Les êtres humains ont radicalement modifié la Terre, adaptant la nature à leur lutte pour survivre et s’épanouir. Le rythme du changement s’est rapidement accéléré avec le développement de l’agriculture et des sociétés de classe. La révolution industrielle et les percées scientifiques et technologiques de l’après-guerre ont atteint une vitesse vertigineuse. Certains disent à présent que nous sommes entrés dans une époque géologique particulière – une nouvelle ère humaine, l’Anthropocène. JESS SPEAR, membre du Socialist Party (CIO-Irlande).
Les êtres humains, qui sont arrivés sur la scène il y a environ un million d’années et qui ont bâti la société industrielle moderne telle que nous la connaissons il y a à peine 50 ans, représentent un moment extrêmement bref parmi les 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Pourtant, à chaque étape du développement de l’humanité, nous avons modifié la nature et donc modifié notre propre évolution, ouvrant la voie à des changements biologiques et sociaux. De la simple agriculture à la découverte et à la production de combustibles fossiles, en passant par le déclenchement de bombes atomiques, notre interaction avec la nature est passée du local au mondial. L’humanité a, sans aucun doute, laissé sa marque sur la planète.
Nous pouvons découvrir à quoi ressemblait la Terre, la forme et la position des continents qui se sont séparés et recombinés tous les 300-500 millions d’années, quelles créatures parcouraient ses mers et ses terres, et quelles plantes recouvraient la surface, en déchiffrant les empreintes chimiques ou physiques de ce qui reste. Et ce que nous avons appris, c’est que la planète n’est jamais statique. La planète – telle que nous la connaissons, le système terrestre composé de roche, d’eau et d’atmosphère dans des cycles d’échange d’énergie constamment interconnectés – a toujours connu des bouleversements, des extinctions massives et le changement climatique. L’histoire de la Terre est pleine de changements radicaux.
Néanmoins, les scientifiques d’aujourd’hui sonnent l’alarme sur le degré de changement dont nous sommes témoins par rapport à ce qui existait avant la société humaine. Les climatologues soulignent le changement rapide des gaz à effet de serre, les biologistes parlent de l’extinction d’un nombre croissant d’espèces, les océanographes de l’acidité croissante de l’océan et les spécialistes des sols de l’épuisement des nutriments et de la dégradation des terres agricoles. L’activité productive de l’humanité étouffe la planète. Le taux d’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) est plus important aujourd’hui que tout ce qui a pu être observé dans l’histoire de la Terre depuis au moins 800.000 ans.
Le changement climatique et la dépression économique, la double crise du capitalisme, ont produit une révolte mondiale croissante et une recherche d’idées et de stratégies pour mettre fin à notre misère et protéger les générations futures. Les mouvements de masse contre l’austérité démontrent que les travailleurs refusent d’accepter un système qui exige des réductions drastiques du niveau de vie pour satisfaire les 1%. Pour la grande majorité des gens qui se rebellent contre l’élite dirigeante, il n’est pas encore clair avec quoi et comment remplacer ce système pourri. Avec la possibilité d’atténuer les conséquences du changement climatique et de prévenir d’autres perturbations qui se rapprochent chaque année, il est de plus en plus important de gagner la classe ouvrière à une alternative socialiste. Seul le socialisme scientifique peut armer la classe ouvrière d’un programme et d’une stratégie pour s’unir et lutter pour mettre fin à la tyrannie de la classe capitaliste. Transférer le pouvoir aux 99% permettra de mettre rapidement en œuvre un plan de développement durable de la société.
Plus de chaleur, plus de problèmes
Nous vivons des vies relativement brèves. Avec seulement un peu moins d’un siècle comme point de référence, notre perspective sur les changements planétaires est d’autant plus étroite. Il faut ajouter à cela que la Terre est plutôt grande, de sorte que nous ne remarquons pas les effets cumulés de la déforestation, du recul des glaciers et des amoncellements massifs de déchets dans les gyres océaniques du Pacifique et de l’Atlantique. L’augmentation de la température de la Terre de près d’un degré Celsius n’a pratiquement aucune signification pour des communautés qui connaissent quotidiennement de plus grandes fluctuations.
