Les élections présidentielles qui ont eu lieu fin novembre au Congo ont permis de clarifier l’état de la ”transition démocratique” dans le pays. Alors que celles-ci devaient confirmer l’action en faveur de la paix et de la démocratie de la ‘communauté internationale’, celles-ci nous ont permis de vérifier une fois de plus que cette ‘communauté’ est incapable d’apporter la paix, la démocratie ou le développement.
L’avènement de Joseph Kabila
Joseph Kabila a été élu en 2006 en tant que président de la république. Cette élection, conforme aux vœux de la communauté internationale, a pris place dans une situation où le peuple congolais sortait de 10 ans de guerre et d’instabilité politique. Joseph Kabila a pu se forger l’image d’un homme qui a réussi à ramener une relative paix au Congo. Après cette décennie de guerre qui vu mourir 4 à 6 millions de personnes, le peuple n’avait qu’un seul espoir : la paix et le développement. Joseph Kabila a pu s’appuyer sur cet espoir pour asseoir son autorité.
Il a aussi habillement joué sur l’attrait du pouvoir afin d’effacer toute contestation. Il a nommé comme premier Premier Ministre Antoine Gizenga, dirigeant historique du PALU ( le parti lumumbiste unifié- le parti du dirigeant nationaliste Patrice Lumumba héros de l’indépendance).
Son programme comme président faisait écho à cet espoir de paix et de développement et était constitué de 5 chantiers qui devaient fonder son action comme président : l’infrastructure, la création d’emploi, l’éducation, l’eau et l’électricité et la santé. À côté de cela, il y avait la promesse de pacifier le pays, notamment à l’Est, où des groupes armés sévissaient encore.
Les 5 chantiers où la désillusion du peuple
Durant son mandat de 5 ans, Kabila aurait pu mettre à profit les énormes richesses naturelles dont dispose le Congo pour répondre aux besoins sociaux. S’il avait ne fut-ce qu’entamé un pas dans cette direction, il est clair qu’il se serait attiré la sympathie d’une grande partie de la population pauvre des villes et des campagnes.
Au lieu de cela, et conformément à la volonté de ses donneurs d’ordres, il n’a avancé dans aucun des 5 chantiers. D’un côté les richesses naturelles du pays ont été bradées aux compagnies étrangères à la recherche de matière premières en échange de quelques miettes (comme la construction de routes ou de bâtiments publics par ces mêmes compagnies). De l’autre côté, le pouvoir à cherché à écarter toute critique soit par la corruption directe ou indirecte (un député gagne 4 à 5.000 dollars là où la majorité de la population vit avec moins de un dollar par jour), soit par la conclusion d’accord avec ”l’opposition” : il a ainsi pris comme vice Premier ministre l’un des fils de Mobutu, pour s’allier à lui la mouvance Mobutiste.
Les voix dérangeantes pour le pouvoir, comme celle de Floribert Chebeya (représentant de l’association de défense des droits de l’homme ”La voix des sans Voix”), ont été assassinées purement et simplement.
Malgré tout cela, la communauté internationale (ONU, USA, UE,UA,…), en général, mais aussi les politiciens traditionnels belges ont toujours soutenu Kabila. Dernièrement, Louis Michel, interviewé à Matin Première, disait qu’il n’avait jamais soutenu Kabila en lui-même, mais bien le processus de paix et de démocratie au Congo. Ce soutien d’une partie de la classe politique belge, malgré les assassinats et malgré la corruption avérée du régime ainsi que la pauvreté persistante et sévère du peuple, est un élément d’explication de la colère qui s’exprime dans le quartier Matonge à Ixelles.
Pour les Congolais, le processus de pacification et de démocratie est une farce. La MONUC qui est déployée depuis 10 ans au Congo ainsi que l’armée congolaise n’ont pas été capables de sécuriser l’Est du pays. Actuellement, il y a encore une dizaine de groupes armés différents qui circulent dans la région alors que la mission des Nations Unies coûte 1 million par jour.
La coopération au développement belge, alliée indéfectible de Kabila, a réalisé via l’aide au développement certainement bien plus que Kabila lui-même. Cela lui a permis de prendre pour lui le crédit de réalisations pour lesquelles il n’a strictement rien fait
La seule chose où le régime présidentiel excelle vraiment, de même que toute l’actuelle classe politique congolaise, c’est la corruption. Un député travailliste britannique, Eric Joyce, déclarait fin novembre que le gouvernement Kabila aurait ”signé plusieurs contrats miniers pour quelques 5,5 milliards de dollars américains, dans une totale opacité, avec des sociétés fictives immatriculées aux îles Vierges britanniques”. Il ajoutait : ”ces documents prouvent que les ressources naturelles du Congo ne sont pas exploitées comme des sources de revenus légitimes pour le peuple congolais. Des séries d’arrangements complexes entre le gouvernement du Congo et des sociétés fictives des IVB (îles Vierges britanniques, ndlr) font en sorte qu’un petit nombre de personnes s’enrichissent moyennant des pertes énormes pour le reste de la population.” Il a même qualifié la gestion des contrats miniers de scandale du siècle…
Il s’agit de corruption de haut vol mais, dans des conditions matérielles difficiles, c’est l’ensemble de la société congolaise qui est touchée par la corruption. La population pauvre des villes et des campagnes en est la première victime. Certains salaires de fonctionnaires (soldats, enseignants, administrations,…) qui sont déjà faibles, n’arrivent parfois plus depuis des mois. Cela pousse les représentants de l’Etat à rançonner la population. Cette situation de corruption généralisée ne peut être combattue que par un contrôle collectif de la population sur chaque secteur. C’est la seule manière de s’assurer que les richesses produites et la plusvalue de ces richesses vont bien répondre aux besoins sociaux, qui sont immenses.
