Tunisie : Non au gouvernement Larayedh! Grève générale, jusqu’à la chute du régime! Le pouvoir aux travailleurs, aux masses pauvres et à la jeunesse !

Le nouveau gouvernement d’Ali ‘Chevrotine’ n’est qu’une version légèrement édulcorée du précédent. Les Nahdaouis, bien qu’affaiblis, ne s’en iront pas sans une lutte d’arrache-pied imposée par la rue. La crise actuelle du pouvoir est le résultat de la résistance à laquelle la politique de la Troïka est confrontée depuis des mois et des mois par les travailleurs, la jeunesse, les femmes, les masses pauvres des villes, les paysans, les chômeurs, etc. Cette politique n’a contribué qu’à rendre les problèmes quotidiens du plus grand nombre chaque jour pire encore.

Tract du Comité pour une Internationale Ouvrière consacré à la situation en Tunisie et distribué lors du Forum Social Mondial

 

 

“Honte au gouvernement, la jeunesse brûle ”

L’explosion du chômage et le désespoir social poussent les suicides et les dépressions à des niveaux record. Les régions du Sud et du Centre-Ouest continuent de s’enfoncer dans une spirale de misère extrême. Et la clique au pouvoir augmente le prix des carburants, du tabac et de l’électricité, alors que les maigres augmentations de salaires arrachées par les grèves sont déjà rognées par une explosion continue des prix des produits de première nécessité, poussant la survie quotidienne à des niveaux plus que critiques pour de nombreuses familles pauvres.

Pendant ce temps, les nombreux avantages fiscaux et la corruption des grosses fortunes prolifèrent, le pouvoir poursuivant les politiques néolibérales désastreuses de l’ancien régime. La signature d’un accord de “partenariat privilégié” avec l’UE ne va que renforcer la dépendance de l’économie tunisienne aux desiderata des gros groupes capitalistes internationaux. Ennahda, tout comme Nidaa Tounes -repère de partisans de l’ancien régime- sont les deux revers de la même médaille: celle des grands patrons, des multinationales occidentales et des institutions créancières internationales, lesquels poussent tous à reproduire les “normes” qui ont permis à une clique de parasites de s’enrichir en saignant à blanc les travailleurs et le peuple tunisien.

Les créanciers de la Tunisie ont prêté des montagnes d’argent à Ben Ali &Co pour soutenir la dictature, et demandent aujourd’hui au peuple de payer la facture. Le FMI poursuit ses “négociations” avec les autorités tunisiennes afin d’octroyer un prêt d’une valeur de 1,78 milliard de dollars. Celui-ci sera bien sûr conditionné à des mesures drastiques de casse sociale: coupes salariales dans la fonction publique, privatisations à la volée, diminution des subventions sur les produits de base,…

 


Quelques chiffres

 

  • 85% des entreprises tunisiennes évoluent en flagrant délit de fraude du fisc. Un chiffre d’affaires non imposable de 115 milliards de dollars, soit 6 fois et demi le budget de l’Etat 2013
  • Les milliardaires tunisiens expatrient jusqu’à 45% de leur fortune à l’étranger
  • La Tunisie a perdu 39 milliards de dollars US entre 1970-2010 par la fuite illicite de capitaux
  • L’INS a chiffré à 400.000 le nombre de personnes qui basculerait dans la pauvreté dans le cas d’une suppression des subventions alimentaires…

 

Il est temps de faire payer les vrais responsables de notre misère !

Les droits des femmes sont dans la ligne de mire des réactionnaires au pouvoir, comme encore illustrées par les récents propos d’Habib Ellouze sur “l’esthétisme” de l’excision. Pendant que des rappeurs sont arrêtés pour leurs propos dénonçant les abus de la police, de nombreux parents demeurent dans l’ignorance des responsables de la mort de leurs enfants, et des dizaines de blessés continuent de souffrir en attendant désespérément des traitements médicaux appropriés. Des lois répressives datant de Ben Ali sont resservies pour étouffer la liberté d’expression, et l’état d’urgence est prolongé sans fin au mépris des libertés publiques.

L’assaut engagé par les milices nahdaouies contre l’UGTT en décembre dernier avait abouti à la création d’une commission d’enquête. Mais comme celle sur la répression policière sauvage du 9 avril dernier à Tunis, cette commission n’a rien fait pour traduire leurs auteurs en justice; elle a au contraire été essentiellement utilisée pour couvrir leurs exactions.