Que nous ayons déterré et brûlé tant de carbone, modifiant chimiquement l’air que nous respirons, qu’il y ait maintenant 400 molécules de CO2 pour chaque million de molécules d’air – un niveau qui n’avait peut-être pas été observé au cours des 25 derniers millions d’années – est généralement imperceptible. Pourtant, malgré notre incapacité à percevoir la transformation radicale de notre atmosphère et le niveau général d’inconscience que la plupart des pays développés ont lorsqu’il s’agit de destruction environnementale et de pollution, nous atteignons néanmoins des seuils critiques.
Les conséquences de la production de combustibles fossiles sont connues depuis longtemps. Dès 1896, Svante Arrhenius publiait un article détaillant comment le CO2 absorbe la lumière réfléchie par la surface de la Terre, l’empêchant de s’échapper du système terrestre (c’est-à-dire l’effet de serre). À la fin des années 1950, Charles Keeling a commencé à mesurer la concentration de CO2 dans l’atmosphère. En l’espace de quelques années, il a fait la découverte surprenante que non seulement il y avait des fluctuations saisonnières du CO2 liées aux plantes qui l’absorbent, puis le rejettent dans l’atmosphère par décomposition, mais que la concentration globale augmentait rapidement chaque année. La courbe de Keeling – qui ne cesse de croître à mesure que les données s’ajoutent à un enregistrement continu de 1958 à aujourd’hui – est considérée comme la première preuve que l’activité industrielle a transformé la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.
Pourtant, c’est l’appauvrissement dramatique et rapide des couches de glace de la Terre qui fait figure de canari dans la mine de charbon. La nouvelle de l’an dernier (2014) selon laquelle la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental s’est déstabilisée et devrait se désintégrer au cours des siècles à venir aurait dû susciter une réaction immédiate de la part des dirigeants mondiaux. La calotte glaciaire contient assez d’eau pour élever le niveau de la mer d’environ 3,3 mètres ! Il n’y a aucun moyen d’empêcher sa disparition. Il faut nous adapter à la montée des mers. A cela s’ajoute le fait qu’une partie de la calotte glaciaire du Groenland, qui contient l’équivalent d’un demi-mètre d’élévation du niveau mondial de la mer, fond également rapidement. La glace de mer de l’Arctique a également été considérablement réduite, et les scientifiques s’attendent à ce que l’Arctique soit libre de glace dès l’été 2020.
Les glaciers et les calottes glaciaires de la Terre agissent comme un climatiseur global, gardant la planète plus fraîche qu’elle ne le serait autrement en réfléchissant la lumière du soleil. La perte de la glace terrestre ne fera pas qu’élever le niveau de la mer, déplaçant de ce fait plus d’un milliard de personnes qui vivent sur les côtes les plus basses. Cela perturbera encore davantage le climat, en agissant comme une rétroaction positive qui renforcera le réchauffement de la planète. À mesure que la glace fond, la Terre absorbe plus de chaleur, ce qui entraîne plus de fonte des glaces, et ainsi de suite.
Pour la plupart des gens, les changements climatiques sont liés à des étés plus chauds et à des phénomènes météorologiques extrêmes. Nous ne parlons pas ici seulement de notre avenir – qui va sans aucun doute devenir plus chaud, avec des phénomènes climatiques plus intenses – mais de notre situation actuelle. 2015 (ndT : année de rédaction de cet article) devrait être l’année la plus chaude jamais enregistrée. Nous avons maintenant atteint la marque d’un degré (au-dessus des niveaux préindustriels) pour l’augmentation moyenne de la température mondiale (en hausse de 0,85 degré). Cette chaleur supplémentaire a produit des vagues de chaleur, des inondations soudaines et des événements météorologiques mortels qui nous obligent à reconnaître que les perturbations climatiques ne sont pas seulement un sujet de débat et de discussion pour les générations futures. Le changement climatique est notre présent.