Les élections présidentielles
Le 28 novembre, les Congolais étaient appelés aux urnes pour élire un nouveau président et une nouvelle assemblée parlementaire. La loi électorale a été modifiée afin de favoriser Kabila. Il a fait passer le système électoral de 2 tours à 1 seul. Il a utilisé les moyens de l’Etat pour sa campagne. Mais ceci est encore superficiel. De nombreux droits démocratiques ont été bafoués durant la campagne, comme des meetings interdits ou attaqué par les forces de l’ordre. Il y a eu une trentaine de morts durant la campagne. Malgré cela, les politiciens belges envoyés comme observateurs internationaux n’ont rien trouvé à redire de ces élections qui, selon eux, se sont bien déroulées, à l’exception de quelques problèmes ça et là… Ce n’est pas l’avis du centre américain Carter, pour qui ces élections ne sont pas crédibles. Marie-France Cros, du quotidien La Libre, est du même avis.
Le retour de ‘l’opposant éternel’
Etienne Tshisekedi qui a été plusieurs fois premier ministre sous Mobutu, a pu profité de la colère et du désespoir d’une partie de la population pour se mettre en avant. Il se présente comme un homme qui lutte depuis toujours pour la démocratie au Congo alors qu’il fait partie de la même classe politique corrompue. Au lieu d’organiser la population pour que celle-ci reprenne le contrôle de l’économie et de toute la société, lui et son parti (Union pour la démocratie et le progrès social) préfèrent instrumentaliser la colère pour tenter de décrocher des postes via la stratégie de la tension.
A ce point, il est difficile de savoir si le but de Tshisekedi est réellement de s’emparer du pouvoir ou de mettre assez de chaos pour pouvoir avoir une bonne place pour lui et son parti dans le prochain gouvernement. Louis Michel préconisait ”l’union nationale”. On verra comment ‘l’opposant éternel’ réagira à cette proposition.
Une perspective socialiste pour le Congo
L’indépendance politique que le Congo a acquis de haute lutte en 1960 ne s’est jamais accompagnée d’une indépendance économique, cela signifie que les droits pour lesquels ont lutté les héros de l’indépendance n’ont jamais été effectifs.
La réaction a, de plus, remporté une grande bataille en installant et en maintenant Mobutu durant une trentaine d’années. Après la chute de celui-ci, encore une fois par la lutte du peuple, il a fallu le temps que l’impérialisme retrouve un pion docile sur lequel s’appuyer dans la région. Ce pion, il l’a trouvé dans la personne de Joseph Kabila. Celui-ci a pu s’imposer par manque de perspectives claires quand à la manière de renverser une dictature chez tous les dirigeants révolutionnaires congolais.
En effet, Kabila-père a cru que par une guerre de guérilla et en s’alliant avec des anti-impérialistes il pourrait garder les rennes du Congo. Il a vite été éliminé du jeu politique. L’impérialisme a trop d’intérêts en jeu au Congo pour pouvoir garantir le minimum démocratique et social à la population. Il faut que les travailleurs et les paysans congolais s’organisent en un parti à caractère ouvrier qui lutte pour que l’économie soit gérée directement par les Congolais, ce qui implique :
- La dissolution de l’assemblée parlementaire actuelle et l’élection dans chaque localité de représentant du peuple. Ces comités doivent avoir une coordination par ville, province et nationalement
- la prise de contrôle par les travailleurs des secteurs miniers afin que les revenus de l’exploitation minière servent au développement du pays tout entier
- le partage des terres via des comités de paysans élu
Ces mesures doivent être accompagnées d’autres pour que chaque secteur soit entièrement sous le contrôle de la population. C’est la seule manière de lutter contre la corruption à tout les niveaux.
Si les Congolais prennent en main leurs richesses, le Congo sera capable d’offrir du travail avec un salaire convenable à l’ensemble de la population. En effet, la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, l’agriculture, sont des domaines où tout reste à faire. Cela permettrait à d’autre pays de la région (Rwanda, Burundi,…) de se développer et de combattre la pauvreté en Afrique centrale ce qui diminuerai du même coup les tensions ethnique.
Les Tunisiens et les Égyptiens. Aucune dictature n’est éternelle. Il faut que les Congolais mettent fin à la dictature, et contribuent à la construction d’une Afrique prospère, démocratique et socialiste, où les secteurs clés de l’économie seront sous le contrôle des travailleurs et des paysans pauvres.
Article par ALAIN (Namur)