10e Congrès mondial du CIO : Résolution sur L’Europe

Des millions de gens participant aux grèves générales et aux manifestations; des gouvernements extrêmement impopulaires, parfois haïs – la classe ouvrière et la jeunesse européennes sont en train de faire leur grand retour dans l’arène de la lutte. Ce document sur l’Europe est une des résolutions du 10ème Congrès mondial du CIO. Des documents ont été publiés en anglais à propos des relations mondiales, de l’Europe, de l’Amérique latine, du Moyen-Orient, de l’Asie, de la Russie et Europe de l’Est, et sur la situation en Afrique.

Dans un contexte de remous économiques et d’une urgence européenne après l’autre, l’Europe traverse des troubles profonds. L’impact continu de la crise économique mondiale a produit tempête après l’autre sur le plan européen comme sur le plan national dans divers pays d’Europe.

L’ampleur de certaines actions – des millions de personnes en grève en Espagne le 3 septembre, un demi million de manifestants dans les rues de France à la mi-octobre, 300 000 manifestants à Lisbonne en mai – sont un reflet des remous profonds qui secouent l’Europe en ce moment. Tandis que de nombreux dirigeants syndicaux tentent de limiter ces actions et d’en empêcher leur développement en une lutte sérieuse, le puissant mouvement français contre la hausse de l’âge de la retraite a développé des caractéristiques d’une situation pré-révolutionnaire. La moindre étincelle aurait pu y enflammer un mouvement plus large dans une situation où les sondages d’opinion montrent un soutien de 54% pour une grève générale. La fin de novembre 2010 a vu plus d’actions de protestation avec une grève générale massivement soutenue, au Portugal, une manifestation de masse à Dublin et un mouvement large d’étudiants et de lycéens au Royaume-Uni.

Il y a une crise mondiale, mais en même temps aussi une vague de protestation bien ancrée sur le plan européen, symbolisée par le fait que , parmi de nombreux analystes capitalistes, la remise en question du futur de l’Eurozone, au moins sous sa forme actuelle, n’est plus considérée comme un tabou et est de plus en plus largement débattue. Il y a un nouveau rythme à présent ; les jours de stabilité à moyen terme et même, dans certains pays, de stabilité à court terme, sont derrière nous. Les événements se succèdent très rapidement – dès qu’une crise est “résolue”, elle cède la place à la suivante. Mais ce qui est encore plus important du point de vue de la lutte contre le capitalisme, c’est que la classe ouvrière a entamé un retour actif sur le devant de la scène, bien que cela ne va pas se développer de manière linéaire. Malgré le fait que seule une minorité est pour l’instant partie en grève, les luttes de masse en France, avec huit journées d’action, ont été très largement soutenues et pourraient avoir été victorieuses s’il y avait eu une direction déterminée. Maintenant, malgré l’échec de ce mouvement concernant le retrait de la loi de réforme des pensions, il s’agit plus d’une pause que d”une retraite pour le mouvement.

Au départ, les gouvernements ont mis en place des mesures urgentes afin d’empêcher que l’alarme financière de 2008 ne dégénère en un effondrement des banques et des marchés qui à son tour aurait pu produire un désastre du type des années ’30 à travers le monde entier. Seuls quelques gouvernements, comme le gouvernement irlandais, ont tout de suite entamé des attaques directes contre le niveau de vie, bien que dans les entreprises des emplois ont été perdus et les revenus diminués dès lors que l’économie se contractait. En Allemagne, le déficit budgétaire de 2010 sera sans doute le plus élevé jamais vu. Mais à ce moment-là, en 2009 et 2010, la combinaison de la fin de la première phase de la crise et la pression sur les gouvernements de la part des marchés financiers pour annuler les mesures d’urgence et neutraliser la dette, symbolisée par la crise de la dette grecque, ont eu pour résultat le démarrage d’offensives brutales de la part des classes dirigeantes et des gouvernements à travers toute l’Europe.

Une nouvelle vague de protestation

Les tentatives déterminées qui sont faites cette année pour rabaisser le niveau de vie et remonter la roue de l’Histoire ont provoqué un nouveau départ de la lutte de classe dans de nombreux pays, à commencer par la Grèce. Après six grèves générales en Grèce, la deuxième moitié de 2010 a vu les grèves et manifestations de masse gagner en puissance dans d’autres pays, surtout en France, au Portugal et en Espagne. En Italie, il y a eu de plus en plus d’appels à une grève générale, tandis qu’au Royaume-Uni, les demandes d’une opposition plus active ont commencé à se développer à partir de la base et ont été énormément renforcées par la manifestation de 50.000 étudiants au mois de novembre. En Irlande, c’est une humeur explosive qui est en train de se développer, mais il est possible que cela se reflète avant tout dans le résultat des élections anticipées. Les pays d’Europe centrale et orientale n’ont pas été indemnes de protestations ; il y a eu de grandes manifestations et grèves contre les coupes salariales et sociales en Tchéquie, en Lituanie, en Roumanie et en Slovénie. En Roumanie, l’impact combiné de la restauration capitaliste avec maintenant la crise économique à ce qu’un sondage en septembre révèle que 49% des gens trouvent que la vie était meilleure avant décembre 1989, bien que 69% disent qu’il y avait alors un “manque de démocratie”.

L’année 2010 a vu la jeunesse commencer à jouer un rôle important dans toute une série de pays. La récente mobilisation des étudiants et lycéens en soutien à celle des travailleurs en France a marqué une nouvelle étape, tandis qu’en Autriche, au Royaume-Uni, en Irlande et en Italie, un grand nombre d’étudiants sont aussi descendus dans les rues contre les coupes dans l’éducation. Au Royaume-Uni, les fortes hausses des frais d’inscription et la fin abrupte des petites bourses hebdomadaires pour les 16-18 ans qui sont à l’école sont en train de provoquer une riposte déterminée de la part de nombreux lycéens. La jeunesse a également joué un rôle crucial en Allemagne lors des mouvements de protestation de masse contre la reprise du transport de déchets nucléaires en novembre.

Partout en Europe, la plupart des gouvernements sont extrêmement impopulaires, voire haïs, malgré l’exception apparente de la réélection de la coalition conservatrice en Suède, qui a regagné un certain soutien à quelques mois des élections au moment où l’économie a repris. Dans certains pays, on ne peut pas assurer combien de temps leurs gouvernements vont encore pouvoir survivre. La crise spectaculaire de 2008 en Islande, et la brutalité avec laquelle sa population a été traitée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, a fait voler en éclat le gouvernement de droite. En Irlande, le gouvernement tient à peine debout (depuis l’écriture de ce texte, des élections anticipées ont été appelées pour le mois de mars, NDLT), tandis qu’en Italie la rupture entre Berlusconi et Fini a posé la possibilité d’élections anticipées. En Grèce, malgré le fait qu’il ait rompu presque immédiatement la plupart de ses promesses électorales de 2009, le gouvernement Pasok perdure, faute d’une alternative. Les taux d’abstention anormalement élevés lors des élections locales de novembre était un indicateur à la fois de l’opposition à l’austérité et du manque d’une alternative de masse au Pasok. L’opposition durable et massivement soutenue au projet “Stuttgart 21” d’une nouvelle gare à Stuttgart en Allemagne illustre l’aliénation croissante par rapport à la plupart des institutions étatiques et parlementaires dans toute une série de pays.