Briser la résistance de ces milices ne proviendra pas de mesures administratives de bonté venues d’en-haut. Autant demander à un tigre d’être végétarien ! Seule la coordination de groupes d’auto-défense, composés de syndicalistes, de jeunes révolutionnaires, de tout ce que la révolution compte de forces vives, peut faire efficacement face à la violence croissante de la contre-révolution, qu’elle provienne de ces milices ou des forces de l’Etat.

Il faut rapidement un plan d’action pour organiser la riposte, en remettant les questions sociales au cœur de la lutte!

Les mobilisations de rue juste après la mort de Chokri ont clairement démontré de quel côté pèse encore le rapport de forces. La grève générale du 8 février et l’avalanche humaine descendue dans les rues ce jour-là ont poussé le gouvernement et le parti dirigeant dans ses retranchements. La marche qu’Ennahda a organisée une semaine après n’a fait que confirmer l’érosion vertigineuse de la base sociale de ce parti. Même les funérailles du jeune vendeur ambulant qui s’est immolé par le feu il y a deux semaines se sont transformées en manifestation contre le parti au pouvoir.

La grève générale de février a donné une bonne indication de ce qu’il est possible d’accomplir par la mobilisation de masse. Mais celle-ci doit demeurer soutenue, et s’inscrire dans une stratégie mettant à profit l’immense pouvoir potentiel de la rue, et surtout le poids du mouvement ouvrier organisé et de l’UGTT, pour en finir pour de bon avec le pouvoir actuel et avec le système de violence et de misère qu’il entretient.

Il faut préparer sans plus attendre les prochaines étapes du mouvement. Un encouragement rapide à une nouvelle grève générale, si celle-ci s’adresse à toute la masse avec des revendications sociales claires et audacieuses, permettrait de redonner une perspective de lutte à tous ceux et toutes celles qui veulent en finir avec le pouvoir actuel. Une telle grève pourrait être préparée par une tournante de grèves régionales et sectorielles dans les jours qui précèdent, avec une grande campagne de mobilisation et d’agitation tournée vers l’ensemble du peuple tunisien. Pour maximiser son impact, une nouvelle grève générale ne peut se limiter à des mots d’ordre de refus de la violence et de dissolution des milices islamistes. Toutes les questions fondamentales de la révolution sont en jeu ! Fournir des emplois à tous les chômeurs, en finir avec les inégalités régionales, rendre justice aux martyrs, déraciner le vieil appareil d’Etat toujours en place…

Si après une telle grève, Larayedh et son gouvernement n’ont toujours pas compris qu’ils doivent dégager, on pourrait prolonger les actions de grève et les manifs dans les jours suivants, peut-être couplées à l’occupation des lieux de travail, des places publiques, des lycées et des facs, jusqu’à faire plier le pouvoir en place.

Les dirigeants de l’UGTT auraient déjà dû offrir un plan d’action pour poursuivre les mobilisations à la suite du succès de la grève générale, s’appuyant sur le rapport de force ainsi créé pour aller de l’avant et porter le coup de grâce à la Troika. Chercher à éviter la confrontation entre les masses révolutionnaires et le pouvoir n’arrêtera pas le conflit, mais le rendra seulement plus défavorable pour notre camp!

C’est pourquoi il faut s’assurer que le mouvement soit démocratiquement construit par la base. La discussion sur les initiatives à entreprendre et les suites à donner aux actions doit être contrôlée par ceux qui sont en lutte! Encourager la convocation d’assemblées générales partout où c’est possible (dans les entreprises, dans les facs, les écoles, les villages, les quartiers populaires,…) serait un bon appui dans ce sens. De telles assemblées pourraient élire des comités de grève et d’action en leur sein pour prendre la lutte en main à chaque niveau, afin de structurer et coordonner partout le mouvement selon la volonté des masses en lutte. On pourrait ainsi déterminer partout collectivement quelles devraient être les prochaines étapes du mouvement, comment s’organiser contre la contre-révolution,…cela aiderait à construire le rapport de force et le soutien le plus massif possible en prévision des futures batailles.

 

Ne laissons pas la contre-révolution confisquer nos conquêtes! Ne lâchons pas la rue !