En 2003, on estimait à 70.000 le nombre de personnes décédées des suites de la canicule qui a frappé l’Europe. Depuis les années 1960, les phénomènes météorologiques extrêmes ont plus que triplé, tuant environ 60.000 personnes par an, la plupart originaires de pays sous-développés. L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’en l’absence d’efforts pour atténuer le réchauffement climatique, on peut s’attendre à ce qu’un quart de million de personnes supplémentaires soient tuées par les effets du changement climatique entre 2030 et 2050.
Malgré ce à quoi nous pouvons déjà nous attendre, il est important de garder à l’esprit que l’ampleur même du problème du changement climatique mondial actuel provient d’une légère augmentation de la température mondiale. Juste un degré Celsius. Imaginez l’impact qu’aura une autre augmentation d’un degré pour nous, l’environnement qui nous soutient et le système terrestre lui-même !
Bienvenue à l’Anthropocène
L’altération de notre planète par rapport à l’activité humaine, du sommet de l’atmosphère jusqu’au fond de l’océan, est si importante qu’un nombre croissant de scientifiques qui étudient l’histoire et le système terrestre se demandent si nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène (anthropo – humain, cène – nouveau), ou peut-être y sommes-nous depuis des siècles et ne le savions simplement pas.
Proposer une nouvelle époque géologique, ce n’est pas simplement ajouter une date et un nom à l’échelle de temps géologique, qui s’étend sur 4,5 milliards d’années, de la formation du système solaire à nos jours. En fait, l’échelle de temps géologique elle-même n’est pas simplement une liste de dates et de noms. C’est aussi un outil – une mesure couramment utilisée par les scientifiques pour comprendre comment les changements survenus sur notre planète depuis sa naissance jusqu’à maintenant se sont produits.
Les éons, les ères et les époques qui la composent se distinguent par des changements rapides sur toute la planète. L’acceptation de l’anthropocène comme nouvelle époque est donc une question de savoir si l’impact de l’humanité est brusque, perceptible globalement et indéniablement différent de l’époque précédente, l’Holocène (et avant cela, le Pléistocène). En d’autres termes, l’activité humaine a-t-elle fondamentalement perturbé le système terrestre de telle sorte qu’on peut le voir dans les roches, l’eau et l’atmosphère, et que même les futurs scientifiques pourront le voir ?
Les partisans de l’ajout de la nouvelle époque à l’échelle de temps géologique ne s’entendent pas sur la date exacte du début de l’Anthropocène. Les trois dates actuellement débattues – il y a 8 000 ans, la révolution industrielle et 1945 – représentent des jalons sur le chemin de la civilisation lorsque l’humanité a découvert et appliqué de nouvelles façons de modifier la nature pour satisfaire nos besoins fondamentaux. Certains affirment qu’elle a commencé il y a environ 8 000 ans, lorsque les humains ont commencé à défricher les forêts et à faire de la riziculture, ce qui a modifié la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre.
D’autres soutiennent que l’anthropocène a réellement commencé au début de la révolution industrielle lorsque l’utilisation généralisée des combustibles fossiles a commencé à perturber le système terrestre, ce qui a entraîné les effets dont nous sommes témoins aujourd’hui et dont nous ferons l’expérience dans l’avenir. Les essais à grande échelle de la bombe atomique, à commencer par le test de la Trinité en 1945, sont la dernière date proposée. Elle est soutenue non pas parce que les essais de bombes atomiques ont eux-mêmes perturbé le système terrestre – sans oublier que les scientifiques ont mis en garde contre les dangers d’un ‘‘hiver atomique’’ induit par la guerre nucléaire – mais parce que les bombes atomiques laissent une empreinte globale facilement visible et mesurable, et les essais de bombes atomiques marquent la montée du capitalisme américain dans sa période sans précédent d’expansion.
Toutefois, à la différence des précédentes modifications de l’échelle de temps géologique, ces propositions ont des implications politiques et sociales. Que les scientifiques suggèrent une nouvelle époque marquée par des altérations causées par l’homme a été perçue à juste titre par de nombreux écologistes comme preuve concrète que nous sommes en train de modifier radicalement la planète.