Les commentateurs capitalistes ont tiré beaucoup du fait que, au contraire des crises du vingtième siècle qui ont à chaque fois connu d’importants tournants vers la gauche, la première phase de la crise capitaliste actuelle a vu dans la plupart des pays le triomphe électoral de forces de droite ou d’extrême-droite. Mais comme l’a montré le nombre de grèves générales et d’actions de masse, le mouvement ouvrier est en train d’entrer en action, et ceci a déjà commencé à créer un sentiment anticapitaliste. Cela va saper la seule note positive pour les classes dirigeantes confrontées à de nombreux problèmes, c’est à dire l’absence de partis ouvriers capables de remettre en question le capitalisme lui-même. C’est là le résultat de l’impact continu de l’effondrement des États staliniens, du virage à droite dans le mouvement ouvrier et de la transformation de la plupart des anciens partis ouvrier-bourgeois et staliniens.

Bien que l’effet de l’effondrement du stalinisme et l’offensive idéologique anti-socialiste qui a suivi a fait en sorte que, jusqu’ici les classes dirigeantes européennes n’ont pas eu affaire à une remise en question déterminée du capitalisme lui-même, la crise a déjà eu de profonds effets.

Cela signifie que jusqu’à présent, malgré l’hostilité envers les banques et l’appel à “ne pas payer pour leur crise”, il n’y a pas eu d’actions larges d’opposition au capitalisme lui-même. Mais la logique de cette crise, le fait que, pour bon nombre d’entre nous, le niveau de vie est en train de diminuer sans aucune perspective d’amélioration à court terme, va s’ajouter à l’activité des socialistes pour préparer la voie pour une remise en question du capitalisme dans son ensemble. Cette remise en question va s’étendre jusqu’à englober tous les partis politiques, institutions et structures existants. Le vieux mode de fonctionnement sera remis en question par une situation qui consistera au mieux en une baisse du niveau de vie, au pire dans un grand plongeon dans la misère. Nombreux sont ceux qui ont été encouragés ou forcés à partir au chômage ou à se lancer dans des petites entreprises qui seront brutalement écrasées, et le mouvement ouvrier a besoin d’un appel programmatique envers ces couches, afin d’empêcher leur virage à droite. Un facteur crucial pour l’avenir est le fait que l’expérience de la lutte va poser la question de la manière dont l’offensive des capitalistes peut être combattue ; et au fur et à mesure que les travailleurs, les jeunes et de nombreuses sections des classes moyennes réalisent que ce système ne peut pas leur offrir la moindre perspective d’un avenir radieux sur le court terme, se posera la question de savoir quelle est l’alternative.

Une situation politique fluide

Dans cette période de crise, le manque de gouvernements stables et le désir d’“incorporer” l’opposition peut mener à des coalitions officielles ou officieuses, y compris des “grandes coalitions” entre les partis majoritaires ou des gouvernements de coalition “nationale”, dans le but de “répondre à l’urgence”. Mais le capitalisme est très flexible. En Belgique, l’absence d’un nouveau gouvernement depuis les élections de juin n’a pas empêché le gouvernement “intérimaire” de mener des attaques indirectes.

Les élections, qu’elles se déroulent régulièrement où qu’elles soient anticipées, peuvent par elles-mêmes produire des complications pour les classes dirigeantes. L’année 2010 a vu de grandes difficultés à former des gouvernements aux Pays-Bas et en Belgique (ces dernières étant dues aux complications découlant de la question nationale en Belgique) et le tout premier gouvernement de coalition au Royaume-Uni en temps de paix depuis les années ’30. Ces résultats électoraux sont le produit de la chute de soutien de nombreux partis traditionnels bourgeois, réformistes ou staliniens, en plus du caractère volatile de la période. La crise au sein de nombreux vieux partis, allant jusqu’à leur éclatement, comme on l’a vu en Italie et, dans une moindre mesure, en France, a ouvert la porte à la montée de nouvelles forces de caractère différent, tout comme elle en a été le résultat.

Tandis que les sondages d’opinion précédents montraient des possibilités pour le NPA en France et pour Syriza en Grèce, de toutes les nouvelles formations de gauche, seul Die Linke en Allemagne a été capable de réaliser un impact électoral conséquent. Bien que le NPA garde un certain potentiel, principalement autour de son radicalisme verbal occasionnel et de la stature personnelle de Besancenot, il est loin d’être certain si cela pourra se traduire en nombre de voix. Mais comme nous l’avons vu précédemment en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Écosse, des succès électoraux ne garantissent absolument pas un développement ultérieur. Une des raisons pour lesquelles Syriza a obtenu le score médiocre de 4,6% aux élections de 2009 en Grèce, comparé aux sondages qui le plaçaient à 18% au début de 2008, a été le vote pour le “moindre mal” en faveur du Pasok. Toutefois, comme de nombreux dirigeants d’autres formations de gauche, les dirigeants de Syriza n’ont pas compris ce vote ni le fait que le soutien pour le Pasok allait être rapidement sapé par l’expérience de son retour au gouvernement, et cela est une des raisons, en plus de la complète incapacité des dirigeants de Syriza de répondre politiquement et organisationnellement à la crise et aux revendications de lutte des classes, pour les troubles qui ont emporté Syriza l’an passé.

La situation économique et sociale plus volatile a eu pour conséquence le fait que les élections dans de nombreux pays ont été le témoin de la percée subite (et parfois de la chute tout aussi subite) de différentes forces bourgeoises ou petite-bourgeoises telles que le PVV de Wilders aux Pays-Bas, le FDP en Allemagne, les LibDems au Royaume-Uni, la NVA en Flandre et les Verts en France et en Allemagne.

Toutefois, les victoires électorales ne signifient pas nécessairement une popularité stable même dans ces pays, comme en Allemagne, où l’économie s’est accrue due aux exportations. En Allemagne, après les élections de 2009, on a assisté à un effondrement monumental du soutien à la coalition CDU/CSU/FDP, et en particulier du FDP.

Tensions sur le plan économique

Mais la croissance économique en Allemagne, comme celle de tous les autres pays européens, est fragile et il se pourrait qu’elle ait déjà atteint son point le plus haut. La spéculation déclarée sur l’avenir de gouvernements ou de l’euro, les rivalités et alliances changeantes au sein de l’Union européenne, en plus de la remontée des luttes, sont toutes annonciatrices des grands troubles à l’horizon.

Ainsi, l’année 2010 ne s’est pas révélée être l’année que les classes dirigeantes avaient espérée lorsqu’elles avaient signé la soi-disant “stratégie de Lisbonne” en 2000. Au lieu de cela, l’Union européenne est confrontée à une des pires crises qu’elle ait jamais connues, tandis que des tempêtes économiques et politiques remettent en question l’avenir de l’eurozone ou même de l’UE dans sa forme actuelle.

La tempête autour de l’euro a plongé l’UE dans d’âpres querelles internes tandis que les gouvernements nationaux cherchaient à accuser des forces étrangères ou des gouvernements rivaux en tant que responsables de la crise. Pendant tout un temps la Grèce, et surtout les travailleurs grecs, ont été le point de concentration de toute la démonisation, en tant que responsables de la crise de l’euro, en plus d’être des mendiants qui demandaient la “charité” du reste de l’Union. Il y avait dans tout ça un élément de vérité, car une crise de la “dette souveraine” en Grèce aurait pu se révéler être le maillon faible qui allait causer la catastrophe dans toute la zone euro, mais il est bientôt apparu qu’il y avait toute une série de maillons faibles dans ce qui était une véritable “chaine de crises”. C’est ainsi que les spéculateurs et analystes capitalistes ont commencé à parler des “PIIGS” (les “porcs” : Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) pour qualifier ces pays de l’eurozone qui étaient en crise.