Le danger de la contre-révolution (qu’elle se présente sous une forme islamiste ou qu’elle se cache, comme Essebsi et ses alliés, derrière un visage “laïque”) est loin d’avoir été mise hors-jeu. Sans un programme d’action clair pour poursuivre la révolution jusqu’au bout, la contre-révolution peut user du répit ainsi offert pour relever la tête et contre-attaquer. Le meurtre de Chokri Belaïd, les violences répétées contre les bâtiments et les syndicalistes de l’UGTT, et les “listes noires” qui circulent montrent que certains groupes de nervis réactionnaires ne reculeront devant aucune méthode pour briser le coup de la révolution.

“Vous craignez de descendre dans la rue ? si vous saviez ce qui vous attend si vous restez chez vous…” Chokri Belaïd

La misère grandissante dans les quartiers pauvres nourrit le terreau à partir duquel les salafistes et jihadistes embrigadent, surtout parmi des jeunes qui n’ont plus rien à perdre. Les couches de la population pauvre les plus désespérées, si elles ne voient pas d’issue du côté du mouvement syndical et de la gauche, pourraient devenir la proie de ces démagogues réactionnaires. La seule façon dont la classe ouvrière et la jeunesse révolutionnaire peuvent gagner à elles la masse des laissés-pour-compte est de créer un mouvement national puissant capable de lutter pour les revendications de tous les opprimés. Cela implique de lier la nécessaire lutte pour la défense et l’élargissement de tous les droits démocratiques avec le combat sur des problèmes tels que l’emploi, le logement, la vie chère,…Dans le cas contraire, l’érosion du pouvoir nahdaoui pourrait partiellement profiter aux salafistes et à leur surenchère, lesquels pourraient gagner de nouveaux secteurs de la population pauvre, des exclus et des marginalisés à leur cause et les mobiliser contre la révolution. Le pays pourrait glisser dans une spirale de violence dont les masses paieraient le premier prix.

 

Luttons pour un gouvernement issu de la révolution !

Beaucoup de travailleurs et de jeunes ont leurs yeux tournés vers le Front Populaire, dont les militants jouent un rôle courageux et de premier plan dans beaucoup des luttes en cours. La dynamique enclenchée autour du Front Populaire est porteuse d’un grand potentiel pour construire une expression politique aux intérêts des travailleurs et des couches populaires et à leurs luttes.

Cependant, les appels à “l’unité nationale” ou à un “gouvernement de compétences” sont des formules qui manquent de lisibilité et ne donne pas une idée claire sur la marche à suivre pour poursuivre et approfondir la révolution. Elles peuvent entretenir l’illusion qu’un compromis est possible pour parachever la soi-disant “transition démocratique” sans renverser le système en place. Mais un développement social digne de ce nom ainsi qu’une vraie démocratie ne viendront pas tant que les capitalistes, nationaux et étrangers, continuent de piller l’économie du pays. Il n’y a pas d’unité possible avec ces gens-là. L’unique voie possible pour arracher des mesures durables en faveur des masses populaires est de donner le maximum de vigueur et de structuration aux luttes actuelles, pour les coordonner en une vaste offensive révolutionnaire vigoureuse, menant la classe ouvrière, les jeunes et tous les opprimés à prendre le pouvoir et à renverser le système en place. Le succès de la révolution tunisienne est à ce prix!

Dans ce sens, l’appel à un “ Congrès national de Salut” avancé par le Front prendrait tout son sens s’il s’adressait, sans équivoque, aux masses révolutionnaires elles-mêmes: la convocation d’assemblées et l’élection de comités locaux, issus directement des forces militantes de la révolution, des activistes du Front, des couches combatives de l’UGTT et de l’UGET, des jeunes, des chômeurs et militants de l’UDC, etc, dans chaque localité et gouvernorat de la Tunisie, pourraient fournir un contenu concret et révolutionnaire à un tel appel. Le Front Populaire et ses nombreux militants influents aux quatre coins du pays pourraient servir de colonne vertébrale pour mener une campagne énergique dans ce sens.

 

Remettre la lutte pour le socialisme à l’ordre du jour

Certains n’hésitent plus à en appeler à l’institution militaire pour mettre fin à l’état de crise que connait le pays. Beaucoup de soldats du rang, ainsi que certains policiers, se rendent compte qu’ils ne servent que de pions pour les grandes manoeuvres ayant cours dans les états-majors et les hautes sphères du pouvoir. Il faut défendre ouvertement leurs droits à l’insoumission, à refuser d’être utilisés pour réprimer la révolution, et à élire des comités au sein même des forces armées, pour en chasser les individus et les supérieurs indésirables. Issus du peuple et gagnant bien souvent une misère, les soldats et les policiers n’ont rien à gagner en servant les classes possédantes et leurs politiciens dans leurs sièges dorés.

