10 ans de Bologne et aucune raison de faire la fête

Les 11 et le 12 mars 2009 les ministres européens de l’enseignement se réunissent à Vienne et à Budapest. La raison de ce grand barnum, c’est la célébration des dix ans de la mise en œuvre de la Déclaration de Bologne. Pour les ministres – de tendances différentes mais tous adeptes du néolibéralisme – il y a matière à se réjouir: Bologne a créé un cadre dans lequel les attaques contre l’enseignement supérieur se coordonnent au niveau européen. Les étudiants et le personnel sont les grands perdants de ce processus.

La conférence de Bologne

Bologne a accueilli en juin 1999 une conférence des ministres européens de l’enseignement, avec à la clé la funestement célèbre «Déclaration de Bologne», un accord pour réformer l’enseignement supérieur basé sur l’harmonisation des systèmes, l’augmentation de la mobilité étudiante et l’augmentation de la qualité des activités réalisées en son sein.

Dix ans plus tard, aucun de ces objectifs n’a été atteint. Le nombre d’étudiants qui ont connu une autre université européenne avant d’être diplômés n’a presque pas changé depuis 1999: 8%. Rien de surprenant; étudier un an à l’étranger reste toujours très cher et n’est alors faisable que pour les étudiants dont les parents appartiennent à la catégorie de revenu supérieur (surreprésentés parmi les Erasmus). D’un autre côté, ceux qui ont fait l’expérience de la reconnaissance ou de l’équivalence de diplôme ont pu constater que «Bologne» n’a en rien simplifié les lourdeurs administratives.

La réalité concernant les objectifs de Bologne

En 1999 déjà, les Etudiants de Gauche Actif (EGA) affirmaient que le résultat des accords de Bologne serait fort différent des objectifs. Nous ne sommes pas les seuls à le dire. A propos de Bologne, le professeur Jan Blommaert (université de Gand) a ainsi déclaré: «pour le monde des affaires il était question des coûts salariaux en Europe. Ils sont trop élevés pour ceux qui ont une éducation supérieure.»

Bologne et la réforme bachelor-master avait pour but de substantiellement diminuer le coût des études supérieures en jetant plus d’étudiants après 3 ans (bachelor) sur le marché du travail (à la place de 4 à l’époque des Licences) et en présentant le diplôme de bachelor comme le «diplôme de base», le «master» devenant un diplôme complémentaire permettant un salaire plus important.

Dans notre pays, Il n’y a pas encore eu d’augmentation générale des minervals pour les diplômes master. Mais il y a eu une «différentiation» des minervals : des augmentations pour certaines catégories comme les étudiants non-européens, les étudiants qui étudient plus de 5 années (le crédit étude),…

Sur base du «classement européen» des universités, (le ranking, une nouvelle invention sortie du cadre de Bologne), notre pays a connu des spéculations sur la «valeur» des diplômes de telle ou telle université. Ainsi, les recteurs de la KU Louvain, de l’ULB et de l’UCL ont laissé entendre qu’il faut permettre aux universités les mieux classées de demander aussi de plus hauts minervals. Cela indique la direction que les directions universitaires, les gouvernements européens et le patronat veulent suivre: un enseignement de très bonne qualité, mais très cher et un enseignement de moindre valeur et meilleur marché pour les masses.

10 années d’opposition à Bologne

Il y a dix ans, EGA faisait déjà le parallèle entre Bologne et la tendance aux assainissements néolibéraux dans tous les services publics européens. La lutte pour un enseignement démocratique de qualité a toujours été liée à la lutte de classe: de l’abolition du travail des enfants et l’introduction des premières formes d’obligation scolaire jusqu’à l’arrivée d’enfants issus de la classe ouvrière dans l’enseignement supérieur.

Avec Bologne, cette lutte n’est certainement pas définitivement perdue, ce n’est qu’une offensive à grande échelle contre les acquis du passé. La lutte continue toutefois: l’année dernière, en Allemagne et en Autriche, de grands mouvements étudiants ont eu lieu contre les conséquences des accords de Bologne: des minervals plus chers et le fait d’avoir toujours moins de personnel enseignant, administratif et technique.

