Titre premier: Le stalinisme et la démocratie ouvrière.

1. Êtes-vous des communistes?

Le communisme est le terme le plus scientifique pour qualifier nos idées. Mais dans notre propagande nous allons plutôt nous appeler “marxistes” ou “socialistes révolutionnaires”. Les gens associent souvent le “communisme” aux régimes totalitaires et non-démocratiques qui ont régné pendant des décennies sur un tiers de l’humanité. Si nous adoptions ce terme à la légère, la plupart pourraient croire que nous sommes des “stalinistes”, des socialistes totalitaires et dictatoriaux.

2. Existe-t-il d’autres marxistes que les communistes du bloc de l’Est?

Le stalinisme n’est en fait pas du marxisme. C’est une dénaturation de la doctrine originelle, tout comme l’Union Soviétique aux environs de 1927 était une dénaturation de la démocratie ouvrière présente pendant la révolution d’Octobre en 1917. Le manque de discussion critique, la poursuite sans pitié des dissidents, la foi en l’infaillibilité d’un parti unique et d’un seul chef, toutes ces choses sont totalement étrangères au marxisme… Le marxisme n’est pas une doctrine ecclésiastique repliée sur elle-même où une poignée de philosophes ou têtes de parti ont tout décidé, prédit et numéroté une fois pour toutes.

3. Qu’est-ce que le marxisme alors?

Il s’agit d’une méthode critique, d’une manière de regarder le monde. Ce que Marx a dit il y a 120 ans est peut-être dépassé aujourd’hui. Même si tout ce que Marx a dit n’était plus vrai (ce qui en réalité n’est pas du tout le cas), il serait néanmoins possible de s’appeler marxiste

4. Il est évidemment facile de se distancier après les faits des dictatures du bloc de l’Est.

Les membres de Militant/ Mouvement pour une Alternative Socialiste n’ont jamais été des adeptes du stalinisme. Ni avant la chute du mur, ni après.

Ils s’appellent aussi “trotskistes”, d’après le nom du marxiste qui paya de sa vie son long combat contre le stalinisme. Tous les courants qui se disaient nés de l’héritage politique de Léon Trotski (1879-1940) furent poursuivis sans pitié. Il leur était reproché de mettre le doigt sur le caractère non-démocratique du régime et la vie de seigneur de ses dirigeants. Dans les camps punitifs ils recevaient à coup sûr un traitement de faveur, qui était le plus souvent une balle de fusil. Des sections du Committee for a Workers International (l’Internationale à laquelle est affilié notre parti) étaient clandestinement actives avant la chute du mur dans certains pays du bloc de l’Est. Elles ont participé aux mouvements qui ont renversé le stalinisme.

5. Est-ce que l’Union Soviétique a été autre chose qu’une dictature?

Bien sûr.

6. Explique

“Soviet” signifie “conseil” en russe. L’Union Soviétique est issue des parlements démocratiques de base de la population. Les soviets n’étaient rien d’autre que des comités de grève étendus, issus des actions spontanées des ouvriers salariés et des paysans les plus conscients. La révolution d’Octobre ne fut à son tour rien d’autre que la prise du pouvoir par ces parlements: ceux-ci devinrent alors le pouvoir d’état.

7. Dans la Russie du début du 20ème siècle un mouvement démocratique de base avait peut-être des chances de triompher… Mais la Russie d’alors n’est pas la Belgique d’aujourd’hui.

Dans chaque grève qui dure, on voit que les ouvriers se trouvent devant la nécessité de mieux organiser le combat. Ils dressent alors un comité de grève. Lors d’une grève générale, qui concerne tous les secteurs de la vie publique, on constate au bout d’un certain temps une paralysie totale de la société. Bon gré mal gré, les ouvriers se trouvent alors forcés d’assurer la continuité de la vie commune: les poubelles doivent être ramassées, le courrier doit être livré, l’ordre doit être maintenu, il faut des soins de santé, etc. Vu que le pouvoir de l’état est partiellement paralysé et désorganisé, on constate qu’après un laps de temps, ce sont les comités d’ouvriers et les habitants du voisinage qui accomplissent ces tâches. A ce moment là les comités, jusqu’alors purement des organes sociaux et politiques de combat, ce transforment en organismes de pouvoir politique. Ce qui est logique en fait. A la longue, les comités de base, les conseils, sont les seules choses qui fonctionnent encore dans la société. Voilà pourquoi la direction des syndicats tente toujours de terminer les grèves le plus tôt possible. Parce que dans le cas contraire, ils risquent de perdre à la longue le contrôle sur ces organisations du fait de l’organisation autonome des travailleurs.