Créant les bases embryonnaires d’une nouvelle société libre et démocratique, l’expérience des nombreux comités de quartier et conseils populaires qui avaient surgi sous différentes formes lors du soulèvement contre Ben Ali avait montré que les meilleures “compétences” pour diriger le pays dans l’intérêt du plus grand nombre sont les masses tunisiennes elles-mêmes.

La coordination à l’échelle locale, régionale puis nationale de comités d’action révolutionnaires, composés de représentants élus et révocables, émergeant directement du mouvement révolutionnaire et disposant de la confiance du peuple en lutte, pourraient fournir l’armature d’un nouveau pouvoir, directement issu de la révolution, capable d’affronter le régime en place et à terme, de se substituer à lui. Ainsi, les décisions politiques, au lieu d’être monopolisées dans un circuit fermé entre Carthage, La Kasbah, Le Bardot et Montplaisir, seraient réappropriées par tous ceux et toutes celles qui ont fait la révolution.

Pour ne pas retomber dans les mêmes impasses que les gouvernements précédents, un tel pouvoir révolutionnaire userait de l’élan ainsi créé pour s’attaquer sans tarder au système économique actuel, en expropriant la poignée de familles capitalistes et de groupes multinationaux qui contrôlent l’économie du pays, et en les mettant sous la gestion et le contrôle de la collectivité: banques, compagnies d’assurance, industries textiles et mécaniques, grandes chaînes touristiques, mines de phosphate, transports, grande distribution,…Sur les bases d’une planification publique des investissements gérée démocratiquement par les travailleurs et la population, les intérêts de l’écrasante majorité du peuple tunisien pourraient enfin être mis au centre des priorités.

Les salariés du transport de carburant ont obtenu récemment une réduction de leurs horaires de travail de 48h hebdomadaires à 40 heures. En généralisant ce type de mesures, en partageant le temps de travail entre tous, avec maintien des salaires, et en engageant un vaste programme d’investissement public répondant aux immenses besoins sociaux, des centaines de milliers d’emplois utiles à la collectivité pourraient ainsi être créés. Mais tout cela entre en conflit avec la logique de profit qui régit le système actuel. Seule la construction d’une société démocratique et socialiste, fondée sur la coopération, la solidarité et la planification des ressources et des techniques, peut libérer les ressources humaines et matérielles nécessaires pour résoudre les problèmes urgents des masses tunisiennes et commencer à concrétiser les objectifs de la révolution. Mise en place, une telle politique serait une source d’inspiration gigantesque pour les travailleurs et les pauvres aux quatres coins du monde. C’est pourquoi tisser de puissants liens avec le mouvement révolutionnaire égyptien, et plus généralement, avec les luttes des travailleurs et des jeunes à l’échelle internationale, sera d’un apport vital dans la perspective de “dégager” le capitalisme et l’impérialisme une bonne fois pour toutes dans les poubelles de l’histoire.

 

  • Ennahda dégage! Pour l’organisation rapide d’une nouvelle grève générale de 24h, à renouveler jusqu’à la chute du régime!
  • Pour la formation de comités de défense par les travailleurs, les jeunes et les masses pauvres, afin d’organiser la protection contre les attaques de la contre-révolution!
  • Stop à l’état d’urgence et à la répression des mouvements sociaux! Pour la défense résolue de toutes les libertés démocratiques!
  • Non aux attaques contre les droits des femmes! Pour l’égalité de traitement à tous les niveaux!
  • Un revenu et un logement décents pour tous et toutes! A bas la vie chère! Pour l’indexation automatique des revenus au coût de la vie!
  • Non aux plans antisociaux du FMI, aux privatisations et à l’austérité! Non au paiement de la dette de Ben Ali!
  • Pour un gouvernement des travailleurs, de la jeunesse et des masses pauvres, appuyée par les organisations de gauche, syndicales et populaires (UGTT, UDC, Front Populaire…)
  • Pour la lutte internationale des jeunes et des travailleurs – contre le capitalisme et l’impérialisme

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