De cette lutte est entre autres née la campagne «Bologna Burns»: un appel pour une manifestation internationale et un contre-sommet d’étudiants et du personnel de l’enseignement à Vienne entre les 11 et 14 mars, au moment où les ministres européens fêtent le jubilé de 10 ans de Bologne. Les étudiants du Sozialistische LinksPartei, l’organisation-sœur du PSL en Autriche, participent activement à ces actions et notre internationale, le CIO, a mobilisé différentes sections nationales pour cette manifestation. Une telle mobilisation européenne est un pas important dans la construction de la lutte contre les attaques à l’égard de l’enseignement supérieur.

Le PSL et EGA participent à cette mobilisation pour:

  • L’abolition des réformes de Bologne
  • L’introduction d’un enseignement supérieur gratuit et de qualité accessible à tous.

Pour cela nous revendiquons:

 

  • Une augmentation du financement public pour l’enseignement, basée sur les besoins réels des étudiants et du personnel de l’enseignement. Une augmentation des dépenses publiques équivalente à 7% du PIB, comme au début des années ‘80 peut être un premier pas en ce sens.
  • Un salaire étudiant pour chaque étudiant.
  • Une étude publique sur les conséquences du système bachelor-master, des contrats de crédit et d’autres réformes et l’introduction d’un système qui donne les meilleures possibilités aux étudiants pour étudier.
  • Assez de personnel et d’encadrement pour alléger la pression de travail pour le personnel de l’enseignement.

Nous sommes convaincus qu’il y a assez d’argent pour réaliser tout cela: dans toute l’Europe, des dizaines de milliards d’euros ont été mis sur la table pour sauver les grands actionnaires des banques. Nous revendiquons la nationalisation de ces banques sous contrôle démocratique de la collectivité.

Ces moyens pourront alors être utilisés pour introduire un enseignement gratuit et de bonne qualité, comme pour d’autres services publics.

Des actions contre Bologne

  • En février 2001: les actions contre Bologne en Belgique ont été mises en route avec une occupation du rectorat de la VUB par une centaine d’étudiants. EGA participe aux actions et fait connaître les conséquences de Bologne aux autres universités.
  • Le 7 mars 2001: 150 étudiants manifestent place Schuman à Bruxelles, la mobilisation part de la VUB et de l’ULB. Vétéran d’EGA, François Bliki prépare un spaghetti à l’occasion pour mettre en lumière «le malaise de Bologne».
  • Novembre 2001: au sommet européen des ministres de l’enseignement, EGA est aussi à la base des manifestations et des occupations de Gand et de Louvain. Une semaine avant, 150 étudiants de l’ULB manifestaient.
  • 2004: le décret-Dupuis (le ministre PS de l’enseignement) mène aux protestations de 15.000 étudiants qui manifestaient le 28 octobre et le 11 décembre. Un mois avant, 12.000 membres du personnel et d’étudiants des hautes écoles manifestaient en Flandre.
  • 2006: à l’occasion de réformes planifiées par Frank Vandenbroucke dans l’enseignement supérieur flamand, une série de manifestations et d’actions sont organisées, lancées par une manifestation initiée par le personnel et les étudiants de la VUB le 16 mars à Bruxelles.
  • 2007-2008: diverses actions sont menées contre les attaques sur l’enseignement supérieur. Ainsi, il y a une manifestation des étudiants et des membres du personnel de la VUB le 18 novembre devant le ministère de l’enseignement.

Retour vers le futur

«La privatisation croissante de l’enseignement supérieur va avoir comme conséquence une augmentation générale des minervals à côté d’une augmentation des coûts indirects des études (kots étudiants, repas, transport,…). La démocratisation limitée de l’enseignement supérieur conséquente à la croissance économique des années soixante et septante (en Flandre) va connaître un recul. Dans quelques hautes écoles de masse, les cours de bachelor vont préparer la grande masse des étudiants pour les entreprises, en trois années. Une couche très restreinte aura encore les possibilités financières d’obtenir un master ou un titre de doctorat.»

(Le Militant, prédécesseur de Lutte Socialiste, octobre 2001)

 

 

Article par TIM J

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