La réaction de la gauche a été un mélange de confusion et d’amalgames entre le débat scientifique et la réponse politique à livrer. Certains anticapitalistes mettent la faute sur le nom de l’époque. Ils affirment que le fait de se concentrer sur les humains, et donc d’insinuer que tous les humains sont responsables, cache la véritable racine des changements rapides qui se produisent : à savoir, le capitalisme. Pour d’autres, en particulier les écologistes ‘‘vert foncé’’ (ndT : les écologistes ‘‘profonds’’), c’est la preuve que l’humanité est largement sociopathe – comment osons-nous nommer une époque d’après les humains ! – et que c’est vraiment la civilisation toute entière qui pose problème.
Ces arguments découlent soit d’un malentendu, soit d’un manque de compréhension de la façon dont l’humanité et la société humaine se sont développées au cours du dernier million d’années. Une analyse matérialiste historique de l’histoire et de la préhistoire humaines est en fait la clé pour ouvrir la porte à notre avenir durable.
Le changement est constant
‘‘L’histoire peut être vue de deux côtés : elle peut être divisée en histoire de la nature et en histoire de l’Homme. Les deux parties ne doivent cependant pas être considérées comme des entités indépendantes. Depuis que l’homme existe, la nature et l’homme s’influencent mutuellement’’, écrivent Karl Marx et Friedrich Engels dans ‘‘L’Idéologie Allemande’’ (1846). Beaucoup de membres du mouvement environnemental, cependant, croient que nous ne pouvons pas interagir dans la nature sans causer de dommages parce que nous, les humains, sommes séparés de la nature. Cet argument est repris dans un livre écrit par le leader environnemental et fondateur de 350.org, Bill McKibben, ‘‘La Fin de la Nature’’ (1989).
Tout comme ‘‘Printemps Silencieux’’ de Rachel Carson (1962), le livre de McKibben est considéré comme l’un des premiers à avertir l’humanité des dangers du réchauffement planétaire. McKibben n’y met pas seulement en garde contre la pollution par le carbone, il affirme avec passion que l’humanité a détruit la nature, que ‘‘nous avons mis fin à ce qui, du moins dans les temps modernes, a défini pour nous la nature – sa séparation de la société humaine’’. Nous avons modifié la chimie de l’atmosphère, affirme-t-il, de sorte qu’il n’y a pas d’endroit sur Terre où l’on puisse voyager sans être touché par l’humanité.
Pourtant, notre ‘‘séparation de la nature’’ est un phénomène récent, un produit du capitalisme, qui combine le travail salarié et la production sociale pour le profit privé, séparant les humains de la Terre sur laquelle ils travaillent pour se nourrir. Pendant la plus grande partie de l’existence humaine, nous avons été intimement liés à la Terre, nous avons appris et accumulé des connaissances sur ses changements saisonniers et nous en avons fait l’expérience dans le cadre de notre existence, même si nous n’avons pas compris ses forces motrices. Comme l’explique Marx, ‘‘l’homme vit de la nature, c’est-à-dire que la nature est son corps, et il doit maintenir un dialogue continu avec elle s’il ne veut pas mourir’’. Ainsi, la conception que nous sommes soi-disant séparés de la nature est également récente, et est liée au développement du capitalisme.
L’idée que c’est la société industrielle moderne qui pose problème, et que l’on devrait retourner à la production directe de la Terre, est à la fois trop simpliste et ahistorique. Elle extrait la civilisation de l’histoire de l’humanité et mesure son impact en se basant sur la situation présumée meilleure qui existait avant la civilisation – pour la Terre peut-être, mais clairement pas pour les humains car nous mourrions alors de toutes sortes de problèmes de santé qui peuvent maintenant être traités et évités.
De plus, cette idée ignore que les humains prémodernes ont aussi grandement modifié la Terre. Depuis que nous avons inventé les bateaux (il y a plus de 10.000 ans) et que les gens ont traversé les mers, d’abord à la recherche de nourriture, puis pour la conquête impérialiste et/ou en quête de liberté religieuse, nous avons transporté sans le savoir (mais aussi souvent en connaissance de cause) des espèces d’un bout à l’autre de la Terre, modifiant radicalement les écosystèmes, faisant prospérer certaines espèces dans de nouveaux environnements et d’autres disparaissant. Les partisans de la date la plus précoce comme début de l’Anthropocène soutiendraient que l’avènement de l’agriculture à la fin de la dernière période glaciaire a même modifié la chimie de l’atmosphère, preuve que les humains changeaient radicalement la planète dès 8.000 ans en arrière.
