Le 9 novembre, un soupir de soulagement a parcouru le monde à l’annonce de la réélection d’Obama. Mitt Romney n’allait pas devenir le nouveau président américain. Les républicains avaient réussi à terrifier le monde avec leur rage d’ultra-droite. Mais l’enthousiasme pour ce nouveau mandat d’Obama est considérablement plus faible qu’en 2008. Ces 4 dernières années, Barack Obama a été vu tel qu’il est : une marionnette de Wall Street et de l’élite américaine, avec un agenda simplement plus doux que celui des républicains.
De ‘l’espoir’ de ‘changement’ au ‘moindre mal’
Par rapport aux élections de 2008, il y a eu 12 millions d’électeurs en moins. Cela déjà en dit long sur le déclin de l’enthousiasme de la population américaine. En 2008, on considérait Obama tel un sauveur qui apportait ‘‘espoir’’ et ‘‘changement’’. Bien des choses se sont passées depuis lors, et il ne représente plus aujourd’hui que le ‘‘moindre mal’’. Il a finalement remporté ces élections malgré son propre bilan présidentiel. Les banques se sont vu offrir des centaines de milliards de dollars, les services sociaux ont été amputés et des millions de familles ont perdu leurs maisons. De nombreux militants anti-guerre avaient voté pour Obama, même s’il a poursuivi l’œuvre guerrière de Bush, et la prison de Guantanamo n’est toujours pas fermée, en dépit de toutes ses promesses.
Près de la moitié de la population (146 millions d’Américains) vit sous le seuil de pauvreté, ou se situe à peine au-dessus. Ce nombre était moindre avant l’arrivée d’Obama. Les riches, par contre, sont devenus encore plus riches. En 2010, 93% de l’augmentation du revenu a été empochée par les 1% les plus riches.
Austérité
La crise a déjà fait de sérieux ravages aux États-Unis, mais le pire est encore à venir. De dramatiques programmes d’assainissement ont jeté à la rue des centaines de milliers de travailleurs des services publics et de l’enseignement en particulier. Mais malgré tous ces efforts budgétaires, le déficit pour 2012 représente environ 7% du PIB du pays. Le gouvernement fédéral a donné toutes sortes de cadeaux fiscaux aux riches, mais n’a pas encore osé présenter toute la facture à la population. Chaque année, les dépenses excèdent les recettes à hauteur de plus de 1.000 milliards de dollars. Obama ne sera plus en mesure de continuer à jouer à cache-cache, il devra appliquer l’austérité et l’agenda de Wall Street, et essayera de faire passer la pilule avec quelques mesures contre les riches, essentiellement de l’ordre de la symbolique. Cela ne suffira toutefois pas pour éviter des manifestations, de larges mouvements sociaux et la radicalisation.
Obama était-il le meilleur à élire ?
Le large soutien dont Obama a encore pu bénéficier est dans une large mesure comparable à celui sur lequel les sociaux-démocrates européens peuvent encore compter, encore et encore, mais avec un succès de moins en moins éclatant. Leur argument principal est la peur de la brutalité de la droite dure. Cette logique a été poussée à son paroxysme aux USA, où l’establishment laisse le choix entre voter pour Pepsi ou pour Coca-Cola, deux variantes d’une seule et même politique. Accepter cette logique aurait signifié à Anvers de mener campagne pour Patrick Janssens afin d’éviter l’élection de Bart De Wever. L’argument porte constamment moins loin.
Tout comme chez nous, il existe aux USA des positions politiques qui pourraient rassembler un très large soutien, mais qui ne sont défendues par aucun grand parti. Il suffit de penser à la défense des soins de santé, de l’augmentation des taxes sur les riches, de la réduction des dépenses en matière de défense ou d’un véritable programme de création d’emplois. Pas moins de 72% des Américains ont déclaré qu’ils envisageraient de voter pour un troisième parti si ce parti reprenait ces questions à son compte, 22% se sont déclarés certains de voter pour lui. Les syndicats ont dépensé environ 500 millions de dollars pour la campagne d’Obama. Ce montant rendrait capable de réaliser une campagne gigantesque pour un candidat qui défendrait réellement le programme des syndicats. Les Démocrates, fossoyeurs du mouvement social
Toutes les réformes majeures obtenues dans l’Histoire américaine n’ont pas été le fruit de l’activité des Démocrates, mais bien le résultat de mouvements de masse. Le Parti Démocrate est devenu un obstacle pour les réformes progressistes de grande envergure et, concrètement, il tente de faire taire les protestations sociales à la première occasion.