Cependant, la plupart de ce que l’Union Européenne présentait au début des années ‘2000 comme étant un “progrès” s’est dans les faits avéré n’être qu’une brutale offensive néolibérale sur de nombreux gains que le mouvement ouvrier était parvenu à gagner précédemment au cours de décennies entières. C’était là l’essence même de la “stratégie de Lisbonne”. Ce n’était pas par hasard que le gouvernement allemand social-démocrate/vert de Schröder avait baptisé “Agenda 2010” son plan de coupes néolibérales de 2003. Cette offensive a réellement eu un effet de maintenir vers le bas le niveau de vie dans de nombreux pays, en grande partie à cause des dirigeants syndicaux. En Autriche, la part des salaires dans le PIB est passée de 62% en 1995 à 55% en 2008, tandis que les 25% les plus pauvres en Autriche ont subi une baisse de 12% de leur revenu réel.

C’est ce genre de “succès”, plus les illusions dans l’euro et la croissance économique continue au niveau mondial, qui explique en partie pourquoi les dirigeants européens ont été complètement pris par surprise par l’arrivée de la crise, une crise qui a posé un point d’interrogation géant sur le soi-disant “projet européen” et sur la survie de l’eurozone dans sa forme actuelle.

Alors que la crise internationale qui a démarré en 2007 était la raison finale de l’échec de l’UE à atteindre ses objectifs de 2010, certains pays européens souffraient déjà de changements à l’échelle mondiale qui se produisaient dans le capitalisme. Bien que cette calamité a complètement pris par surprise l’ensemble des classes dirigeantes et de leurs politiciens, elle n’est pas une sorte d’événement “bizarre”. En réalité, elle découle de la nature même du capitalisme et en particulier du caractère de la croissance économique des deux dernières décennies.

Au même moment, elle a également révélé le véritable caractère et les limites de l’UE. C’est là tout le sens du dernier round de bagarres entre les puissances européennes, et maintenant du débat ouvert sur le futur de l’euro et de la discussion (qui accompagne probablement un début de planification) de la possibilité qu’au moins un pays se voie forcé de quitter l’eurozone. Mais cette discussion n’a pas été limitée aux pays qui pourraient être forcés de quitter l’euro, mais elle a également porté sur la possibilité, dans une situation extrême, pour l’Allemagne de le quitter.

Des crises qui s’enchainent et la crise de l’euro

Alors qu’en mai 2010, un énorme plan de sauvetage d’un montant de 750 milliards d’euro a mis un terme à la crise immédiate provoquée par la révélation de la véritable situation financière de la Grèce, ceci n’a amené qu’une stabilité temporaire. À de nombreuses reprises depuis lors, de brusques écart de spread ont indiqué un potentiel pour de nouvelles crises, ou la menace de nouvelles crises, au fur et à mesure que des doutes refont surface quant aux finances d’autres pays de l’eurozone.

La nouvelle crise en novembre, autour de l’Irlande cette fois, a été en partie déclenchée par Merkel qui en octobre a imposé un accord qui disait qu’à l’avenir, en cas de crise financière, les investisseurs devraient assumer eux-mêmes les pertes sur leurs investissements. Les autres pays européens n’étaient pas dans une position d’affronter l’impérialisme allemand qui est la base financière sur laquelle reposent l’euro tout comme l’UE. Merkel a en partie agi afin de prévenir la montée de l’opposition à l’intérieur de l’Allemagne à l’encontre de ce qui y était perçu comme le “renflouement” d’autres pays.

Toutefois, si cet accord d’octobre a accéléré le cours des événements, ce n’est pas lui qui les a causé ; les marchés financiers ont rapidement augmenté les taux d’intérêt qu’ils exigeaient de l’Irlande, tentant par-là de couvrir une partie de pertes potentielles. Ce qui est ici très clair, c’est qu’alors que les institutions financières exigeaient que ce soient la classe ouvrière et la classe moyenne qui subissent les coupes, elles ont utilisé tout leur pouvoir pour résister à toute proposition selon laquelle elles-mêmes devraient accepter la moindre perte. La pression énorme qui s’en est suivi sur l’Irlande afin qu’elle accepte un renflouement et encore plus d’austérité, en plus de la “supervision” internationale qui l’a accompagnée, était le reflet d’une véritable panique. De nombreuses classes dirigeantes craignaient que l’effondrement des banques irlandaises provoque une crise internationale du type de Lehmann Brothers, et/ou que la crise autour de la dette irlandaise pourrait très vite mettre l’Espagne sous une pression similaire. Tandis que des plans de “sauvetage” peuvent être offerts à des petites économies comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, une crise espagnole enverrait valser l’ensemble de la zone euro.

Mais l’avenir de l’eurozone n’est pas seulement menacé par une nouvelle crise de la “dette souveraine”. Il y a également des tensions qui découlent des déséquilibres du système de l’euro, un système qui a profité à de nombreux égards au capitalisme allemand, au détriment de ses rivaux. Comme l’a expliqué le CIO avant l’introduction des billets et des pièces euro, cette situation met en question la durée qui reste à vivre à l’eurozone dans sa forme actuelle. Clairement, l’intégration de l’économie européenne a parcouru tout un chemin et a produit une situation dans laquelle, en addition aux immenses troubles politiques, une reconfiguration ou l’éclatement de la zone euro serait extrêmement destructeur. Mais cela en soi ne serait pas suffisant pour empêcher que, en pleine période de crise, un pays ou un groupe de pays quitte l’eurozone ou, comme Merkel l’a menacé en mars 2010, en soit mis à la porte.

Il y a de plus en plus de tensions et de conflits d’intérêt entre les différents pays européens, ce qui est quelque chose que la Chine tente d’exploiter avec ces offres de soutien financier à la Grèce et au Portugal. En même temps, il y a  parmi les grandes puissances européennes une lutte pour la direction, sinon pour la suprématie. À cause de la crise, la Grèce et de plus en plus l’Irlande, en tant que pays de l’eurozone, sont placés sous un contrôle croissant de l’UE – en réalité de l’Allemagne, qui est la plus grande puissance économique de la zone euro. En Grèce comme en Irlande il y a une colère, avec des éléments d’anti-impérialisme, à l’encontre de ce qui est correctement perçu comme étant une perte de souveraineté au profit de l’UE, de la BCE, du FMI et des marchés financiers. L’opposition populaire va grandir dans cette direction, et les marxistes vont tout faire pour donner à ce sentiment un caractère anticapitaliste plutôt que nationaliste.

Une nouvelle chute de l’économie

Déjà avant la tempête du mois de novembre, il a été clair que la faible reprise de l’économie de cette année, qui était un mélange de spasme post-mortem et de croissance économique en Chine, n’allait pas mettre un terme aux tourments de l’Europe. Cela, malgré le fait que dans une poignée de pays, et surtout en Allemagne, il y a toujours des gens qui gardent l’espoir que le pire est passé. Toutefois, il est clair que cette reprise n’est pas fermement basée ni enracinée dans des développements au sein de l’UE. La très forte dépendance de l’Allemagne sur ses exportations est particulièrement fragile et, si elle devait s’inverser, cela aurait de profondes répercussions, autant que ce qu’on a déjà vu avec la chute dramatique de -6,8% de son PIB entre les printemps de 2008 et 2009. Partout en Europe, il y a eu une croissance des emplois précaires, temporaires et limités, du travail à temps partiel et du nombre de travailleurs qui ont été forcés à “s’auto-employer”, tout cela étant bien loin de vrais emplois à plein temps.

Pour les travailleurs allemands, cette croissance économique a eu des effets différents. L’année 2010 a connu des gains dans certains secteurs, par exemple il y a eu dans la sidérurgie une hausse salariale de 3,6% et l’harmonisation de la paye pour les travailleurs à contrats à durée déterminée, et aussi certaines entreprises, surtout dans l’industrie automobile, ont accordé des hausses salariales en avance sur ce qui était prévu dans les contrats. Mais 2009 a été la première année depuis 1949 où non seulement les salaires réels, mais aussi les salaires nominaux, ont baissé, en même temps que la pression des patrons dans les entreprises continuait à croitre. Qui plus est, la majorité des nouveaux emplois créés ont été temporaires, des emplois qui peuvent facilement être perdus dès que l’économie s’arrête de croitre. Malgré cela, la croissance économique récente a créé certains espoirs que le pire est derrière nous, en Allemagne et dans certains pays qui y sont économiquement liés. En novembre 2010, 35% des Allemands craignaient le chômage, comparé à 59% un an auparavant. C’est une des raisons pour lesquelles les nouvelles mesures d’austérité du nouveau gouvernement, visant principalement les couches les plus pauvres de la population, ne provoquent pas encore une opposition large.

