Environnement. Pénurie énergétique et changement climatique : Il faut une planification socialiste pour les énergies alternatives

Un spectre hante le monde – le spectre du changement climatique irréversible. Mais en même temps, le monde est saisi d’une soif désespérée d’énergie. Chaque année, nous générons et utilisons de plus en plus, produisons de nouveaux produits, tandis que les habitants des pays riches sont persuadés de jeter leurs vieux produits. Au Royaume-Uni, la consommation d’énergie est restée à peu près constante pendant les 30 dernières années, parce que presque tous nos biens de consommation sont importés. L’énergie qui est nécessaire à la fabrication de ces produits, par exemple, en Chine, est une des raisons pour lesquelles la demande en énergie s’est tellement accrue. Mais la demande en énergie n’est pas simplement un besoin de l’“Occident avide”.

Au fur et à mesure que les travailleurs des pays en voie de développement s’organise et obtiennent le droit à la parole, ils demandent eux aussi le droit de pouvoir posséder tous ces biens que nous tenons pour indispensables à la vie : des frigos, des lampes électriques, des radiateurs ou climatiseurs.

La construction de routes, de chemins de fer, de logements décents, tout cela demande de l’énergie, même si de nouvelles technologies permettent aujourd’hui de ralentir la croissance de cette demande – par exemple, l’utilisation de téléphones portables nous épargne la nécessité de mettre en place un réseau de câbles téléphoniques ; les ampoules LED consomment beaucoup moins que les ampoules incandescentes traditionnelles.

La concentration de dioxyde de carbone et autres gaz à “effet de serre” dans l’atmosphère terrestre augmente de plus en plus. Cette augmentation de leur concentration va mener à une hausse de la température mondiale, dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’humanité. 87 % de notre énergie dans le monde est produite en brulant des carburants fossiles non-renouvelables – essentiellement le pétrole, le gaz et le charbon –, ce qui génère du dioxyde de carbone.

Au Royaume-Uni, la proportion est presque la même, bien que le gouvernement Con-Dem se soit engagé à ce que 15 % (à peine) de notre énergie provienne de sources d’énergie renouvelables d’ici 2020. Une telle politique qui finalement ne mène à aucun changement, ne peut que nous conduire à la catastrophe.

Les sources d’énergie aujourd’hui

Aujourd’hui, la plupart de notre énergie est produite par de grosses multinationales dont le seul but est une offre sur le court terme et de super profits.

Pour extraire le pétrole, ils passent des contrats avec les seigneurs féodaux du Moyen-Orient, et ils transforment des terres agricoles en déserts pollués. Ce n’est que lorsque la pollution causée par l’extraction du pétrole apparait plus proche de chez eux, comme on l’a vu avec la catastrophe du golfe du Mexique, que les multinationales pétrolières (essentiellement américaines) affichent un tant soit peu de repentir – mais ça ne dure jamais qu’un bref moment.

Cela fait une génération que l’offre mondiale de pétrole est dominée par les dictatures du golfe Persique. L’Arabie saoudite produit ainsi à elle seul le dixième des exportations de pétrole. Cherchant désespérément d’autres sources, les compagnies pétrolières bâtissent des plate-formes pétrolières en haute mer qui forent de plus en plus profond et dans des zones de plus en plus dangereuses.

L’ironie suprême est que le réchauffement climatique lui-même cause la fonte des glaces polaires, ce qui ouvre tout d’un coup l’accès aux immenses gisements de pétrole et de gaz de l’Arctique, ce qui ne peut avoir pour conséquence qu’une hausse encore plus catastrophique de la température mondiale.

L’exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux du nord du Canada, qui est un procédé extrêmement polluant et inefficace, fournit malgré tout 20 % des importations de pétrole américaines. À présent, il y a un projet de démarrer une exploitation qui créera dans le nord du Canada un désert toxique de la taille de l’Arabie saoudite, qui amènera ensuite le pétrole sur la côte Pacifique à l’ouest afin qu’il puisse y être acheminé vers la Chine. Ce projet a déjà provoqué de nombreuses manifestations.

Certains “biocarburants” sont une source alternative d’énergie, mais leur culture implique la destruction d’immenses superficies de forêt tropicale en Amérique latine et la reconversion de terrains aux États-Unis et ailleurs uniquement pour la production de maïs, à fins de biocarburant. Toutes ces terres pourraient à la place être employées pour cultiver des vivriers.