De plus, nous ne sommes même pas la première espèce à transformer l’atmosphère. Pour donner un exemple extrême, il y a environ 2,7 milliards d’années, des cyanobactéries (également appelées algues bleu-vert) sont apparues, devenant les premiers organismes à photosynthétiser et à produire de l’oxygène comme sous-produit. Avant qu’ils n’évoluent et ne commencent à pomper de l’oxygène, il n’y avait pratiquement pas d’oxygène dans l’atmosphère. Sans cyanobactéries, nous n’existerions pas.
L’interaction avec la nature sans l’altérer est impossible. Les organismes vivants doivent échanger du matériel avec la Terre pour vivre, influençant ainsi leur environnement, leur évolution et celle des autres. Comme l’écrivent Richard Levins et Richard Lewontin dans ‘‘Le Biologiste Dialectique’’ (1985), ‘‘l’environnement et l’organisme se déterminent mutuellement’’. Mais si toutes les espèces ont un impact sur la nature d’une manière ou d’une autre, sommes-nous, avec notre population croissante et notre activité industrielle extensive, relégués au rôle de destructeurs perpétuels de la nature ?
Avec ou sans la planète ?
Notre capacité à comprendre l’impact que nous avons sur la planète, que cela aura des conséquences négatives pour nous à court et à long terme, et les décisions que nous prenons pour changer le cours de l’histoire, est ce qui nous distingue des cyanobactéries et autres organismes. Le travail n’est pas seulement une source de richesse. C’est aussi ce qui a créé l’humanité, la pensée consciente, la planification consciente et l’accumulation de connaissances.
L’avènement des outils, et avec lui le co-développement de l’esprit, l’activité sociale de la chasse et la création du langage, nous ont mis sur la voie de la production de surplus alimentaires, base même de la société de classe, de la civilisation et de la compréhension scientifique. Bref, toute l’histoire de l’humanité peut se résumer à l’organisation du travail et de la technique, et aux changements simultanés dans la culture, la société et notre environnement.
Lorsque le capitalisme a remplacé le féodalisme, il a commencé le long processus d’éloignement d’une partie toujours plus grande de la population des fermes vers les usines et les villes, et a changé nos idées sur la nature par rapport à nous-mêmes. Nous ne nous considérions plus comme faisant partie de la nature, mais comme des êtres séparés. Pour les capitalistes, la nature est devenue une source de richesse libre qui, moulée par le travail humain, a produit d’énormes profits pour eux. Pour la nouvelle classe ouvrière, aliénée de la nature, le déchirement de la Terre pour les matières premières, le déversement de toxines dans les rivières et le ciel de suie au-dessus des centres urbains, représentaient une attaque contre la nature, une dégradation d’espaces autrefois beaux. A chaque moment alors que l’humanité passait de la révolution agricole à la révolution industrielle, nos idées sur nous-mêmes par rapport à la nature ont changé.
Vers un avenir socialiste
‘‘Nous ne voulons pas seulement une amélioration de la société actuelle, mais l’établissement d’une nouvelle société’’ (Engels, cité par John Green dans ‘‘Une Vie Révolutionnaire’’, 2008). Le capitalisme a maintenant dépassé son utilité pour l’humanité. Il détruit l’environnement, perturbe notre climat et relègue un milliard de personnes à la mort lente pour causes de faim et de malnutrition. Personne ne pourrait prétendre qu’un système fondé sur le profit résoudra un problème dont il dépend pour exister. Le capitalisme ne peut pas offrir les moyens de rétablir l’équilibre écologique parce qu’il n’accorde aucune valeur à la nature. Pourtant, pour jeter toute la civilisation moderne, encouragée par l’immense richesse, la technologie, et les ressources développées par le capitalisme, à la poubelle, comme certains le suggèrent, parce qu’elle a aussi produit la destruction de l’environnement, c’est ignorer le potentiel, également créé par ce système, de créer un avenir durable.