Mais beaucoup de pays en Europe sont confrontés à une situation économique bien, bien pire et, en outre, il n’y a pas de porte de secours. 2009 a été l’année d’énormes chutes du PIB dans les États baltiques, (la Lettonie a subi la pire chute du PIB : -18%) et de très grosse pertes dans des pays comme la Finlande (-8%), l’Irlande (-7,1%) et l’Islande (-6,8%). Au fur et à mesure que s’écoulait l’année 2010, le taux de croissance d’autres pays européens s’est lui aussi ralenti.

La situation instable est une raison pour les divisions continues au sein des classes dirigeantes quant au rythme et à l’ampleur des attaques qu’ils désirent poursuivre sur le niveau de vie, et à la nécessité ou non du maintien de mesures afin d’atténuer les effets de la crise.

Ce qui est clair est qu’au sein de l’UE, il n’y a aucune base pour une reprise économique durable ; cette situation est aggravée par les offensives que la plupart des gouvernements ont lancées avec la mise en œuvre de mesures d’austérité. C’est ce qu’on voit en Grèce et en Irlande, dont les économies sont en réalité toujours en train de baisser, tandis que des pays comme le Portugal ou l’Espagne ne sont pas loin derrière. L’offensive du gouvernement britannique est justifiée par l’espoir d’une reprise des exportations, mais il n’y a aucune certitude quant à la possibilité du capitalisme britannique de reconstruire ses secteurs non-financiers. De la même manière, tous les signes indiquent que l’économie mondiale est de nouveau en train de ralentir, et qu’une récession en “double chute” se pointe à l’horizon. Les perspectives pour l’économie mondiale sont aussi cruciales pour les perspectives économiques de l’Allemagne, puisque sa rapide reprise en 2010 était purement basée sur les exportations. Une décennie de gel des salaires, combinée aux taux de change des devises nationales en euro a bousté la compétitivité du capitalisme allemand, dans l’eurozone comme à l’échelle internationale. Par exemple, plus de 20% de la production des entreprises automobiles allemandes a été vendu à la Chine, et l’Allemagne pourrait au mieux se retrouver dans la stagnation au cas où, comme il semble probable, l’économie mondiale venait encore à ralentir. Une baisse plus profonde de l’économie mondiale produirait une nouvelle chute rapide des exportations allemandes et aurait d’énormes répercussions politiques et sociales.

La résistance à l’offensive patronale

Un symptôme du caractère fondamental de cette crise économique est que les attaques et les coupes budgétaires dans de nombreux pays ne touchent pas seulement la classe ouvrière et la jeunesse, mais aussi des couches larges de la classe moyenne. Pour la première fois depuis les années ’30, des coupes salariales ont été mises en œuvre dans la plupart des pays européens par des coupes directes, comme en Irlande et en Grèce, ou par la réduction du temps de travail avec une perte de salaire ou une combinaison des deux. Ces attaques ne sont pas seulement mises en œuvre parce que la production économique a chuté, parce que l’État s’endette ou parce que la classe dirigeante désire mainenir ses profits et minimiser leur taxation. Sous couvert de la crise, la classe dirigeante poursuit son offensive dans le but de forcer son agenda néolibéral, qui vise à affaiblir la classe ouvrière, diminuer le cout de la main d’œuvre et drastiquement réduire les budgets sociaux. Ainsi, dans de nombreux pays, ce sont les couches les plus faibles et les plus pauvres de la population qui sont les plus touchées.

Les espoirs de beaucoup de gens sont brisés par les licenciements, par les coupes dans les services publics et, dans certains pays, par le fardeau de la dette qui a été contractée lors de la période de “croissance” pour pouvoir financer l’immobilier ou les dépenses au jour le jour. De plus en plus, la jeunesse européenne, qui subit à présent un chômage de masse comme on n’en voit qu’en période de dépression, ne parvient pas à voir un avenir stable. Au lieu de ça, elle est confrontée à la perspective d’un mix d’emplois temporaires, de chômage, de hausse du cout de l’éducation et du niveau d’endettement. Cette crise affecte les pays de manière différentes. Certains pays comme la Grèce, le Portugale ou de nombreux pays d’Europe de l’Est sont confrontés à des crises fondamentales ; leurs perspectives sous le capitalisme sont très limitées. Dans ces pays, ou dans d’autres tels que l’Irlande, certaines des couches les plus énergiques pourraient émigrer dans l’espoir de trouver une issue. Mais de nombreux jeunes vont vouloir riposter. D’importantes couches de jeunes, y compris provenant des banlieues, ont rejoint la lutte de l’automne 2010 en France, montrant le potentiel pour les attirer dans la lutte de classe. Certains gouvernements commencent à se préparer à une forte résistance de la part de la jeunesse et de la classe ouvrière avec des tendances vers des méthodes plus autoritaires et plus répressives contre les manifestations tout comme contre les luttes des travailleurs, comme on l’a vu avec l’utilisation de mesures d’urgence par Sarkozy contre les travailleurs des raffineries pétrolières, ou avec la militarisation des aéroports par le gouvernement PSOE en Espagne contre la grève des contrôleurs aériens.

Ces dernières années ont connu des revirements soudains dans la conscience. Au fur et à mesure que la crise se développait en 2007, 2008 et 2009, il y a d’abord eu une crainte d’un retour aux années ’30 et, dans certains pays, il y a eu des éléments d’un effet d’étourdissement au moment de la hausse du chômage, ce qui s’est reflété dans l’acceptation des coupes salariales par certains travailleurs. En même temps, il y a eu une vague de colère, surtout envers les banques, avec des manifestations centrées sur le slogan “Ce n’est pas à nous de payer votre crise”. Toutefois, la première vague de protestation, dépourvue d’une perspective socialiste, s’est dans une certaine mesure dissipée dans certains pays, avec les espoirs que les plans de relance des gouvernements pourraient d’une certaine façon permettre d’éviter le désastre. Maintenant, il y a de nouveau des peurs et de la colère, surtout envers les banquiers, au fur et à mesure que les impacts à long terme de la crise en terme de niveau de vie et de perspectives deviennent plus clairs. Cela crée les conditions pour des bonds dans la conscience là où les idées du socialisme vont commencer à revivre au sein du mouvement ouvrier, et les socialistes vont être capables d’obtenir une plus large réception pour leurs idées et leurs propositions.

Mais, comme l’ont à nouveau montré les dernières années, la lutte de classe et les actions de protestation ne suivent pas une ligne droite. Il peut y avoir temporairement le sentiment d’être totalement emporté par la crise et qu’on ne peut rien faire. De tels sentiments vont passer, mais les luttes elles-mêmes ont un rythme d’avancées, de pauses, et de réflexion avant de reprendre, peut-être sous une forme nouvelle.

Déjà depuis 2007, il y a eu une forte réaction et le début d’une résistance à la crise, et la tentative toute naturelle de la part des capitalistes de se décharger de ses couts. Comme le CIO l’a déjà expliqué auparavant, s’il y avait eu des partis socio-démocrate ou staliniens forts, malgré leur réformisme, du type qui existait encore il y a trente ans, alors cette crise aurait très rapidement provoqué une remise en question du capitalisme lui-même, et la croissance d’une conscience socialiste parmi une large couche de la classe ouvrière. Mais ce qui a – jusqu’à présent – sauvé le capitalisme, c’est la faiblesse politique de la classe ouvrière, ce qui est le résultat de la chute de la conscience de classe des dernières décennies, qui a fait en sorte qu’il n’y a pas eu de vision du socialisme en tant qu’alternative au capitalisme.