8. A l’origine l’Union Soviétique était donc une démocratie ouvrière. Quels sont les caractéristiques d’une démocratie ouvrière?

Dans une démocratie parlementaire les élus ont durant quatre, cinq, voir plus d’années le temps de faire oublier aux gens qu’ils n’ont pas tenu leurs promesses électorales. Ils ont le temps durant ces années de camoufler leurs erreurs et leurs écarts… Dans la démocratie ouvrière, chaque élu parlementaire doit pouvoir être démis de ses fonctions en permanence par le même collège d’électeurs qui l’a élu. C’est le meilleur moyen pour éviter les manœuvres mensongères, l’incompétence et la corruption.

b. Dans les régimes politiques actuels les politiciens gagnent des tonnes d’argent (ce qui ne les rend pas moins corrompus pour autant). Dans la démocratie ouvrière, un élu ne gagne ni plus (ni moins) qu’un ouvrier qualifié moyen. Le peuple n’a que faire de dirigeants qui ne connaissent à la longue plus le prix d’un pain; il a besoin de dirigeants qui savent ce qu’est la vie quotidienne des ouvriers et des jeunes.

c. L’armée de métier est un nid de castes militaires, de complots de droite, et d’usages autoritaires et non-démocratiques. SSous le régime d’une démocratie ouvrière, règne le peuple armé, une milice populaire bien organisée avec des officiers élus et pouvant être démis de leurs fonctions en permanence: le meilleur moyen contre les coups d’état, l’extrémisme nationaliste et le chaos d’une guerre civile. La possibilité d’avoir une arme pour se défendre soi-même et les acquis de sa classe devient un droit. Il est alors possible de répertorier toutes les armes de façon centralisée, de les enregistrer et de contrôler leur circulation, sans que les citoyens se sentent lésés dans leur droit de porter une arme. C’est donc aussi un bon moyen pour lutter contre la criminalité armée. L’entraînement militaire sera dans une telle milice populaire non pas un lavage de cerveau et la soumission de sa personnalité individuelle, mais simplement une façon aventureuse et plaisante de passer son temps libre. La défense terrestre, aujourd’hui une affaire extrêmement coûteuse, deviendra relativement bon marché parce qu’il ne sera plus besoin d’entretenir une armée de métier non-productive. Les ouvriers deviennent aussi les soldats les mieux entraînés du monde, parce que leur entraînement est une activité régulière. C’est un peu comparable à la situation du citoyen libre d’Athènes dans la Grèce antique, qui durant les exercices militaires, discutait politique, culture et philosophie, tout en améliorant sa condition. Et comme vous le savez: les grecs étaient de meilleurs soldats que les mercenaires démotivés et les miliciens des tyrannies asiatiques.

d. Et pour finir, dans la démocratie ouvrière, chaque travailleur pourra être élu par le peuple si celui-ci le considère compétent, pour quelque fonction que ce soit. L’ouvrier politiquement instruit est un meilleur dirigeant que le professeur parce qu’il connaît les véritables besoins du peuple. Si cela est nécessaire, il pourra toujours faire appel à la science de spécialistes. Et ne prétendez pas que tous nos dirigeants sont des personnes intelligentes et compétentes, le président Bush est plus bête que ces pieds, mais il est néanmoins le maître de la plus grande puissance au monde, parce que sa famille est l’une des vingt familles les plus riches des Etats-Unis. Posez-vous donc cette question: qui serait le dirigeant le plus apte, le plus responsable et le plus dévoué des deux? Roberto D’Orazio ou président Bush

9. Cela signifie-t-il qu’un étudiant ou un intellectuel ne puisse pas exercer de fonction élue?

Si; à la condition qu’il ait la confiance des travailleurs et des jeunes, et qu’il soit prêt à adopter un standard de vie semblable à celui de ses électeurs, les gens ordinaires.

10. Et si je ne suis pas prêt à adopter le standard de vie moyen?

Alors ne fais pas de politique mais continue ta carrière. Cela n’est pas un problème en soi, et je serai le premier à te souhaiter beaucoup de succès.

10bis. Mais la démocratie ouvrière de la Russie s’est quand même dénaturée dans une dictature totalitaire… N’est-ce pas la preuve que ton système va à l’encontre de la nature humaine?