Après le pétrole, le gaz naturel est la deuxième plus grande source d’énergie du Royaume-Uni ; dans le monde, ce combustible est troisième derrière le charbon et le pétrole. Dans les années ’80 et ’90, les Tories ont utilisé les champs de gaz de la mer du Nord pour restaurer leur économie capitaliste en faillite. À présent ces gisements sont presque épuisés. En 2011, les importations de gaz ont excédé la production nationale pour la première fois.

Dans le reste du monde, la production continue de s’accroitre, mais les réserves ne sont évidemment pas inépuisables. En outre, rien ne permet d’empêcher les exportateurs d’augmenter leurs prix sans prévenir (comme l’Opep, Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’avait fait en 1973 en décidant subitement une hausse de +70 %), ou d’éviter de couper totalement leurs fournitures énergétiques, comme la Russie l’a fait subir à l’Ukraine en 2009 en coupant le “robinet à gaz”.

La nouvelle panacée serait à présent la “fracturation hydraulique” – un forage profond dans les couches de schiste géologiques pour en extraire du gaz. Au Royaume-Uni, les ministres Con-Dem ont sauté sur cette occasion pour permettre aux firmes privées de foncer sur ce nouveau créneau, même après qu’une première expérience ait déclenché des séismes mineurs et ait révélé un véritable risque de pollution des eaux souterraines.

Les Tories parlent de gaz “bon marché”, mais le gaz qui sera ainsi produit sera vendu sur le marché mondial ; donc son prix sera aligné sur le prix mondial. De toute manière, un récent rapport indique que le cout de l’extraction par fracturation hydraulique serait plus élevé que le prix mondial actuel du gaz.

Enfin, il y a le charbon. La Chine est le plus grand producteur de charbon mondial. Elle extrait trois fois plus de charbon que les États-Unis et six fois plus que l’Inde, qui sont les deux autres plus grands producteurs mondiaux. Depuis que les Tories ont détruit l’industrie charbonnière britannique dans les années ’80, le Royaume-Uni est contraint d’importer deux fois plus de charbon que ce qu’il en produit.

À l’échelle mondiale, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit, sur base des tendances actuelles, que le charbon sera la plus grande source d’énergie mondiale d’ici 2020, et que si cette tendance continue, le climat mondial connaitrait une hausse de température de 6°C d’ici 2100.

L’énergie nucléaire, qui était généralement considérée il y a 50 ans comme une source d’énergie bon marché et non-polluante, a depuis longtemps perdu de son aura. Les réacteurs nucléaires, utilisant des systèmes conçus pour produire des armes nucléaires, laissent derrière eux des montagnes de déchets radioactifs hautement dangereux.

Au centre de traitement des déchets nucléaires de Sellafield, en Angleterre, le stock de déchets radioactifs est égal en volume à 27 piscines olympiques, et les autorités n’ont aucune idée de quoi faire avec ! (ce serait déjà bien s’ils savaient où se trouve l’ensemble des déchets). On pourrait construire des systèmes qui produisent moins de produits dangereux mais, à nouveau, les gouvernements et les entreprises privées ne sont pas désireux de financer les investissements sur le long terme que cela implique.

Pendant ce temps, la possibilité de systèmes efficaces et non-polluants tels que la fusion nucléaire (plutôt que la fission) semble n’avoir été qu’un mirage, qui s’éloigne au fur et à mesure qu’il parait plus proche.

La capture du carbone ?

Le charbon, le pétrole et le gaz requièrent des procédés de plus en plus chers, dangereux et polluants pour leur extraction, tout en continuant à relâcher de plus en plus de gaz à effet de serre. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone sont passées de 20 gigatonnes par an en 1990 à près de 30 gigatonnes par an aujourd’hui. Neuf gigatonnes sont produits par les seules centrales électriques au charbon.

Le changement climatique ne peut plus être empêché, mais il pourrait être ralenti en capturant une partie du dioxyde de carbone émis et en le stockant quelque part. Mais cela voudrait dire un investissement considérable dans la recherche afin de développer des systèmes adéquats ; cela couterait de l’argent et nuirait aux bénéfices des compagnies énergétiques. Les gouvernements parlent de la nécessité de capturer et stocker le carbone, mais il faut beaucoup plus de recherches ; aussi, le nombre d’installations à capture du carbone actuellement opérationnelles est minuscule si on le compare à l’ampleur du problème.

Il y avait dans le monde en 2011 seize installations à grande échelle de capture du carbone, qui toutes ensemble ne capturaient qu’un millième du carbone généré à l’échelle mondiale. Il est prévu d’en construire plus (surtout en Chine), mais dans de nombreux cas, les investissements gouvernementaux se font longtemps attendre.