Les syndicats et la crise

Le manque d’une alternative n’a pas été seulement la conséquence de la dégénérescence et de la transformation des vieux partis réformistes. Cela fait maintenant de nombreuses années que la grande majorité des dirigeants syndicaux cherchent à empêcher les syndicats de jouer un rôle politique, et en particulier de remettre en question le capitalisme, malgré les racines et les objectifs socialistes de nombre d’entre eux. Les dernières décennies ont vu un renouvellement de l’intégration  d’une grande partie des sommets syndicaux dans la société bourgeoise, entremêlés à l’État ou à la direction d’entreprises. Ceci a laissé nombre d’entre eux complètement incapable de donner la moindre forme de réponse combative à cette crise.

Certains dirigeants syndicaux, comme en Irlande, ont même fini par accepter les arguments de la classe dirigeante et sont d’accord avec les coupes salariales. Mais à cause des racines des syndicats, ils peuvent toujours subir une certaine pression et se voir forcer à faire au moins quelques grimaces, comme lorsque l’OGB en Autriche a dû annuler son accueil initialement favorable au budget du gouvernement pour 2011. Mais les éléments pro-capitalistes cherchent toujours à limiter la lutte, comme par exemple les dirigeants du sud de l’Europe qui veulent s’assurer que les grèves de 24h ne resteront qu’une soupape pour évacuer la colère plutôt que des actions de mobilisation à la lutte. La DGB allemande a été forcée d’organiser des “semaines d’action”, mais a tout fait pour que ces actions ne soient pas le début d’une campagne sérieuse, ce qu’elle n’a pu faire que parce que la croissance économique de 2010 a diminué la pression sur eux. Au Royaume-Uni, la TUC a fait trainer aussi longtemps que possible l’appel à une manifestation nationale, et puis a cherché à la lier à la campagne électorale du Labour Party.

C’est pourquoi les socialistes participent à la lutte pour transformer les syndicats en organisations de combat, s’efforcent d’aider à construire une base active qui puisse mettre la pression sur les dirigeants existants, qui puisse être le point de départ d’une future direction combative et, là où c’est nécessaire, prendre des initiatives par elle-même. La bureaucratisation des syndicats, l’intégration de nombreux dirigeants dans le capitalisme, et les restrictions légales préparent aussi la voie à l’éruption de mouvements spontanés. Toutefois la France, et d’autres pays comme le Portugal et l’Espagne, illustre à quel point la pression de la base peut forcer même les plus droitiers des dirigeants syndicaux à organiser des actions, même minimes, bien que la question reste posée quant à savoir jusqu’où ils seront prêts à aller. Une telle pression peut aussi produire une polarisation au sein des syndicats, ce qui peut donner naissance à de nouvelles directions, voire à des scissions. Ainsi, il faut noter que lors des récentes luttes en France, le syndicat de gauche Sud, créé en 1988, et la CGT, qui est la plus vieille et la plus large centrale syndicale en France, ont clairement été les plus visibles au cours de toutes ces actions.

Le déclin du taux d’adhésion aux syndicats dans la plupart des pays a pour conséquence que des organes spéciaux, comme des assemblées ou des comités d’usine ou comités d’action, doivent être créés afin d’impliquer à la fois les travailleurs syndiqués et non-syndiqués dans la préparation et l’organisation des luttes. Mais, comme la France l’a montré tout récemment, les luttes nationales, surtout contre le gouvernement, doivent être coordonnées et avoir une stratégie claire, y compris lorsqu’elles se développent spontanément à partir de la base. Cela pose à son tour la question de qui, politiquement parlant, guide cette lutte. Que ce soit de manière formelle ou non, la plupart des dirigeants syndicaux actuels sont membres de l’un ou l’autre “parti de collaboration de classe” ; il faut les remplacer par des membres d’un “parti de lutte des classes”, dont les plus conscients seront les marxistes.

Dans de nombreux pays, la classe dirigeante a décrété de nouvelles lois qui limitent les droits des syndicats et l’impact des actions de grève, comme les règles incroyablement compliquées du vote pour la grève qu’on a au Royaume-Uni, ou la loi de Sarkozy pour forcer le maintien d’un soi-disant “service minimum” pendant les grèves. D’autres mesures antisyndicales pourraient être introduites au cours du processus qui tend à ce que les gouvernements se dotent de nouveaux pouvoirs plus autoritaires, dans une tentative de contrer de futurs mouvements et luttes. Mais de telles lois de classe ne peuvent avoir un effet que tant que les travailleurs ne ressentent pas la nécessité de les défier et n’ont pas la confiance de le faire.

La grève générale à nouveau à l’ordre du jour

Comme l’Irlande l’a montré, les dirigeants syndicaux peuvent retarder mais pas empêcher indéfiniment les travailleurs de se mettre en action. Ceci a déjà été démontré par la manière par laquelle la question de la grève générale est revenue à l’ordre du jour, malgré les tentatives de nombreux dirigeants syndicaux d’éviter ce débat. Des grèves générales ont déjà eu lieu dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, et en Allemagne, la question du droit à appeler à la grève générale est parfois soulevée par Lafontaine et par les éléments les plus à gauche de Die Linke. Il est important de constater qu’en Espagne et au Portugal, les dirigeants syndicaux ont été forcés à appeler à une journée de grève générale par la pression de la base, et en Italie l’appel à une grève générale a été extrêmement populaire lors de la manifestation de la Fiom à Rome en octobre.

Pour les marxistes, des grèves générales de un jour, deux jours ou trois jours sont une arme importante afin d’unifier la classe ouvrière et les autres couches opprimées, de donner de la confiance pour la construction de manifestations puissantes, et pour menacer la classe dirigeante, mais elles doivent faire partie d’une stratégie de construction du mouvement, et non pas en tant qu’actions purement symbolique pour laisser s’échapper la colère. Autrement, elles pourraient être utilisées pour épuiser les travailleurs plutôt que pour les mobiliser.

Le développement de la lutte peut poser la question de la grève générale illimitée, ce qui pourrait même se développer de manière spontanée en une situation similaire à celle de la France de 1936 ou de 1968. Il est clair que la classe dirigeante, tout comme la plupart des dirigeants syndicaux actuels, tenteraient alors de conclure un accord pour briser le mouvement. Même si une telle grève générale ne commençait qu’en tant qu’action de protestation, au plus elle se poursuivrait, au plus elle se mettrait à défier le gouvernement et poser la question de qui contrôle le pays. Ceci, comme la France de 1968 l’a montré, pose carrément à l’ordre du jour la question du programme concret et des premiers actes que le mouvement ouvrier doit accomplir afin de renverser le capitalisme.

En ce moment, même là où il y a des partis qui parlent de socialisme ou de lutte au moins en parole, cela a été combiné à une approche réformiste au jour le jour et, dans le cas du KKE grec, avec un sectarisme qui a contribué à empêcher le développement de luttes unies. Ces partis pourraient, comme Die Linke le fait dans son projet de programme, parler de “socialisme”, mais en réalité ils n’ont pas présenté le socialisme comme étant l’alternative à la misère croissante engendrée par le capitalisme. En France, le NPA, tout en émettant de temps à autre l’une ou l’autre déclaration à l’air radical, ne s’est même pas révélé être à la hauteur de son nom et, dans ses activité au jour le jour, ne parle même pas de la nécessité de renverser le capitalisme lui-même.