Tout expliquer par le biais de la “nature humaine” est une manière simpliste de s’éviter l’étude de l’histoire. La seule chose qu’on puisse dire de l’être humain, est qu’il est un être social, un être de société. Mais la société a déjà subi de multiples changements. Donc la “nature humaine” aussi a déjà changé plusieurs fois. La psychologie des êtres humains de l’Antiquité (comme nous l’apprennent des recherches historiques récentes, par exemple Norbert Elias “Le processus de civilisation”) se différencie fondamentalement de la psychologie du Moyen Âge, laquelle est à son tour différente de la personnalité de base du monde capitaliste moderne. La psychologie de l’homme est formée en partie par l’hérédité, mais surtout par la société, l’environnement social dans laquelle il évolue. A la préhistoire, personne n’avait un intérêt matériel à s’octroyer beaucoup plus que quelqu’un d’autre. L’intérêt particulier ne se distingua de l’intérêt général qu’avec l’apparition de la propriété privée des grands moyens de production (la terre, le bétail). La propriété privée n’est pas apparue parce que l’homme est égoïste; l’égoïsme existe parce que la propriété privée existe. La dictature n’est pas née parce que l’homme est assoiffé de pouvoir, la soif de pouvoir existe parce qu’il est (encore) possible d’être un dictateur.

11. Pourquoi les choses ont-elles mal tourné en Union Soviétique?

D’un point de vue purement économique, la Russie primitive n’était pas mûre pour passer immédiatement au socialisme. La Russie était au début du vingtième siècle à 90% un état féodal archaïque. Cependant l’évolution industrielle rapide comme l’éclair des villes russes durant les dernières décennies du dix-neuvième siècle avait fait germer un mouvement ouvrier conscient et combatif. Assez vite les ouvriers russes surpassèrent leurs camarades des pays de l’Europe de l’Ouest pour ce qui est de l’initiative politique. Ceci amena déjà très tôt le jeune Lénine (1870-1924) a abandonner son idée première que les révolutions éclateraient dans les nations industrielles évoluées. Même Karl Marx (1818-1883) commença à douter de cette théorie à la fin de sa vie. En tous les cas, un résultat de l’évolution historique fut que les ouvriers en Russie disposaient de dirigeants (les Bolcheviques) capables de prendre le pouvoir. En Europe les têtes du mouvement socialiste ouvrier, aux alentours de 1914, avaient été muselées par le système, au cours d’une évolution longue et pacifique. Ils étaient devenus corrompus et indignes de confiance. Au lieu de militants fervents et acharnés, c’étaient des carriéristes parvenus et répugnants. Ils tiraient plus d’avantages pour leur carrière du maintien du capitalisme que de l’aventure incertaine de la révolution. Entre 1918 et 1923, ils dénoncèrent systématiquement tous les mouvements révolutionnaires en Europe qui se déclenchèrent après la réussite de la révolution d’Octobre (par exemple en Allemagne où ils ont participé activement à la répression dans le sang de manifestations et de grèves). Les communistes d’Europe de l’Ouest essuyaient l’une défaite après l’autre à cause de leur manque d’expérience (contrairement aux Bolcheviques). En résumé; en Russie il y avait la direction politique adéquate, mais pas la bonne économie, en Europe il y avait la bonne économie, mais pas la direction politique adéquate. De sorte que la révolution d’Octobre se retrouva isolée et sans défenses face aux attaques étrangères de l’Ouest (en 1918, plus de vingt armées étrangères simultanément) tandis que de l’intérieur les ennemis de la révolution lui mettaient des bâtons dans les roues. Ce fut une époque très pénible pour les paysans et les ouvriers russes. D’un côté, le sabotage, les attaques militaires, les destructions, la propagande trompeuse par l’Ouest, l’armée Blanche, les services de renseignement; la nécessité de contre-mesures sévères par le gouvernement révolutionnaire de Lénine et Trotski de l’autre côté. Quand en 1922 les dernières armées étrangères (les Japonais) furent balayées du pays et les derniers généraux Blancs vaincus, le pays était en ruine…

12. Excuse-moi de t’interrompre, mais qu’est-ce que ça a à voir avec la montée du stalinisme?

Mais ce n’était pas encore le début du stalinisme.

Trotski l’expliquait de la manière suivante: dans une situation de pénurie générale, l’état commence à se comporter vis-à-vis du peuple comme un agent de police vis-à-vis de la file d’attente pour le rationnement. Ce surveillant a également des besoins; il va donc se mettre à voler et tenter de se favoriser par le biais de toutes sortes de pratiques malhonnêtes. Et il ne volera pas que pour lui-même et sa famille. Il manœuvrera de façon à acheter le fonctionnaire chargé de le surveiller. Celui-ci exigera à son tour autant de pots de vin qu’il est nécessaire pour acheter ses propres surveillants. Ainsi se crée toute une pyramide de corruption et de népotisme. Et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, la corruption aura atteint les plus hautes couches de l’establishment. Une première sorte de bureaucrates.