Au Royaume-Uni par exemple, l’installation de capture de carbone de Longannet, qui devait capturer environ 1,5 mégatonnes de carbone par an, n’a finalement jamais vu le jour, parce que les propriétaires espagnols de Scottish Power et le gouvernement Con-Dem ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le financement du projet.

Bien que Ed Davey, secrétaire d’État à l’énergie Con-Dem, aime discourir à longueur de temps sur les “formidables opportunités” qui se présentent dans l’industrie de la capture de carbone, il n’y a en ce moment que très peu de recherches effectuées, et aucune installation de capture de carbone à grande échelle n’existe au Royaume-Uni.

Il existe une alternative

Il existe pourtant une alternative à l’accroissement indéfini de l’utilisation de carburants fossiles. En fait, en novembre 2009 déjà, dans un article paru dans la célèbre revue américaine Scientific American, on démontrait que simplement en utilisant la technologie dont nous disposons déjà à l’heure actuelle, il serait possible de satisfaire toute la demande mondiale en énergie, en utilisant des sources d’énergie renouvelables et non-polluantes. Quelles sont ces sources ? Essentiellement les énergies solaire, éolienne, et hydraulique.

L’énergie solaire, générée par des panneaux photovoltaïques, est déjà familière. On la voit un peu partout, sur les calculatrices de poche et sur les toits des maisons. La baisse de cout extrêmement rapide des matériaux nécessaires pour la fabrication des panneaux photovoltaïques rend aujourd’hui possible et compétitive la génération d’énergie solaire à une échelle industrielle.

En Californie par exemple, près de 2 gigawatts d’énergie solaire ont été installés. Cela est d’une part réalisé par des “fermes solaires”, champs de panneaux solaires à grande échelle, et d’autre part, par les nombreuses installations sur les toits des maisons et des entreprises, qui subviennent ainsi à leurs propres besoins.

Cette “génération d’énergie distribuée” a aussi le grand avantage de fortement diminuer le cout du transport de l’électricité. De tels plans ont été adoptés en Allemagne, et c’était également un des objectifs du dernier gouvernement britannique, qui voulait créer une “taxation adaptée” afin d’encourager les firmes solaires britanniques (mais ce plan est passé à la trappe sitôt les Con-Dem au pouvoir).

Bien sûr, la Californie est un cas particulier, vu qu’elle jouit d’un climat idéal, et de centaines d’hectares de désert ; mais l’idée des fermes solaires est reprise sur d’autres continents. Au Ghana par example, un projet d’installation solaire devrait fournir 155 mégawatts – 6 % de la demande énergétique ghanéenne.

Aussi, un immense projet appelé “Desertec”, vise à satisfaire 15 % de la demande énergétique européenne à partir de fermes solaires en Afrique du Nord, acheminée par des câbles sous la Méditerranée. Mais ce projet rencontre beaucoup de critiques. Au premier rang, les Africains qui se demandent pourquoi ils devraient envoyer toute cette électricité en Europe, quand eux-mêmes en ont tellement besoin. Mais il reste tout de même que ce projet démontre que la génération d’énergie solaire à grande échelle est possible.

L’énergie éolienne est devenue la source d’énergie renouvelable la plus diabolisée. Mis à part les mythes selon lesquels les champs éoliens en haute mer terroriseraient les dauphins et tueraient les oiseaux migrateurs, l’énergie éolienne est souvent décrite comme inefficace et chère. En réalité, tout cela est faux.

Une récente étude effectuée par un groupe de recherche très respecté, Cambridge Econometrics, a démontré qu’il est possible d’installer des turbines éoliennes en haute mer qui satisferaient à un quart de la demande énergétique britannique à un cout modique, à peine plus que le cout équivalent d’utilisation de gaz équivalent, tout en créant des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de la construction.

Il faut, il est vrai, des systèmes de stockage de l’énergie pour s’assurer de la fourniture au cas où il n’y a ni vent, ni soleil, mais cela peut être fait.

On entend aussi l’argument comme quoi le régime des vents n’est pas fiable. Moins que les oligarques russes et les sultans arabes ?

L’énergie hydraulique, qui utilise des turbines actionnées par l’eau stockée dans de grands réservoirs (lacs de barrage), est la plus ancienne forme d’énergie renouvelable.

Aux États-Unis dans les années ’30, l’Autorité de la vallée du Tennessee a été instituée en tant qu’agence fédérale hydraulique – suscitant une vive critique de la part des compagnies énergétiques – afin de fournir des emplois et une électricité à bon marché grâce à un réseau d’immenses barrages. En Chine, le barrage des Trois Gorges, qui traverse le fleuve Yangtzi, devrait fournir 22,5 gigawatt. Mais ce barrage a déplacé 1,3 millions d’habitants, et causé de graves dégâts écologiques.