Lorsque le capitalisme a triomphé du féodalisme, il a libéré la science des limites de la religion qui cherchait à étouffer les découvertes qui remettaient en question son pouvoir. Le développement de la technique capitaliste, de la production socialisée, de la division du travail et de la machinerie exigeait des avancées majeures dans la science. Et bien que l’investissement dans la recherche scientifique soit principalement axé sur les moyens de maximiser davantage les profits, la classe dirigeante d’aujourd’hui ne peut pas non plus retenir les découvertes qui finissent par saper son autorité. Qu’il s’agisse de plastique fabriqué à partir de pelures de banane ou de routes solaires, la science appliquée aux problèmes environnementaux et sociaux érode l’autorité de ceux qui défendent que les combustibles fossiles sont nécessaires.
Le capitalisme a aussi développé la force qui a le pouvoir de libérer toute l’humanité : la classe ouvrière. Comme le capitalisme a forcé les gens à quitter leurs terres et à travailler principalement dans les villes, il a créé la force qui a l’intérêt commun et le potentiel de la renverser et de créer une société qui bénéficie à la majorité. Tout autour de nous, nous voyons la classe ouvrière se lever et exiger des changements parce que, non seulement le capitalisme freine la transition vers les énergies renouvelables, mais il refuse aussi d’investir dans la société.
La recherche de profits pousse toutes les grandes sociétés et les petites entreprises à se faire concurrence pour obtenir une part du marché, à faire baisser les salaires, à réduire les avantages sociaux et à menacer de ruiner l’économie en réduisant les impôts. Le capitalisme n’est plus capable de cultiver suffisamment de réserves pour offrir à la classe ouvrière une part des bénéfices. L’élite dirigeante mondiale n’a aucune idée de la manière de faire pour restaurer la croissance économique et en même temps assurer le paiement de leurs énormes dettes.
Les mouvements anti-austérité, de l’Irlande à l’Espagne en passant par la classe ouvrière héroïque en Grèce, ont refusé d’accepter leur sort. Les protestations contre les accords commerciaux – le Partenariat transpacifique et le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement – révèlent que les travailleurs comprennent que les entreprises cherchent à cimenter leur domination dans le droit international, ignorant les besoins des gens et de la planète.
Surmonter un système qui repose sur l’exploitation de nous tous, qui nous sépare de la nature et qui nous conduit vers un avenir totalement insoutenable, commence avant tout par le rejet de ses idées. Si nous limitons ce qu’est l’humanité, ignorons ce qu’elle était et, surtout, ne comprenons pas comment elle est passée de l’une à l’autre, alors nous rejetons effectivement l’idée que nous avons évolué et, surtout, que nous sommes toujours en train d’évoluer.
L’état de la planète au cours de l’Anthropocène, que nous acceptions la date de début au plus tôt ou au plus tard, est celui du changement constant. Notre évolution de chasseurs-cueilleurs à la société industrielle moderne a impliqué une interaction constante avec notre environnement. Il nous a façonnés. Nous l’avons façonnée. Grâce à ce processus, nous avons développé des idées sur ce que nous sommes, ce qu’est notre environnement et nos relations les uns avec les autres. L’humanité, avec toutes les connaissances et l’expérience accumulées par les générations passées, a également développé au cours de cette période la capacité d’aller finalement au-delà de la simple survie pour vivre réellement.
Les vastes ressources, la technologie, la richesse et l’ingéniosité humaine pourraient être exploitées et dirigées vers l’élimination des afflictions inutiles, l’élévation du niveau de vie dans le monde et la réalisation d’un équilibre écologique. Si nous saisissons ce fait et l’utilisons pour informer nos actions, alors nous pouvons prendre le contrôle des changements qui se produisent aujourd’hui et qui se produiront à l’avenir. Cette vision a le potentiel d’unir la classe ouvrière dans sa tâche historique de renverser le capitalisme. Nous sommes devant un précipice duquel nous pouvons choisir de sauter, en espérant que le capitalisme trouvera un moyen de tirer profit de la construction d’un filet de sécurité, ou nous pouvons nous approprier les outils, la technologie et les ressources pour construire un pont vers un avenir socialiste.