Ensuite il y a les Bolcheviques, qui ont été obligés de remplacer leurs cadres par des personnes de la vieille administration (par essence corrompue et autoritaire) du temps du Tsar, étant donné que leurs cadres les plus motivés étaient tombés pendant la guerre civile.

Parallèlement sont apparus en peu de temps (à cause de la réintroduction partielle à partir de 1921 du capitalisme pour reconstruire le pays, la nouvelle économie politique) toutes sortes de riches paysans et d’entrepreneurs à l’affût de gain, qui se mirent à infiltrer l’appareil d’état. Et c’était difficile de démettre les mauvais politiciens de leurs fonctions, car durant la guerre civile, la démocratie ouvrière avait été remplacée par communisme de guerre.

Finalement la démobilisation de millions de soldats après la guerre entraîna l’inondation du marché de travail par de la main d’œuvre au chômage, qui envisageait la possibilité d’une carrière politique lucrative. A partir de 1922-1923, ces nouvelles couches de la population recherchèrent l’appui et le soutien des éléments les moins loyaux de la direction bolchevique: des gens comme Staline (1879-1953) par exemple. Staline, se balançant prudemment et de façon incroyablement opportuniste entre les différentes couches de la population, et profitant de l’idolâtrie naïve des dirigeants par les couches les plus arriérées de la paysannerie, parvint à s’élever, lui et ses fidèles, aux rangs d’une dictature qui n’a pas eu sa pareille dans l’histoire. Dès la fin des années vingt démarra la poursuite cruelle des dissidents et de toute opposition à la bureaucratie. Trotski fût démis de toutes ses fonctions en 1926, lui qui avait mené campagne avec son Opposition de Gauche dès 1923 contre la dénaturation tyrannique de la révolution. En 1927 il fut exilé à l’intérieur du territoire (à Alma Ata, l’endroit le plus isolé de la civilisation au monde). En 1929 il fut banni du pays. En partie pour se défaire de toute opposition possible, en partie pour camoufler ses incroyables erreurs et ses traîtrises dans sa politique extérieure, mais surtout pour supprimer la tradition de démocratie de base de la révolution d’Octobre, Staline élimina dans les années 1936-1939, quasiment l’entièreté de l’ancienne direction de Lénine (et en réalité tout ce qui restait du vieux parti). A cette fin il utilisa des procès-spectacles, des exécutions en masse, la torture, et d’autres mesures de terreur. De telles méthodes étaient aussi utilisées dans des Internationales Communistes et autres mouvements de gauche hors de la Russie. Trotski fut assassiné en 1940 à son domicile de Coyoacan par un allié de Staline, Ramon Mercader, au moyen d’un pic à glace.

A cause du triomphe de l’armée Rouge à la fin de la deuxième Guerre Mondiale il fut possible de transformer partout dans le monde les révolutions en régimes staliniens. En raison des victoires du stalinisme, des millions de jeunes et d’ouvriers ont cru pendant des décennies que le marxisme signifiait stalinisme. Mais ce n’est pas vrai. A présent que le stalinisme est écarté, il y a place pour le vrai marxisme.

13. Qui ou quoi pourra empêcher que les révolutions à venir ne deviennent des dictatures sanguinaires, qui feront peut-être quelques bonnes réformes, mais laisseront finalement un bordel économique?

Les ouvriers actuels (même les ouvriers des pays du Tiers Monde), ont un degré d’éducation infiniment supérieur à celui des ouvriers et paysans russes de la première moitié du vingtième siècle. Il faut comprendre qu’en ce temps-là en Russie, on brûlait encore des sorcières (sans blague!).

Les révolutionnaires modernes devront beaucoup moins faire appel à des cadres de l’ancien régime remplis d’animosité envers le peuple. La plupart des ouvriers savent lire, écrire et compter. Ils savent tenir une comptabilité et une administration élémentaires. Beaucoup d’entre eux maîtrisent l’informatique moderne et des moyens de communication rapides. La majorité des fonctionnaires sont en ce qui concerne leur mode de vie en grande partie sur le même pied que les ouvriers de l’industrie. Avant le facteur était un notable, qui était aussi bien considéré que le garde forestier ou le maître d’école. Les facteurs, les professeurs, les petits postes au ministère des finances, etc. sont aujourd’hui si possible encore plus prolétaires que les couches les mieux payées du prolétariat lui-même. Même les policiers et les militaires ont adopté après la deuxième Guerre Mondiale les mêmes techniques de lutte et d’organisation que les ouvriers; les actions syndicales, les meetings politiques etc.