Cette situation, d’une opposition puissante face à des attaques brutales, mais sans une direction claire peut, en l’absence d’une solide force marxiste, facilement mener à la croissance d’idées confuses. Dans les cas d’extrême désespoir, les couches frustrées, et en particulier la jeunesse, peuvent commencer à entreprendre des actes de terrorisme, quelque chose qui a refait surface en Grèce.

L’extrême-droite, l’immigration et le nationalisme

La combinaison de l’absence d’une alternative ouvrière forte, en plus de l’immigration à large échelle dans certains pays, a donné des opportunités dans différents pays pour tout un mélange de forces populistes, nationalistes, semi-fascistes et d’extrême-droite. En général, ces forces se basent sur l’hostilité envers “l’élite”, sur l’incertitude croissante quant au futur qui est causée par le néolibéralisme et par la crise, tout en agitant la peur de l’immigration et le nationalisme.

Dans certains cas, comme en Autriche, en Hongrie et aux Pays-Bas, ces forces ont établi un soutien électoral important mais instable – depuis déjà plusieurs années maintenant dans le cas du FPÖ autrichien –, et en Belgique et en France, il est possible qu’il y ait une résurgence du VB et du FN. Après avoir vu les immenses problèmes qui ont atteint le FPÖ après qu’Haider ait accepté de rejoindre le gouvernement en 2000, ces forces sont, à ce stade, plus prudente quant à leur éventuelle entrée au gouvernement. Le PVV de Wilders au Pays-Bas tente d’éviter ce danger en soutenant mais sans rejoindre le nouveau gouvernement de minorité VVD et CDA. Jobbik en Hongrie, qui a remporté près de 17% lors des dernières élections, cherche aussi à rester en-dehors du gouvernement, au moins pour l’instant. La récente hausse des voix pour Chrysi Augi en Grèce est un symptôme de la polarisation qu’apporte une crise sociale, et un avertissement de la manière dont la déception vis-à-vis des gouvernements, le nationalisme et l’absence d’une alternative socialiste claire peuvent ouvrir la voie à l’extrême-droite. D’un autre côté, les succès engendrés par l’extrême-droite peuvent engendrer de puissants contre-mouvements, comme cela s’est produit en Suède depuis que les Démocrates sont parvenus à entrer au Parlement. Mais comme l’a montré l’Autriche, bien que ces contre-mouvements sont capables de mobiliser certaines couches, sans un programme qui prenne à bras le corps les problèmes qu’exploite l’extrême-droite pour se faire valoir, ils ne vont pas forcément parvenir à saper leur soutien.

Dans beaucoup de pays, ce n’est pas seulement l’extrême-droite, mais aussi des partis gouvernementaux qui utilisent les communautés immigrées en tant que bouc-émissaires responsables des problèmes sociaux et économiques. Parfois, cela est maquillé sous l’histoire du “choc des cultures”, surtout envers l’islam. En même temps, le fait que des immigrés soient exclus de la société et souvent les premières victimes des coupes budgétaires peut donner aux forces réactionnaires et fondamentalistes l’occasion rêvée pour faire des percées parmi ces couches qui sont les plus opprimées de la classe ouvrière. Certains partis traditionnels bourgeois tentent de copier au moins une partie du programme des partis d’extrême-droite. Cela a été évident au Danmark, où autant les gouvernements socio-démocrates que les gouvernements conservateurs ont adopté la politique du Parti du peuple danois (DPP), organisation raciste. Même le Parti socialiste du peuple a coopéré avec le DPP et a utilisé une propagande islamophobe. Un autre danger qui suit la hausse des voix pour l’extrême-droite est la montée de la violence et des activités néo-nazies.

L’immigration est devenue un enjeu encore plus puissant en cette période de crise sociale et économique. Déjà avant que la crise ne frappe, l’immigration en provenance des nouveaux États membres européens et d’en-dehors de l’Europe était un gros problème dans beaucoup de pays. À part l’Allemagne, la plupart des grands pays européens ont récemment connu de fortes hausses de population. L’Espagne a connu la plus forte hausse, passant de 39 803 000 habitants en 1999 à 45 989 000 à l’heure actuelle. Cette immigration a été encouragée par les patrons qui cherchent une main d’œuvre bon marché, mais ce système capitaliste anarchique est incapable de résoudre les problèmes sociaux découlant des pressions sur le logement, les services publics, etc. Le fait que la population allemande a commencé à décliner n’a pas mis un terme au débat qui a commencé avec la publication du livre de Sarrazin sur l’intégration et la non-intégration des immigrés en Allemagne, surtout des communautés musulmanes. Ce sont là des enjeux auxquels il faut répondre d’une manière qui défende les communautés immigrées contre les attaques, tout en préparant aussi le terrain pour une lutte commune, en répondant aux craintes et aux questionnements de tous les travailleurs. Sans une stratégie claire de comment construire une action unie des travailleurs contre les coupes salariales et les pertes d’emplois, l’ouverture en mai 2011 du marché du travail européen aux citoyens de l’ensemble des nouveaux pays adhérents ne pourra qu’alimenter encore plus l’hostilité envers les travailleurs immigrés.

L’Europe-Forteresse contre les immigrés et les réfugiés est une des caractéristiques-clés de l’Union européenne. Un véritable mur a été construit en Afrique du Nord, et d’ignobles camps de réfugiés ont été construits dans des pays frontaliers tels que la Lybie. Une force militaire, la Frontex, disposant d’avions, d’hélicoptères et de vaisseaux a été constituée. Les demandeurs d’asile qui finissent par arriver en Europe sont considérés comme des criminels et sont exploités en tant que main d’œuvre hyper-bon marché ne disposant d’aucun droit.

La tentative de Sarkozy de faire dévier la lutte contre sa réforme des pensions en attaquant les communautés roms n’était qu’une manœuvre flagrante de “diviser pour régner”, qui a totalement échoué. Mais il faudra encore s’attendre à ce genre de tactiques, généralement accompagnées de nationalisme. Les premières attaques de la bourgeoisie internationale sur les travailleurs grecs ont été une tentative de mettre la population grecque sous pression et d’empêcher une réponse internationale. Il est clair que des sections entières de la bourgeoisie ont tenté de faire la même chose par rapport à la lutte des travailleurs français qui voulaient empêcher la hausse de l’âge de la retraite au-delà de 60 ans. Tout comme en Grèce, il y a eu une tentative délibérée de semer de la désinformation, mais il a rapidement été clair qu’il y avait une immense solidarité avec la lutte des Français ; de fait, de nombreux travailleurs voulaient voir la France devenir un exemple de comment vaincre les mesures d’austérité, et dans certains pays comme la Belgique, les travailleurs ont organisé des actions de solidarité. Les manifestations du 29 septembre de la Confédération syndicale européenne était un premier pas dans la bonne direction, mais bien évidemment les dirigeants syndicaux n’ont rien fait pour construire quoi que ce soit sur base de ces actions. Le CIO a déjà joué un rôle important dans la formulation de revendications claires, qui puissent être utilisées afin d’organiser une riposte sur le plan européen, dans laquelle nous pourrions agiter en faveur d’une fédération socialiste démocratique européenne, sur base volontaire et équitable, en tant qu’alternative à l’UE capitaliste.

Dans beaucoup de pays, les questions nationales ont refait surface, ou sont en train de refaire surface, ce qui amène à des tensions. Au Pays basque, la solution nord-irlandaise est présentée comme un exemple à suivre pour l’ETA, bien qu’elle n’ait nullement résolu le problème, et qu’elle permis la croissance des forces sectaires opposées au “processus de paix”. Tandis qu’en Belgique, le récent succès électorale de la NVA a soulevé le spectre de la possibilité d’un nouveau tour de crise nationale dans ce pays. Dans les Balkans, il y a encore des questions non-résolues que ce soit en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo, en plus de la dispute entre la Grèce et la Macédoine. La Grèce est aussi impliquée dans des querelles avec la Turquie en Chypre, dans la mer Égée et concernant la division de l’espace aérien.

