Aux origines du 8 mars – Clara Zetkin, figure du féminisme socialiste international

Clara Zetkin demeure une figure inspirante dans l’histoire du socialisme et de la lutte pour l’émancipation des femmes. Ayant vécu au milieu du 19e siècle jusque dans les années ‘30, elle a participé à des événements historiques et politiques marquants. Elle a bravé les interdictions sociales et politiques pour stimuler les femmes de la classe ouvrière à se politiser et à s’organiser. Elle est également l’une des initiatrices de la Journée internationale de lutte pour l’émancipation des femmes du 8 mars.

Par Laura (Bruxelles)

Clara naît en Allemagne en 1857 au sein d’une famille aisée. Vivant dans une région tournée sur l’industrie textile, elle est rapidement confrontée à la misère des paysannes et tisserandes, ce qui la conduit à s’intéresser aux conditions de vie des femmes et aux luttes sociales. Pendant ses études d’enseignante, elle participe à des réunions de femmes allemandes militant pour l’éducation et l’accès au droit de vote des femmes.

Plus tard, elle découvre les idées marxistes et fréquente les cercles ouvriers socialistes. Elle y rencontre son premier compagnon, Ossip Zetkin. Elle rejoint en 1878 le Parti socialiste ouvrier allemand alors que les nouvelles “lois socialistes” interdisent toutes activités politiques socialistes. Malgré le travail clandestin, les idées féministes et socialistes de Zetkin la mènent à écrire des publications engagées. Elle devient rapidement une figure influente parmi les ouvrières en Allemagne.

Suivant son compagnon expulsé d’Allemagne, elle s’installe à Paris où ils ont deux enfants, connaît la pauvreté et découvre le poids de la double journée de travail vécue par de nombreuses femmes. En 1889, à la mort de son compagnon, elle se retrouve seule avec deux enfants à charge et doit cumuler plusieurs emplois pour subvenir à leurs besoins.

Lutte pour l’indépendance financière

Cette expérience renforce sa position sur l’importance du travail salarié des femmes. Elle place au centre de son combat pour l’émancipation des femmes la lutte pour leur indépendance économique. Même si le sujet avait déjà été soulevé par Marx, cette idée reste alors controversée au sein des organisations de gauche. Le travail des femmes est considéré par beaucoup comme une concurrence au travail des hommes entraînant une baisse des salaires et dégradant les conditions de vie.

Dans ce contexte, convaincre les organisations de la classe ouvrière de l’importance du travail des femmes – et de leur organisation syndicale et politique – a été le combat de Clara Zetkin. En 1889, elle écrit “Il n’est pas permis à ceux qui combattent pour la libération de tout le genre humain de condamner la moitié de l’humanité à l’esclavage politique et social par le biais de la dépendance économique.”

Organiser les travailleuses, la place des femmes est dans la lutte !

Malgré une résistance dans les directions des partis ouvriers, Clara Zetkin développe des stratégies spécifiques pour organiser les femmes au sein du mouvement socialiste. Lors du Congrès de fondation de la Deuxième internationale (1889), elle annonce sa position : “L’émancipation des femmes implique une modification complète de leur position sociale, une révolution de leur rôle dans la vie économique.” Convaincue que la libération des femmes n’est possible qu’avec la construction d’une société socialiste, elle défend également l’idée que le socialisme ne peut exister sans implication des femmes dans les luttes.

De retour en Allemagne après la suppression des “lois socialistes”, elle fonde un journal appelé “L’Égalité”. Afin de contourner l’interdiction pour les femmes d’adhérer à un parti politique en Allemagne, elle construit une structure alternative gravitant autour du parti pour organiser les femmes socialistes.

Son combat ne se limite pas à l’Allemagne. À partir de 1907, elle organise avant les Congrès de l’Internationale socialiste, des Conférences internationales des femmes, permettant de développer des revendications et des stratégies pour la construction des organisations socialistes parmi les femmes. C’est ainsi que la revendication du suffrage universel – y compris pour les femmes – est mise à l’ordre du jour du mouvement socialiste tout comme l’organisation d’une Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Pour un féminisme socialiste, pas d’alliance possible avec le féminisme bourgeois

Clara Zetkin ne prône pas l’unité des femmes contre les hommes. Pour elle, il n’y a pas d’alliance possible avec les organisations féministes bourgeoises qui visent principalement à obtenir les mêmes droits que les hommes de leur classe sociale. Pour elle, la question de l’émancipation des femmes fait partie intégrante de la question sociale et la libération des travailleuses n’est possible que par une transformation fondamentale de la société. Socialiste convaincue, Zetkin veut construire l’unité de la classe ouvrière pour permettre ce changement.

À l’origine du 8 mars

Les origines du 8 mars sont aujourd’hui méconnues. Cette journée trouve ses sources dans le mouvement féministe socialiste. Lors de la 2e Conférence internationale des Femmes socialistes en 1910 (en référence à une manifestation de masse d’ouvrières textile à New York le 8 mars 1908), Clara Zetkin et les autres participantes votent une résolution sur l’organisation annuelle d’une Journée internationale des femmes avec comme objectif de construire l’influence du féminisme socialiste. La première a lieu le 19 mars 1911 en hommage aux mouvements de grèves d’ouvrières du textile aux États-Unis luttant pour une diminution du temps de travail et de meilleures conditions de travail, l’abolition du travail des enfants, un salaire égal à celui des hommes et le droit de vote.

Lutte contre la guerre et contre le fascisme

En 1915, alors que différents partis socialistes ont abandonné leurs positions internationalistes, Clara Zetkin organise une Conférence internationale des femmes pour s’opposer à la guerre. Mais la faillite du mouvement socialiste à s’opposer à la guerre décide Clara à rejoindre Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht dans la création d’une nouvelle organisation révolutionnaire en Allemagne et plus tard du Parti communiste allemand. À la suite de la révolution russe de 1917, elle participe également à la construction de la 3e Internationale, notamment dans son secrétariat international des femmes.
Elle consacre la fin de sa vie à la lutte contre le fascisme. Âgée de 75 ans, son dernier discours appelle à l’unité de tous les travailleurs et les travailleuses pour combattre ce fléau. Elle meurt le 20 juin 1933.

Clara Zetkin, source d’inspiration pour les luttes d’aujourd’hui

Son infatigable combat pour lier les luttes pour l’émancipation des femmes aux luttes sociales de l’ensemble de la classe ouvrière reste pour nous un exemple à suivre. Tout comme Clara Zetkin, nous pensons qu’il ne peut y avoir de réelle émancipation des femmes dans un système capitaliste qui privilégie les profits d’une minorité face aux intérêts de la majorité de la population.

C’est pourquoi nous serons présent.e.s le 8 mars dans les rues pour reconstruire cette tradition de lutte et défendre notre programme – alliant revendications sociales et féministes – visant l’émancipation des femmes et celle de toute la classe ouvrière. Nous serons dans les rues pour dénoncer chaque forme de discrimination et leur utilisation pour diviser la majorité de la population au profit des plus puissants. Nous y défendrons la nécessité d’une société basée sur les besoins et les capacités de chacun : une société socialiste.

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