D’un autre côté, l’énergie océanique et marémotrice est une immense ressource mais qui est complètement négligée, surtout si on parle d’une nation insulaire telle que le Royaume-Uni.

En Europe, il n’existe qu’une seule installation marémotrice à grande échelle, celle de l’estuaire de la Rance, en France, qui fonctionne depuis 1966, et génère 240 mW. Mais des projets grandioses tels que celui du barrage maritime de l’estuaire du Severn, censé produire 5 % des besoins énergétiques britanniques, ne sont sans doute pas la meilleure option. Une majorité de l’industrie de la construction pourrait se voir engagée dans ce projet pendant des années, et il pourrait avoir des conséquences environnementales imprévisibles. D’un autre côté, un réseau de générateurs marémoteurs tel que proposé par l’ONG Friends of the Earth, produirait tout autant d’énergie pour beaucoup moins de dégâts écologiques.

Enfin, le développement de générateurs utilisant l’énergie des vagues (ou houlomotrice) est complètement ignorée par le gouvernement et par les entreprises énergétiques.

En fait, dans l’ensemble, très peu d’intérêt est affiché par les gouvernements et les multinationales de l’énergie partout dans le monde pour le développement de systèmes non-polluants.

Bien que la recherche dans de nouvelles technologies encore inconnues puisse offrir des solutions encore plus efficaces dans le futur, et devrait d’ailleurs être financée comme il le faut, il est urgent de s’occuper de ce problème aujourd’hui et maintenant. Au Royaume-Uni, la dépendance obsessive de la part du New Labour et des Tories sur l’industrie privée nous mène droit au pire.

D’un côté, il faut absolument fermer les centrales électriques au charbon qui vomissent des tonnes de dioxyde de carbone dans l’air, d’autant plus étant donné leur âge, vu que que les firmes énergétiques refusent d’investir dans de nouveaux générateurs qui seraient un peu plus propres.

D’un autre côté, nous voyons que les gouvernements ont toujours échoué à maintenir le moindre engagement envers la production d’énergie non-polluante et les économies d’énergie. Ils espèrent pouvoir se baser sur des centrales au gaz, en important du gaze ou en utilisant des procédés polluants et potentiellement très dangereux tels que la fracturation hydraulique.

Quoi qu’il en soit, le prix des combustibles va inévitablement s’accroitre, ce qui veut dire que de plus en plus de gens seront poussés dans la misère de ce fait. Et le chef de l’office de régulation de l’industrie, Ofgen, nous a déjà prédit que dans quelques années, le Royaume-Uni connaitra sans doute des délestages, ce que nous n’avons jamais vu dans le pays depuis la grève des mineurs de 1974.

Que doivent faire les marxistes?

Tout d’abord, nous ne devons pas accorder la moindre confiance au système capitaliste pour nous sortir de la catastrophe qui arrive à grands pas.

Au Royaume-Uni, nous devons réclamer :

  • La fin immédiate des essais de fracturation hydraulique.
  • La renationalisation du secteur de la production et de la distribution d’énergie, afin de permettre la mise en place d’un plan de capture de carbone, et de nous sortir de l’utilisation de combustibles fossiles aussi rapidement que possible.
  • Une reconversion à très grande échelle de l’industrie de la “défense” vers la production de générateurs éoliens et solaires, en nationalisant les grandes compagnies énergétiques quand cela est nécessaire, sans compensation sauf sur base de besoins prouvés.
  • Un programme national d’expansion de la “génération énergétique distribuée” sur chaque nouveau bâtiment construit : à chaque logement et chaque entreprise ses panneaux solaires.
  • Une expansion massive du système de transport public, en particulier des chemins de fer, afin de réduire la pollution par les véhicules qui circulent sur les routes.
  • Un plan massif et public de recherche et de développement dans les systèmes de génération d’énergie marémotrice et houlomotrice.

Dans le monde :

  • Les organisations des travailleurs, des peuples indigènes et des militants écologistes doivent s’opposer à tous les plans de développements désastreux tels que l’extraction des sables bitumineux et les plantations de cultures à “biocarburants”.
  • Il faut soutenir la lutte des peuples des pays à basse altitude, en particulier d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, qui seront contraints à la migration et à l’appauvrissement national à cause de la hausse du niveau de la mer et du changement climatique.
  • Il faut se battre pour un plan énergétique international afin de satisfaire aux besoins de l’humanité en utilisant uniquement les énergies renouvelables.

 

Article par GEOFF JONES

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