Il suffit de comparer le bilan des gouvernements du républicain Richard Nixon et du démocrate Bill Clinton. La politique appliquée par le premier serait considérée comme une politique de gauche aujourd’hui. Il a pris des mesures de protection de l’environnement (création de l’Environmental Protection Agency) et de la sécurité au travail, a mis un terme à l’intervention américaine au Vietnam, a étendu la sécurité sociale et a mis fin à la ségrégation raciale dans les écoles publiques du sud. Le second, quant à lui, s’est attaqué à la sécurité sociale, a laissé carte blanche au secteur financier, a signé une loi défavorable aux homosexuels, a refusé de ratifier de Protocole de Kyoto,…
Ce n’est pas que Richard ‘‘Watergate’’ Nixon était un bon gars comparativement à Clinton. La différence est entièrement due au climat politique et social du moment. Nixon était sous la pression constante et gigantesque d’un mouvement de masse. Clinton, par contre, est devenu président dans les années 90, à l’époque du règne incontesté et sans partage du néolibéralisme. Les conséquences de ses politiques et la déception qui en a résulté constituent la raison par excellence qui explique l’élection de Bush en 2000 et sa réélection par la suite. La logique de soutien au candidat du ‘‘moindre mal’’ entraîne souvent de devoir taire ses critiques, chaque opposition étant de nature à affaiblir la position du ‘‘moindre mal’’ pour ouvrir la voie au ‘‘plus grand mal’’. Cette logique musèle tous les mouvements sociaux. Par conséquent, notre organisation-sœur aux USA, Socialist Alternative, défend le rassemblement de toutes les forces de gauche afin de bâtir un instrument politique indépendant de Wall Street et défendant les intérêts des travailleurs et de leurs familles.
29% pour un candidat marxiste à Seattle !
Kshama Sawant était la candidate de Socialist Alternative dans l’État de Washington. Elle a atteint un résultat réellement historique aux USA en étant capable de regrouper sous son programme 29% des voix de son district au cours d’une âpre lutte électorale pour un siège au parlement de l’Etat.
Sawant a défendu un programme explicitement socialiste, et s’est attiré plus de 20.000 voix. Aux USA, il s’agit du meilleur résultat obtenu depuis de très nombreuses années par un candidat de gauche indépendant. Son résultat constitue une base sur laquelle construire. Après les élections, Socialist Alternative a lancé un appel à tous les militants de gauche (militants du mouvement Occupy, des syndicats, des mouvements sociaux,…) afin de se regrouper sur une liste unitaire dans le cadre des élections municipales de 2013.
Le résultat de Sawant est aussi une réponse fantastique face à l’argument selon lequel les Américains seraient tous de droite et allergiques au socialisme. Nos camarades américains ont réussi à concrétiser les idées du socialisme démocratique et à les populariser en défendant un programme de lutte contre les coupes budgétaires et contre les cadeaux fiscaux pour les riches, la revendication de la nationalisation de Boeing, Microsoft et Amazon (dont les sièges sont à Seattle), etc.
Le journal local The North Star a déclaré le 11/8/12. “Ne nous trompons pas: Sawant et Socialist Alternative ont écrit l’Histoire à Seattle.”
Les autres candidats à ces élections n’ont pas fait le poids face à la machine à fric électorale des Démocrates et des Républicains. Jill Stein du Parti Vert a obtenu 400.000 voix. Le populiste de droite Gary Johnson, candidat du Parti libertarien, a reçu un million de voix. Tout comme les victoires du Tea Party en 2010, ce dernier résultat illustre le potentiel également présent pour les idées populistes de droite.
La polarisation est croissante dans la société. Les contradictions entre classes sociales sont de plus en plus ouvertes et le désespoir est explosif parmi des dizaines de millions de familles de travailleurs. En l’absence d’alternative, il est à craindre que l’extrême droite ne puisse obtenir plus de soutien au cours de la prochaine période. Mais si une initiative de gauche conséquente se développe, alors la polarisation peut aussi conduire à un plus grand soutien pour les solutions réellement socialistes.
Article par BART VANDERSTEENE