Près d’un million de Vénézuéliens ont défilé dans les rues de Caracas le jeudi 7 mars pour saluer l’homme qui était devenu un symbole, celui d’un processus politique qui a montré que l’on pouvait refuser le diktat néolibéral et mener une politique en faveur des plus pauvres. Détesté par la droite pour avoir redonné vie à l’idée que l’Etat avait le droit de contrôler l’économie et d’y intervenir au nom du bien commun, admiré par les masses pour avoir utilisé la rente pétrolière en investissant dans de nombreuses politiques sociales (notamment dans les soins de santé et l’éducation), il restera à jamais dans les mémoires comme une source d’inspiration pour les jeunes et les travailleurs à travers le monde. Comme l’a dit notre camarade Tony Saunois, ‘‘à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.’’
Chavez a remis à l’avant-plan l’idée de construire une société socialiste en tant qu’alternative au chaos capitaliste. Faisons en sorte que cette idée ne disparaisse pas avec lui ! Transformons la douleur du deuil en une nouvelle étape de la lutte de la classe des travailleurs pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger !
Une nouvelle période
Le Venezuela rentre dans une nouvelle phase et il est difficile de dire quel scénario est le plus probable dans la période à venir. A court terme, il semble que Nicolas Maduro, vice-président de Chavez et président par intérim, sera le candidat du PSUV (le Parti socialiste unifié du Venezuela) et sera élu. Le soutien pour les politiques que Chavez a menées est si fort qu’il sera difficile de revenir dessus sans combat. Les travailleurs et les jeunes les plus conscients n’abandonneront pas facilement ce qui a été conquis durant cette dernière décennie.
Mais en face, la droite est à l’affût. Il est vrai que la force des masses vénézuélienne et la grande augmentation du niveau de conscience de classe dans la société a tellement mis à mal le patronat vénézuélien et ses laquais politiques que beaucoup ont cru (et certains le croient encore) qu’ils avaient disparu à jamais. Pourtant, la droite s’est patiemment reconstruite aussi bien électoralement que dans la rue.
Dépendance au pétrole et économie capitaliste
Selon nous, la faute la plus grave que commet le Chavisme, c’est l’insistance à vouloir à tout prix conclure des compromis et des alliances avec la bourgeoisie, ce qui implique de ne pas rompre définitivement avec le capitalisme. En fait, la politique économique du Chavisme est une politique d’accroissement de l’intervention étatique en faisant en sorte de laisser en place une économie capitaliste mixte. L’exploitation est donc toujours bien présente et les capitalistes gardent la majorité du pouvoir économique dans leurs mains. Le projet d’un ‘‘socialisme du 21ème siècle’’ est donc resté à l’état de slogan malgré l’aspect positif des politiques sociales que sont les missions (des programmes sociaux dans les soins de santé, l’enseignement,…).
Un autre danger est l’énorme dépendance du Venezuela vis-à-vis de sa rente pétrolière. Celle-ci menace les politiques sociales qui ont été menées en cas de baisse du prix du pétrole. Signalons d’ailleurs que le budget de la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA réservé aux missions a baissé de 30% ces dernières années.
Boli-bourgoisie et bureaucratie
Un danger important également est l’existence, au sein du mouvement chaviste, de la bureaucratie et de la ‘‘boli- bourgeoisie’’. La boli-bourgeoisie est composée d’une partie de l’ancienne élite qui a compris les possibilités de profit en se ralliant au chavisme, et également d’une couche de ‘’nouveaux riches ‘’ qui s’est construite directement sur ce processus. Cette couche est loin de vouloir construire le socialisme, elle n’aspire qu’à se transformer en nouvelle classe capitaliste.
La bureaucratie, quant à elle, a également des intérêts étrangers à ceux des travailleurs. La bureaucratie a pour objectif propre le maintien et le développement de ses privilèges. Ce n’est possible qu’à travers un jeu d’équilibriste. D’un côté, elle doit empêcher la droite de revenir (la bureaucratie vivant sur le dos du mouvement chaviste) mais de l’autre côté, elle doit empêcher toute forme de démocratie ouvrière, car celle-ci pourrait mettre à mal sa position parasitaire.
L’absence d’une organisation indépendante et consciente de la classe ouvrière constitue donc une grave faiblesse dans la situation au Venezuela. Une telle organisation pourrait faire émerger des organes de démocratie ouvrière et se mettre à la tête du processus révolutionnaire afin de le tirer à sa conclusion victorieuse : la révolution socialiste. Au lieu de cela, le mouvement chaviste est dirigé du haut vers le bas, sans moyen de contrôle réel de la part de la classe ouvrière. Les méthodes bureaucratiques, autoritaires et de plus en plus répressives peuvent alors se développer.
Transformer le soutien à l’idée du socialisme en une réalité concrète
Pour que les acquis du Chavisme survivent, l’unité de la classe des travailleurs et des pauvres est plus que jamais nécessaire. Si les masses ne reprennent pas le processus dans leurs propres mains, on se dirigera vers un démantèlement des acquis du Chavisme, soit par le retour de la droite au pouvoir, soit des mains même de l’aile droite du mouvement chaviste. Il n’est en effet pas possible de maintenir les mesures sociales en place au Venezuela sans rompre définitivement avec le capitalisme.
Mais nous sommes convaincus qu’il existe toujours une chance pour que le processus se radicalise, ouvrant la possibilité de transformer la volonté de socialisme en mesures socialistes véritables. Pour cela, un programme clairement socialiste sera indispensable.
Un programme socialiste
Un bon début de programme à mettre en place pourrait être :
- L’introduction d’un véritable système de contrôle ouvrier, via des comités de délégués élus et révocables, qui contrôleraient la marche quotidienne des entreprises. L’ouverture des livres de comptes de toutes les entreprises – y compris des entreprises nationalisées – afin d’être inspectées par des comités de travailleurs, pour mettre un terme à la corruption et déraciner la bureaucratie.
- Ces comités doivent être reliés au niveau de leur ville, de leur région et au niveau national. Les entreprises d’Etat doivent être gérées sur base d’un système de gestion démocratique ouvrière, les conseils d’administration de telles entreprises devant être composés de représentants élus des travailleurs de l’industrie, des couches plus larges de la classe ouvrière et des pauvres, et d’un gouvernement ouvrier et paysan. tous les cadres doivent être élus et révocables à tout moment, et ne doivent pas recevoir plus que le salaire moyen d’un ouvrier qualifié.
- L’expropriation des banques, des multinationales et des 100 familles les plus riches qui contrôlent toujours l’économie vénézuélienne, et l’introduction d’un plan socialiste démocratique de production.
- La formation d’une fédération syndicale indépendante et démocratique, avec une direction élue, redevable à et contrôlée par la base des membres. La lutte pur un tel programme est maintenant urgente afin d’insuffler un souffle nouveau dans la révolution vénézuélienne et d’empêcher sa stagnation et la menace de la contre-révolution.
Article par BEN (Hainaut)