En Europe centrale et orientale, il y a toute une série de questions nationales non-résolues, de frontières mal définies et de droits nationaux pour les minorités. Un exemple de la manière dont ces tensions pourraient se développer au sein de l’Union européenne est la colère des voisins de la Hongrie provoquée par la décision de cette dernière d’accorder la citoyenneté hongroise à toutes les personnes d’origine hongroise vivant en-dehors de ses frontières actuelles, et qui lui ont été imposées en 1919 par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale.

Les limites du réformisme

Le mouvement ouvrier ne peut pas ignorer ces questions qui peuvent revenir encore plus à l’avant-plan si elle ne montre pas une issue socialiste générale à cette crise.

Illustrant les différentes situations objectives, la conscience dans les différents pays d’Europe est plus différentiée maintenant qu’au début de cette crise économique.

Il y a une très réelle possibilité que certains pays, surtout ceux parmi les ex-pays staliniens et les petits pays, se retrouvent plongés dans une catastrophe profonde et fondamentale. Dans de tels pays, il va y avoir des explosions d’amertume, de colère, et de désespoir, mais en même temps il y aura des doutes sur ce qui peut être fait. La question serait posée de quel avenir le capitalisme réserve à de tels petits pays. Déjà, il y a une immigration accrue en provenance de Grèce, d’Irlande et du Portugal, sans parler des États baltiques et d’Europe centrale, etc. mais contrairement à ce qu’on a vu auparavant, ce n’est aujourd’hui plus si facile de se rendre aux États-Unis, en Amérique du Sud ou en Australie. Et bien sûr, une grande crise économique mondiale frapperait tragiquement les grands pays de l’UE, surtout le Royaume-Uni, avec sa dépendance au secteur financier, et l’Allemagne dont l’économie est basée sur l’exportation.

Cependant, la réponse à la question du “Qu’est-ce qu’on peut faire” ne se fait pas seulement attendre dans les petits pays, mais dans tous les pays. Avec la propagande incessante du “Il n’y a pas d’alternative”, selon laquelle les marchés ne peuvent être ignorés, et le fait que aucun des stratèges capitalistes ne tente même de dépeindre un futur qui soit un tant soit peu plus rose, il faut pour le mouvement ouvrier que les socialistes donnent une idée claire de ce qui serait immédiatement possible sitôt le capitalisme renversé. Concrètement, cela veut dire montrer à quel point le niveau de vie pourrait être relevé en utilisant l’ensemble des capacités et des technologies existantes une fois que le règne du profit sera brisé, et ensuite comment une société socialiste peut offrir une société qui sera véritablement meilleure demain qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’est là une des tâches cruciales de l’approche transitoire aujourd’hui.

La recherche inévitable pour une issue hors du bourbier capitaliste et des limites qui sont imposées par les dirigeants en général pro-capitalistes, vont inévitablement mener à ce que les travailleurs passent rapidement d’un champ de résistance et de lutte à l’autre en les combinant – manifestations, grèves, élections.

Le “moindre mal” et le défi de la construction de nouveaux partis des travailleurs

C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons vu certains des anciens partis ouvriers traditionnels gagner des élections sur la base qu’ils étaient une alternative “pas si mauvaise”, ou qu’ils étaient un “moindre mal”,  même si bien souvent très peu de positif en était réellement attendu. C’était là la base pour la victoire du Pasok en 2009 et pour l’arrivée au pouvoir de la coalition social-démocrate et écolo en Islande au début de 2009. Aujourd’hui, le Labour party irlandais et le PS en France ont monté dans les sondages d’opinion.

Mais ce regain électoral n’est pas automatique, surtout vu que ces partis ont perdu leur base et leurs racines dans la classe ouvrière. En Allemagne, le SPD n’a jusqu’ici pas vraiment profité de la chute du soutien au gouvernement Merkel, et continue à perdre des membres. C’est un reflet du fait que d’importantes couches de la classe ouvrière n’ont pas oublié les mesures prises par le SPD lorsqu’il était au gouvernement, surtout avec le plan Hartz IV ; cela illustre le potentiel que des formations de gauche ont maintenant parmi les travailleurs et les jeunes critiques et radicalisés. Au Royaume-Uni, le Labour Party regagne doucement du soutien au fur et à mesure que la coalition ConDem perd le sien, mais cela est handicapé par toutes leurs actions au gouvernement, par ses propres appels à des coupes budgétaires au niveau national (bien qu’à un rythme “plus doux”), et par le fait qu’au niveau local, il continue à mettre en place des coupes. C’est pourquoi des résultats électoraux pris un par un comme celui du Pasok en 2009 ne signifient pas nécessairement un renouveau durable.

Toutefois, malgré les opportunités qui ont existé, les dernières années ont vu beaucoup de faux départs pour les nouvelles formations de gauche qui ont commencé à se développer dans toute une série de pays au cours des deux dernières décennies. Bien que la situation objective ait été difficile, c’était surtout la faiblesse sur le plan subjectif qui a fait rater ces opportunités. En général, leurs directions ont connu un début fort différent de la fondation des anciens partis de la Deuxième ou de la Troisième Internationales qui, malgré leur développement ultérieur, ont construit un soutien initial sur base d’une opposition claire au capitalisme, de la participation à la lutte, du but du socialisme et, dans la plupart des cas, du non-compromis avec la classe dominante. Au cours des dernières années, beaucoup de nouvelles formations se sont développées d’une manière complètement opposée, sans aucune opposition claire au capitalisme, sans revendications de classe ni de stratégie claires, et avec une bonne volonté de conclure des accords pourris avec les anciens partis réformistes.

Ceci a en partie illustré l’héritage parmi la plupart de ces dirigeants, de l’effondrement post-stalinien, du manque de confiance, et de l’absence de perspective de construire un parti des travailleurs de masse, se voyant plutôt comme un groupe de pression. C’est quelque chose qui est clairement affiché par les ex-dirigeants LCR qui sont à la tête du NPA en France. C’est également lié au fait que ces groupements cherchent des alliances électorales avec d’autres forces, quelque chose qui a pavé la voie à la déchéance du PRC italien après sa participation à un gouvernement de coalition pro-capitaliste en 2006-8. Aujourd’hui, le SP néerlandais se dirige dans la même direction, désirante devenir l’aile “gauche” du gouvernement. En Allemagne, un débat similaire est en train de se tenir au sein de Die Linke quant aux alliances stratégiques avec le SPD et les Verts, et c’est une des raisons pour lesquelles sa direction ne tente pas réellement de construire le parti ou de relever son soutien au-delà des 11,9% obtenus aux élections de 2009. Au niveau des landers, Die Linke, à la suite de la trajectoire de l’ancien PDS, est en ce moment en coalition avec le SDP à Berlin et dans le Brandenburg, et les plus droitiers des dirigeants du parti souhaitent suivre cet exemple à une échelle plus large encore.

Le fait de comprendre les pressions électorales du ”moindre-malisme” ne veut pas dire entrer dans des alliances pourries ou dans des gouvernements avec des partis pro-capitalistes, comme aimeraient clairement pouvoir le faire les dirigeants de beaucoup de ces “toutes nouvelles” formations de gauche. Puisque ces dirigeants ne considèrent pas sérieusement la tâche de la construction d’un parti qui puisse réellement défier le capitalisme et chercher à gagner une majorité de la classe ouvrière, ils n’ont pas la perspective que l’entrée des vieux partis au gouvernement leur fournira une opportunité pour construire, ce qui s’est déjà vu encore et encore à maintes reprises dans différents pays. Les marxistes doivent expliquer, au moins dans leur propagande générale, la nécessité d’un gouvernement des travailleurs qui transformera la société, et opposer cela aux gouvernements qui opèrent dans le cadre du capitalisme. Cela doit être exprimé d’une manière qui soit appropriée à la situation actuelle dans chaque pays ; en général dans la plupart des pays à ce stade les marxistes mettent en avant cet objectif en terme de nécessité de construire un mouvement ouvrier capable de vaincre le capitalisme.

