ce ‘‘quantitative easing’’ pour opérer un coup de rein dans la relance, car trop peu de choses sont connues et ils indiquent que ce ne serait qu’un sparadrap sur une jambe cassée. De fait, la crise a considérablement affaibli le pouvoir d’achat des ménages. Les marxistes peuvent aller plus loin, et avancer que le capitalisme pose ses propres limites à la croissance à travers la crise de surproduction qu’il entraîne. Et quel que soit l’aménagement monétariste des capitalistes, il ne peut en rien résoudre cette crise de surproduction.

 

LES CONTRADICTIONS AUGMENTENT

Entre-temps, la crise a également remis à l’ordre du jour les contradictions inhérentes du capitalisme, des contradictions que la croissance, même faible, du néolibéralisme avait permis de mettre temporairement au frigo. Aujourd’hui, les illusions volent en éclat et ce sont les conflits qui prennent le dessus. La crise de la zone euro a illustré à quel point la coopération entre gouvernements de différents Etats-nation passe à l’arrière plan lorsque les intérêts personnels ne sont plus suffisamment garantis.

Dans son dernier rapport, le FMI met en avant la menace d’une guerre des monnaies, qui illustre le fait que les différents gouvernements sont décidés à mener une bataille pour préserver les intérêts de ‘‘leurs capitalistes’’. Un instrument classique pour stimuler son économie est de réaliser une dévaluation compétitive de sa monnaie. De fait, les marchandises à l’exportation sont du coup moins chers (l’exportation est donc stimulée) et l’importation est plus chère (la production interne est donc stimulée). C’est précisément cette dévaluation compétitive que des pays comme la Grèce n’ont pas été en mesure de réaliser du fait du carcan de l’euro (la solution pour eux était alors de stimuler la production avec de l’austérité).

Mais cette dévaluation compétitive ne fonctionne que si d’autres pays concurrents sur le plan des exportations n’y recourent pas. Car si un second pays dévalue également sa monnaie, les efforts du premier pays se retrouvent annulés.

C’est ce petit jeu de dupes que l’on peut observer aujourd’hui, notamment entre l’euro, le yen, le dollar et le yuan. De la même manière que des voix se sont élevées, notamment du côté du FMI, pour demander à des pays excédentaires comme l’Allemagne de relancer sa demande intérieure, aujourd’hui il est demandé à la Chine de développer sa demande interne. L’idée est les pays qui ont une certaine marge commerciale favorable doivent exploiter cette position de force pour stimuler la demande interne, et finalement donner un marché aux exportations de pays déficitaires.

Cette idée est clairement une illusion. L’excédent commercial chinois est indissociable du taux d’exploitation présent dans le pays et ne peut pas être conjugué à une demande soutenue. Et il est illusoire de croire que les capitalistes allemands vont sacrifier ‘‘leur compétitivité’’ par charité pour les capitalistes qui leur sont concurrents.

 

“ÇA VA FAIRE MAL”

Le titre du rapport du FMI sur l’économie mondiale est ‘‘Est ce que ça va faire mal’’, et ce n’est pas un hasard.

Cela a tout d’une question oratoire, à la réponse connue de tous: le FMI est convaincu que cette crise va faire très mal aux travailleurs et à leurs familles. Quel que soit l’aménagement capitaliste de la crise, il s’agit systématiquement d’un cul de sac pour les travailleurs : ce système n’a plus les moyens de proposer une perspective d’avenir et de bien être pour la société. Le seul agenda présenté est rempli de crises et de précarité. Il y a quelques années encore, les idéologues des classes dirigeantes avaient la possibilité de réciter à tue tête ‘‘There Is No Alternative’’ (TINA, il n’y a pas d’alternative au néolibéralisme). Aujourd’hui, ils ne sont plus du tout dans une telle posture, la crise de leur système illustre qu’aucune issue n’existe dans le capitalisme pour les travailleurs et leur famille.

Un système où les richesses sont produites en fonction des besoins de la population, à travers une planification démocratique de l’économie – c.à.d. le socialisme – est le seul système en mesure d’offrir une réponse aux travailleurs.

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