Le 8 janvier 2012, l’ANC a célébré ses 100 ans à Bloemfontein. Pour tirer ses profits du sang, de la sueur et des larmes des exploités, le patronat a réduit à rien la vie de millions de personnes. La classe laborieuse a un jour espéré voir l’ANC mettre fin à ce système inégalitaire. En réalité, ce parti contribue à le perpétuer.
Le Congrès National Africain (ANC) a voulu fêter son centenaire toute l’année 2012 durant, malgré les divisions qui le minent de l’intérieur. Pour ce faire, le parti a demandé à la télévision publique sud-africaine de retracer l’histoire du parti, sa lutte contre le colonialisme blanc et le régime d’apartheid ainsi que son rôle d’initiateur. L’histoire est ainsi falsifiée pour redorer le blason d’un parti en sérieuse perte de crédibilité.
En vérité, la lutte anticolonialiste et anti-apartheid n’a pas seulement précédé l’existence de l’ANC mais, pour la majorité des 100 années d’existence du parti, les luttes n’étaient ni initiées, ni supportées activement par celui-ci. Même après son interdiction en 1960, les luttes les plus importantes se sont déroulées sans le concours de l’ANC, que ce soit le réveil de la lutte des classes lors des émeutes de Durban en 1973, la conscientisation politique de la jeunesse lors des émeutes de Soweto en 1976, la fondation du Congrès des syndicats sud-africains (COSATU) ou encore les mouvements insurrectionnels des années 1980. Les masses se sont libérées elles-mêmes et, dans ce processus, ont poussé le régime pro-apartheid à légaliser à nouveau l’existence de l’ANC en craignant, malheureusement à tort, que cela allait susciter une lutte de libération nationale et d’émancipation sociale vis-à-vis du diktat de la minorité blanche et de la classe capitaliste.
Les gens se sont cependant rendu compte que l’ANC n’était autre qu’une formation nationaliste petite-bourgeoise qui ne visait pas au renversement du colonialisme et du capitalisme, mais juste à l’obtention d’une certaine reconnaissance pour les élites noires (des ‘‘autochtones civilisés’’, en somme) au sein d’un système capitaliste légèrement modifié. Les cadres de l’ANC ont si désespérément cherché à être assimilés à la classe capitaliste que, dans les années 1950, ils étaient même prêts à faire des concessions sur le principe ‘‘un homme, une voix’’. Lors des négociations pour mettre fin à l’apartheid, Mandela a proposé que les noirs aient accès à un nombre limité de sièges, ce nombre pouvant augmenter par la suite. L’épineux problème de la réappropriation des moyens de production a été balayé.
C’est, en gros, ce qui a été décidé à la CODESA (COnvention for a DEmocratic South-Africa, négociations visant à mettre fin à l’apartheid) en 1991. L’ANC s’engagea à préserver l’existence du capitalisme en échange de quelques concessions. Ces négociations se sont déroulées dans un climat de tension où la classe ouvrière était prête à s’insurger si jamais le principe d’un vote par personne n’était pas respecté. Une entorse à cette revendication était hors de question et aurait complètement discrédité l’ANC. Au final, l’ANC a décidé de pérenniser la dictature du capitalisme tout en s’assurant que les masses ne puissent la renverser via leurs suffrages. Officiellement, l’Afrique du Sud est une démocratie mais en réalité, les secteurs-clés de l’économie restent entre les mains des classes dirigeantes, perpétuant ainsi la dictature des 1%.
L’ANC a été créée par des noirs, pour défendre les droits des noirs en Afrique du Sud mais principalement ceux de l’élite – patrons, cadres ecclésiastiques et autres bourgeois présents au congrès fondateur. Le parti ne s’est aucunement identifié aux luttes menées par les travailleurs, et pas plus à une pensée socialiste ou anticapitaliste. Ce fut pourtant le ciment des luttes depuis le début du XXe siècle. Ce n’est donc pas par hasard que l’ANC a rejeté l’l’Industrial & Commercial Union (ICU – Syndicat de dockers et ouvriers noirs) créé en 1919, et qui avait pour but de lutter contre le pouvoir du capitalisme blanc. L’ANC les a qualifiés de mouvements de roturiers assassins de la monarchie russe ! Cela faisait bien entendu référence à la révolution bolchevique de 1917 – la première et jusqu’à présent unique révolution socialiste victorieuse de l’histoire – qui a inspiré les travailleurs d’Afrique du Sud et d’ailleurs.
Cet antagonisme vis-à-vis de la classe ouvrière persiste à ce jour malgré le fait qu’une alliance avec les syndicats soit toujours de mise : sans cette alliance, impossible pour l’ANC de rester au pouvoir. En fait, l’émergence de syndicats indépendants, qui allait conduire à la création du COSATU, fut vertement critiquée par les cadres exilés du parti. Mais le COSATU a tout de même été reconnu car il était impossible de l’ignorer : rejeter ce géant à la mer aurait été suicidaire.