Cependant, la faiblesse des nouvelles formations de gauche ne signifie pas qu’elles ont touts épuisé leur potentiel. En France, Besancenot, la figure publique du NPA, avait encore tout récemment une cote d’approbation de 56% dans les sondages d’opinion, ce qui pourrait toujours se voir traduit en un soutien concret pour le NPA. Mais la politique des dirigeants actuels du NPA ferait en sorte qu’un tel soutien ne serait pas utilisé pour jeter les fondations d’un nouveau parti des travailleurs de masse, mais plutôt d’essayer de devenir un groupe de gauche qui exerce une pression sur le PS et le PCF. Déjà à l’intérieur du NPA une opposition a émergé contre cette stratégie du NPA, dans laquelle le CIO joue un rôle très important. Des développements similaires ont aussi commencé dans d’autres partis tels que le PRC, Syriza et Die Linke. <>Cette période orageuse signifie une instabilité politique et remet en question la longévité de gouvernements entiers. Beaucoup de gens seront élus simplement à cause de l’opposition au gouvernement précédent, ou juste par hostilité envers les autres partis. En ce moment, les “moindres mals” comme le Pasok ont rapidement déçu, ce qui pourrait également se produire en Irlande. En octobre, les parlementaires islandais ont fui en passant par la porte de secours du parlement afin d’éviter les manifestants qui étaient fâchés contre les mesures d’austérité de la coalition rouge/verte et contre son impuissance à protéger le mode de vie. En Grèce, dans les élections locales de novembre 2010, c’est uniquement l’hostilité au principal parti de droite qui a empêché le Pasok de perdre plus de la moitié de ses voix et donc autant de sièges.

Problèmes avec les nouvelles formations de gauche et opportunités pour le CIO

Bien qu’il y ait le potentiel pour la croissance d’une force de gauche de masse en Grèce, les faiblesses politiques de Syriza et d’Antarsya, qui rendent incertains leur développement futur et même leur avenir, en plus du sectarisme du KKE, sape fortement ces perspectives sur le court terme. Toutefois, même avec une approche correcte et la croissance d’une nouvelle force de gauche, une profonde déception avec un gouvernement de “moindre mal” peut ouvrir la porte à une victoire temporaire pour l’entrée au gouvernement de partis plus à droite. Mais ce genre de développement n’empêcherait pas les forces marxistes de croitre à partir des couches les plus radicalisées.

On ne peut pas exclure le fait que dans des circonstances extrêmes, comme un effondrement du système bancaire, certains gouvernements seraient forcés de recourir temporairement à des mesures de type “capitalisme d’État” afin d’atténuer les situations de crise, bien qu’ils tenteraient alors de renverser de telles mesures dès que possible. De telles mesures n’altéreront la principale stratégie des classes dominantes du monde entier qui est de réduire le niveau de vie, mais seraient une réponse à court terme à ces événements. Des situations d’urgence ou des explosions de colère pourraient créer des situations avec des caractéristiques semblables à celles du milieu des années ’30, lorsque les gouvernements avaient été forcés de prendre des mesures pour atténuer la crise.

L’effondrement quasi complet du PRC a eu un effet très négatif ; cela pourrait aussi se produire avec Syriza en Grèce. Cela était surtout le cas avec le PRC car il avait à un moment un réel enracinement dans la classe ouvrière et dans la jeunesse italiennes. Il était donc inévitable que son effondrement provoque du scepticisme quant à la possibilité de construire un nouveau parti des travailleurs et, parmi certains, on a une opposition aux tentatives de construire un nouveau parti sur base que cela va toujours rater. Tout en comprenant de tels sentiments, le CIO explique pourquoi un nouveau parti des travailleurs est nécessaire, tout en exprimant clairement que ce nouveau parti devra tirer les leçons du passé et ne pas devenir un PRC numéro 2. Le fait que la FIOM, la section militante du syndicat des métallurgistes, la CGIL, reçoit maintenant un large soutien et des demandes d’adhésion de la part de travailleurs d’autres secteurs que le métal, est un reflet de la manière dont des couches entières de travailleurs italiens sont à la recherche d’une arme qu’elles peuvent utiliser pour riposter. Mais le désenchantement par rapporte au PRC qui est survenu après l’effondrement de ce parti peut aussi renforcer les tendances trade-unionistes parmi les travailleurs et les tendances anarchistes chez les jeunes.

Mais ce n’est pas qu’en Italie que les travailleurs combatifs sont à la recherche d’une manière de répliquer. Dans les pays où ils conservent un certain soutien au sein de la classe ouvrière, il est possible que certains anciens partis staliniens survivants puissent jouer un rôle et attirer et construire à partir des travailleurs et des jeunes radicalisés. Ceci semble être en train de se produire en Espagne avec la IU. Dans d’autre pays, la situation est plus compliquée, surtout avec le KKE en Grèce, qui possède un soutien auprès de sections cruciales de la classe ouvrière mais qui combine une approche totalement sectaire envers les autres travailleurs avec le nationalisme, des revendications vagues et la glorification de Staline. En France et au Portugal, la situation est différente : le PCF est dans un front boiteux avec le PG, tandis que le PCP semble être en train de se radicaliser et s’ouvrir au débat. En Chypre, le président communiste commence à arrêter de mettre en œuvre ses petites réformes sociales pour se tourner vers les coupes budgétaires, ce qui fait que son parti, l’AKEL, semble vouloir se distancier du gouvernement, dans une tentative de maintenir leur soutien.

Dans cette situation orageuse, les débats et discussions sur les tâches du mouvement ouvrier vont fournir de larges opportunités aux marxistes sur toutes sortes de terrains, y compris parmi les couches nouvellement actives et parmi les membres ou les sympathisants de ces nouveaux partis et de ces partis en cours de radicalisation. À présent, d’importantes couches de travailleurs et de jeunes sont déjà en train de se radicaliser, et en train de passer d’une opposition au capitalisme vers une ouverture à ou vers la conclusion tirée par eux-mêmes de la nécessité du socialisme. Tout ceci crée les conditions dans lesquelles les marxistes peuvent rapidement croitre en nombre parmi eux. Là où aucune formation de gauche n’existe en ce moment, les marxistes interviendront dans les luttes et mettront en place des activités visant à construire leurs propres forces tout en gardant dans leur programme l’appel à de nouveaux partis des travailleurs de masse.

Il y a déjà eu de grandioses batailles de classes, mais en réalité celles-ci ne sont qu’un apéritif par rapport à ce qui va se produire au cours de la période qui vient, puisqu’il devient de plus en plus clair que le capitalisme ne peut pas offrir de meilleur futur. C’est pourquoi la vision de ce qui serait possible, non seulement économiquement mais aussi socialement, environnementalement et culturellement parlant si le capitalisme venait à être renversé est absolument cruciale pour la construction du mouvement socialiste. L’appel du CIO à une fédération socialiste démocratique d’Europe n’est pas simplement un objectif, mais c’est même là la raison pour laquelle nous devons nous efforcer de relier entre elles les luttes dans différentes parties de l’Europe et construire un mouvement international qui puisse mettre un terme au capitalisme à l’endroit même où il est né. La crise dans l’Europe capitaliste et dans l’UE va de plus en plus mettre la question de l’alternative socialiste pour l’Europe à l’ordre du jour pour les travailleurs et la jeunesse en lutte contre l’offensive des classes dirigeantes.

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