En plus, les jeunes et les ouvriers ont tiré une leçon de l’expérience du stalinisme et de toutes les dictatures du vingtième siècle. Justement le stalinisme, entre autre, leur a appris la valeur des libertés démocratiques. Une fois au pouvoir, ils ne laisseront plus si facilement échapper ces droits. Grâce aux moyens de communication modernes, les révolutions pourront se transplanter à l’étranger beaucoup plus rapidement qu’avant. Il est bien possible que la prise de pouvoir réussie dans un petit pays comme la Belgique puisse signer dans l’espace d’une année l’arrêt de mort de la plupart des états capitalistes, ainsi que des régimes staliniens restants. La rapide prolifération des révolutions démocratiques dans les années 1989-1991 (qui se déroulèrent pacifiquement d’ailleurs à l’exception de la Roumanie) contre le stalinisme prouve que c’est une grande probabilité.

14. Quel est alors le rôle de votre parti?

Pour commencer, je précise que la révolution peut être menée par différents partis. Après la révolution certains partis bourgeois continueront à exister. Aussi longtemps qu’ils ne prennent pas les armes contre les travailleurs, ils seront libres de critiquer. L’obligation d’un parti unique est une chose tout à fait étrangère à la tradition du marxisme. Mais en ce qui concerne le rôle révolutionnaire des partis… La lutte syndicale, et ensuite politique, du mouvement ouvrier et de la jeunesse radicale doit conduire à la naissance d’un parti avec un noyau soudé mais organisé démocratiquement, constitué de révolutionnaires motivés et bien formés. Ces derniers prouveront leur compétence comme dirigeants, en conservant un équilibre psychique en un dynamisme à toute épreuve, leur permettant de développer les bonnes idées et les bonnes tactiques au moment propice, à travers les hauts et les bas de la lutte sociale, les poursuites et l’isolement social dans leur vie personnelle. Le vrai marxiste s’endurcit surtout dans les périodes où rien ne va (les années nonante). Il prouve son discernement en intervenant de la bonne façon dans les périodes où tout va de nouveau mieux. Comme maintenant: avec le réveil de la lutte sociale, la nouvelle radicalisation de certaines couches de la jeunesse, le mouvement anti-globalisation, les menaces de guerres et les révolutions dans le Tiers Monde. Celui qui a toujours vécu ainsi ne trouve pas vite son confort et sa force personnelle au dépends des travailleurs. Il (ou elle) trouve plaisir, aventure et satisfaction dans une lutte pour un monde plus humain. Donc un parti qui est composé de telles personnes et qui utilise les méthodes de pensée et d’action du marxisme correctement, pourra grandir de quelques centaines de cadres à un parti comptant des dizaines de milliers de membres dans un climat de tensions révolutionnaires. Mao Tse Toung était un staliniste lugubre mais il avait très bien compris une chose: si tu places un feu de paille au bon endroit, tu déclenches très vite un feu de forêt. Dans quelques dizaines de pays des milliers de socialistes ont pris les choses en main et vont transformer le Committee for a Worker’s International en véritable parti ouvrier international. Petit à petit nous avons commencé à faire de nos organisations de propagande des vrais partis. Le Mouvement pour une Alternative Socialiste remplace le précédent Militant et deviendra la section belge de la nouvelle internationale.

15. Est-ce que tu veux dire que c’est le parti qui fera la révolution?

Non. Les mouvements de masse et les révolutions émergent spontanément dans la société, qu’il y ait ou non un parti marxiste. Les petites tensions (mouvements de grèves, scandales politiques, menaces de guerre ou de pauvreté, etc.) grandissent et deviennent d’elles-mêmes après un certain temps des grands mouvements de masse. Un petit parti marxiste peut tout au plus accélérer le processus. Mais les ouvriers et les jeunes politiquement conscients doivent s’organiser en parti pour montrer le chemin vers le pouvoir aux autres. Trotski dit que les drames historiques du mouvement ouvrier sont à imputer à l’absence d’une direction capable. Et il le savait comme nul autre: l’échec des mouvements révolutionnaires après la première guerre mondiale a, entre autres, conduit à son propre écartement.

16. Qu’est-ce que tu entends toujours par “la méthode du marxisme”?

En effet, nous ferions bien d’en parler…

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