Aujourd’hui, avec la trahison des staliniens du Parti Communiste d’Afrique du Sud (SACP), des cadres de l’ANC et des réformistes du COSATU, la classe ouvrière est paralysée face au capital, devant qui ils baissent tous l’échine. L’organisation de la lutte : le plus qui fera la différence
La classe ouvrière devait constituer un seul bloc et résister à son oppression au travers de luttes féroces. Les luttes s’opérant à tous les niveaux sont la preuve que les opprimés peuvent se lever et se battre. L’ANC tente perfidement de canaliser les pauvres, les travailleurs et les jeunes afin qu’ils ne menacent pas l’establishment capitaliste.
Ce n’est pas avec des armes et une guérilla mais bien avec la lutte organisée de la classe ouvrière et de la jeunesse que les capitalistes ont commencé à se faire du souci dans leurs petits crânes. Ce potentiel s’est cristallisé dans les années 1980 avec la naissance du COSATU en 1985.
Les penseurs du capitalisme ont réalisé que le chemin le plus efficace pour endiguer la lutte des masses, c’est de contrôler ses dirigeants, la répression n’était plus suffisante. C’est sur base de ce constat qu’ont commencé les négociations secrètes des représentants du régime capitaliste blanc avec Mandela en prison et Mbeki en exil. L’accord négocié fut concocté de façon à ne produire qu’un ersatz de liberté basé sur le principe du suffrage universel. C’est là l’essence-même de la démocratie bourgeoise, une ‘‘démocratie’’ incapable de résoudre les problèmes de pauvreté, de chômage, d’accès aux soins et à l’éducation pour tous, de logement, d’accès à l’eau, à l’électricité et à des conditions d’hygiène correctes, etc.
Cette démocratie-là ne tient pas compte des pauvres et des travailleurs précaires, mais laisse les capitalistes maximiser leurs profits grâce à la force productive de la classe ouvrière ; jetant les corps meurtris des travailleurs, des pauvres et des jeunes dans l’enfer de la misère.
L’ANC est au pouvoir depuis 18 ans, mais l’exploitation n’a pas disparu
L’ANC a été conçue pour balayer toute différence entre les populations noire et blanche. Aujourd’hui, la distinction demeure pour la grande majorité de la classe ouvrière noire. L’ANC est à la tête d’une société qui, à bien des égards, ressemble au vieux régime de l’apartheid. La disparité entre riches et pauvres est immense et ce n’et pas parce que maintenant il y a aussi des noirs riches qu’il y a égalité.
Le racisme est une arme historique du capitalisme en Afrique du Sud. Lorsque l’ANC est arrivé au pouvoir en 1994, sa direction ne voulait pas renverser le système mais le réformer. Le système capitaliste a été adapté aux nouvelles conditions imposées par les luttes formidables de la classe ouvrière. Mais le racisme demeure un facteur important dans le pays. Le racisme a été supprimé de la loi, mais il continue d’exister dans la vie quotidienne. Les femmes sont encore abusées et violées. La pauvreté absolue frappe de larges couches de la population active.
Seul une Afrique du Sud socialiste démocratique est capable d’offrir une réponse aux attentes des masses. Une révolution socialiste mettrait un terme aux salaires de misère. Le potentiel était déjà grand jadis pour l’arrivée d’une telle révolution. Mais l’histoire nous apprend que la classe ouvrière a besoin d’une direction révolutionnaire pour être en mesure d’aller jusqu’à la victoire.
Tout comme ailleurs, le stalinisme a joué un rôle extrêmement néfaste en Afrique du Sud. Le stalinisme est issu de la dégénérescence de la révolution russe et a conduit à l’affaiblissement des partis révolutionnaires dans le monde entier. De grandes trahisons ont été commises avec la formation d’alliances entre capitalistes et travailleurs. En Afrique du Sud, le cours stalinien a conduit à la fusion de l’ancien Parti Communiste avec l’ANC en 1929. Pour défendre ses intérêts en Union Soviétique, la bureaucratie stalinienne a dans la pratique défendu le régime capitaliste dans le reste du monde.
Au cours de ses 100 ans d’existence, l’ANC a énormément trahi, souvent avec l’assistance du Parti Communiste. Ce parti reste aujourd’hui un éternel coup de poignard dans le dos du mouvement ouvrier.
Renverser le capitalisme
Le capitalisme est en crise. Ce système n’est pas en mesure de permettre à la société de continuer à progresser. La solution consiste à renverser le capitalisme et à le remplacer par un autre, basé sur la domination démocratique de la classe des travailleurs, le socialisme. Cela exige une compréhension consciente des travailleurs, des pauvres et des jeunes du fait qu’un meilleur avenir est possible, mais uniquement grâce au socialisme. Il nous faut des syndicats révolutionnaires, des comités de lutte locaux et des partis politiques basé sur la défense d’un programme socialiste.
Le Mouvement Démocratique Socialiste (DSM) en Afrique du Sud fait partie intégrante de ce combat pour l’instauration du socialisme à travers le monde. En Afrique du Sud, cela signifie de s’opposer à l’ANC, au COSATU et à la direction réformiste et stalinienne du Parti Communiste. Ces organisations disposent encore d’un soutien large, mais leur rôle n’est plus progressiste. Avec patience et détermination, mais convaincrons et donnerons confiance aux travailleurs et aux jeunes pour qu’ils se battent pour un gouvernement des travailleurs.
Article par Thamsanqa Dumezwen